Ce média américain évalue les biais de ses journalistes avec une IA
L’outil Insights du journal Los Angeles Times affiche désormais une note générée par intelligence artificielle sur les articles d’opinion. Une proposition accusée de marquer un virage techno-solutionniste et peu favorable à la critique visant la politique trumpiste, raconte le média britannique The Guardian.

« Permettre aux lecteurs de faire la distinction entre ce qui relève du reportage sur l’actualité et les contenus axés sur l’opinion » : c’est l’objectif officiel d’Insights, l’outil d’intelligence artificielle développé par le Los Angeles Times pour « évaluer » les articles étiquetés d’ « opinion ».
Colonnes, éditoriaux, commentaires d’actualité, critiques… Depuis début mars, chaque article perçu comme exprimant un point de vue dans le média californien est annoté du label « Voices » (voix en anglais) et est accompagné d’un « biaisomètre » évaluant ses biais politiques selon les mentions « gauche, centre gauche, centre, centre-droit ou droit ». Des évaluations produites grâce à un partenariat avec Particle.News, une startup fondée en 2024 par d’anciens ingénieurs de Twitter.
Soon-Shiong aurait « publiquement suggéré que son personnel nourrissait des préjugés »
En plus de cette mention figure une liste d’opinions alternatives sur le même sujet, également générée par intelligence artificielle grâce à un partenariat avec Perplexity. Autant de contenus qui ne sont pas revus par des journalistes avant publication, et dont le journal reconnaît la fiabilité relative, notant que « l’intelligence artificielle peut être imparfaite et incomplète » et invitant ses lecteurs à signaler toute erreur qu’ils pourraient y trouver.
Biais automatisés
L’implantation de l’IA Insights prend effet après des mois de débats entre les journalistes du média californien et leur patron Patrick Soon-Shiong, un milliardaire issu du secteur des biotechnologies ayant racheté le Los Angeles Times en 2018. Les dirigeants syndicaux témoignent notamment du fait que l’homme d’affaire sud-africain aurait « publiquement suggéré que son personnel nourrissait des préjugés, sans offrir de preuves ni d’exemples ».
Au sein de la rédaction du journal et ailleurs, l’outil suscite de nombreuses critiques, parmi lesquelles celle de positionner l’IA comme dénuée de biais, alors même que celle-ci est alimentée de données fabriquée par les humains, et d’algorithmes façonnés, aussi, par des individus. Ou encore celle « d’éroder encore davantage la confiance du public dans l’information », selon les mots du dirigeant du syndicat des journalistes du Los Angeles Times.
Cette solution technologique s’impose dans un contexte où Patrick Soon-Shiong semble chercher à remodeler la section éditoriale et opinion de son journal de manière à réprimer les contenus allant à l’encontre des libertés individuelles et du marché libre, note The Guardian. Le milliardaire s’est par ailleurs vu accuser d’ « obéissance anticipée » à Trump, et d’avoir empêché la rédaction d’appeler à voter pour la candidate démocrate Kamala Harris dans les jours précédant les élections américaines.