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L'armée israélienne a lancé jeudi une opération terrestre dans le nord de la bande de Gaza, tandis que le Hamas revendiquait des tirs de roquettes contre Tel-Aviv : la trêve est bien rompue. Depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, de nombreux dirigeants du groupe islamiste ont été tués par Israël. Où en est le mouvement terroriste aujourd'hui ? Selon Michael Milshtein, expert des questions palestiniennes et directeur du Forum d'études palestiniennes au Centre Dayan de l'université de Tel-Aviv, il est impossible de renverser le Hamas sans conquérir toute la bande de Gaza. La reprise de la guerre, dit-il, met encore plus en danger la vie des otages. Entretien.
Le Point : Lorsque l'armée israélienne reprend la guerre à Gaza dans la nuit du lundi 17 au mardi 18 mars, dans quel état se trouve le Hamas ?
Michael Milshtein : On est loin du Hamas du 7 octobre 2023. Ce n'est plus la même organisation et ses capacités militaires, qui étaient alors celles d'une armée, sont bien moindres. Le Hamas a perdu dans sa branche armée près de 20 000 hommes, la majeure partie de son arsenal de roquettes a été utilisé ou détruit, idem pour une grande partie des tunnels, beaucoup de ses commandants ont été tués et il est clair que le groupe a perdu énormément de moyens. Néanmoins, il ne faut absolument pas faire son éloge funèbre. C'est une organisation au socle idéologique très fort, ce qui permet sa survie. On l'a vu notamment dans le fait que l'organisation ne s'est pas désintégrée après l'élimination de son leader Yahya Sinouar.
Sinouar était à la fois le chef militaire et le chef stratégique, à l'origine de toute cette guerre. Après son élimination, le Hamas était, certes, en très mauvais état mais Sinouar a été remplacé. Aujourd'hui, la situation est différente, mais aucun vide ne s'est installé. À la direction de la branche militaire il y a maintenant son frère, Mohammed Sinouar, avec à ses côtés deux autres commandants, Ezz al-Din al-Hadad et Raed Saad. Ils continuent de mener la politique militaire du Hamas, notamment les opérations et affrontements avec Tsahal qui vont certainement avoir lieu après la nouvelle incursion militaire dans la bande de Gaza.
Dans quelle mesure les deux mois de cessez-le-feu, entré en vigueur le 19 janvier, ont permis au Hamas de reconstituer ses troupes ?
Le cessez-le-feu lui a bien sûr offert du temps pour s'organiser, mais cela avait déjà commencé. Il a d'abord fallu recruter du personnel, ce qui était assez facile. Il y a tellement de jeunes qui n'ont rien à faire, ils sont des centaines de milliers. Le système scolaire à Gaza a été matériellement complètement détruit : 86 % des écoles n'existent plus, donc c'est facile de se présenter à une famille, de proposer 20 dollars à un jeune de 17 ans et de l'engager dans la branche armée de l'organisation terroriste.
Des commandants ont été nommés à la place de ceux qui ont été éliminés. Ils restaurent les infrastructures et réparent les tunnels, selon les témoignages d'otages libérés. Et puis il y a ce chiffre frappant : 1 % de toutes les munitions larguées par Tsahal sur la bande de Gaza depuis le début de la guerre n'ont pas explosé et elles sont récupérées par le Hamas pour être transformées en explosifs. C'est énorme.
Sur les roquettes, ils ont encore de grosses lacunes. L'armée israélienne étant positionnée sur le couloir de Philadelphie, cela neutralise les capacités du Hamas à faire passer des roquettes en contrebande ou à se faire acheminer des moyens de production pour les roquettes. L'arsenal est donc beaucoup plus limité. Si au 7 octobre 2023, ils avaient près de 25 000 roquettes, aujourd'hui j'estimerais prudemment qu'ils en ont quelques milliers, qu'ils ne veulent pas gaspiller trop vite.
Après, en ce qui concerne les domaines d'activité civile, c'est très complexe parce que le Hamas est partout : la police en uniformes bleus, les municipalités, toutes les mosquées, les institutions civiles. Tout est subordonné au Hamas. Il n'y a pas d'institutions indépendantes et c'est aussi grâce à cela que l'organisation parvient à maintenir son contrôle et son hégémonie sur le terrain.
Depuis la reprise de la guerre, Tsahal communique sur les assassinats de cadres et haut gradés du Hamas. Dans quelle mesure cela affecte-t-il le groupe ?
Les dernières éliminations sont très douloureuses pour l'organisation, notamment celle de Essam al-Dalis, le chef du gouvernement du Hamas, en quelque sorte le Premier ministre. Mais au Hamas, personne n'est irremplaçable. J'ai l'habitude de dire que c'est une organisation à l'ADN de lézard – on a beau lui couper la queue, elle sait la faire repousser. Le Hamas récupère très vite et bien qu'il ne retrouve peut-être pas la même force et les mêmes capacités, il continue d'exister.
Comment regardez-vous la reprise actuelle des combats ?
J'y suis totalement opposé. Les combats actuels mettent encore plus en danger la vie des otages. On est d'ailleurs loin du consensus au sein de la société israélienne autour de cette opération, qui semble clairement avoir des motifs politiques.
Nos dirigeants ne nous disent pas la vérité. Netanyahou affirme que l'objectif est à la fois de libérer les otages et de détruire le Hamas. Mais ça ne va pas de pair, ce n'est pas possible. Pendant 17 mois, le gouvernement a agi selon une stratégie qui consiste à imposer une forte pression militaire pour pousser le Hamas à céder et à libérer les personnes qu'il a enlevées et qu'il retient cruellement. Mais ça n'a pas fonctionné. Le Hamas raisonne autrement. Si vous appliquez plus de force, eux sont prêts à sacrifier plus de Palestiniens ou à mourir eux-mêmes, mais ils ne plieront pas et ils n'accepteront certainement pas d'évacuer Gaza ou de se désarmer.
Existe-t-il néanmoins un moyen tactique de faire pression sur le Hamas, de lui nuire réellement ?
Si Tsahal décidait d'une partition de Gaza comme c'était le cas jusqu'à il y a 60 jours, ça ferait mal au Hamas et pourrait le pousser à des concessions tactiques mais de là à accepter les exigences de Netanyahou, c'est-à-dire la libération de la moitié des otages, sans entamer de discussions sur la deuxième phase du cessez-le-feu et tout cela en leur disant « dégagez de Gaza », c'est vraiment ne pas comprendre le Hamas.
Éliminer ou remplacer le Hamas, à terme, est-ce réalisable ?
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Le Kangourou du jour
Répondre
Les alternatives auxquelles Israël est confronté sont toutes mauvaises et nous devons choisir la « moins pire ». ll est clair qu'il est impossible de vivre encore longtemps avec ce monstre. Le Hamas voudra toujours tuer et oui, à terme, il faut l'éradiquer. Mais je le dis sans équivoque : il est impossible de renverser le pouvoir du Hamas sans conquérir tout Gaza et y rester, pour aider à y développer une alternative locale. Cela n'arrivera pas demain. Ça prendra des années, mais il faut le faire.
Dans l'immédiat, l'État d'Israël n'a pas le choix : il faut parvenir à un accord pour obtenir la libération des otages. Et cela y compris au prix élevé de la fin de la guerre et du retrait de Gaza. Je ne suis pas naïf, je sais que cela implique également que le Hamas reste le parti dominant à Gaza. Mais à mes yeux, cela ramènera les otages et pourra au moins permettre d'entamer la guérison de la société israélienne.
@ Café Noir du Sud (hier à 21 h. 06)
Heureusement qu'il ne reste que très peu de résistants français du temps de l'occ...upation allemande pour vous lire, car ils ne pourraient se reconnaître dans vos propos.
Comment pouvez-vous comparer les actions de la résistance française contre les militaires Allemands avec celles du Hamas qui se sert de sa propre population comme bouclier humain après avoir perpétré le pogrom du 7 octobre et la prise d'otages de civils, personnes âgées et bébés compris ?
L’ONU a déclaré récemment qu’il y a un génocide à gaza car les bombardements portent atteinte à la fécondité de la popul...ation gazaouite (SIC !, le taux de fécondité et de natalité à gaza est l’un des + élevé au monde). Notons qu’il n’y a Aucune déclaration de l’ONU en ce sens pour la population Ukrainienne.
Soutien total à Israël et aux Israéliens dans leur lutte pour leur survie au quotidien et leur avenir.