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Depardieu, jour trois. Les audiences furent compliquées pour l'acteur mis en cause pour plusieurs agressions sexuelles commises sur deux femmes qui auraient eu lieu en septembre 2021, pendant le tournage des Volets verts. Après le rappel synthétique des faits par le président concernant Sarah (le prénom a été modifié), assistante-réalisatrice de 34 ans, Gérard Depardieu s'avance à la barre. Dégaine identique aux journées précédentes. Il se pose sur son cube. Il n'a pas de déclaration préalable à faire, si ce n'est de préciser, encore une fois, qu'il ne veut pas de jeunes filles qui viennent près de lui en loge, car il « est grossier, cela peut choquer ».
Et de continuer : « Je suis désolé, car cette jeune fille fait son métier très bien. Je n'ai aucun intérêt, je n'aime pas toucher. Peloter ? Peut-être qu'en passant à côté je l'ai touchée avec mon dos… C'est le martyre. Je ne suis pas comme ça, je ne me vois pas comme ça. » Gérard Depardieu précise à nouveau qu'il ne peut pas marcher 150 mètres dans la rue la nuit et seul, qu'il a toujours quelqu'un avec lui, son garde du corps Masika Diawara la plupart du temps. Cette précision est importante puisque Sarah, troisième assistante mise en scène, qui doit faire en sorte que les comédiens arrivent maquillés, habillés et à l'heure pour tourner, dit être à ses côtés le soir du 1er septembre. Tous les deux marchent de la rue Péguy à la rue Montparnasse. Et c'est alors qu'il lui aurait mis une main aux fesses. « Je ne me souviens pas de ça. Je ne suis jamais seul et ce n'est pas de mon fait. Masika sait, quand je bouge, il bouge. »
À LIRE AUSSI Depardieu, la contre-attaqueIl digresse souvent. Il embraye sur sa réputation : « Je serais un vulgaire, un grossier, un ordurier, je veux bien, mais je ne suis pas que ça. Je respecte les gens, j'adore regarder les gens faire des choses. J'ai des enfants, j'ai une femme, je passe beaucoup de temps avec mes enfants qui ont des amis, […], c'est vrai que je bouscule parfois, mais comme un vieux pépé. » Il répète que puisqu'il peut « déconner » dans la loge, il veut « un homme » pour travailler à ses côtés. Comme si les femmes étaient des êtres trop fragiles pour subir sa prose fleurie. Toutefois, l'acteur a présenté ses excuses à Sarah. Pourquoi ? Uniquement pour ses outrances verbales.
« Il m'a mis la main sur la fesse »
Au tour de la jeune femme de s'avancer face aux juges. Brune, trentenaire, on la sent plus timide qu'Amélie K., la veille. Moins d'assurance, en apparence. « On a marché depuis les loges, de la rue Péguy à la rue du Montparnasse. Deux minutes. Je suis seule avec lui, il fait nuit. Il m'a mis la main sur la fesse. Je n'ai pas réagi. J'ai continué à marcher. Je n'ai rien dit à personne. »
« A-t-il posé tranquillement ou palpé ? » s'enquiert le président. « Il a posé la main sur ma fesse. J'ai pas compris d'où ça sortait. » Et Sarah de revenir sur l'ambiance qu'imposerait la vedette sur un plateau : « Avec monsieur Depardieu, on parle de sexe sur le plateau à longueur de journée, il parle de sexe tout le temps, de chatte, il écoute énormément tout ce qui se passe et il utilise pour humilier l'équipe, les gens. Que des propos grossiers, un environnement pas simple avant ce 1er septembre. »
À LIRE AUSSI Gérard Depardieu : « Je ne suis pas Émile Louis, quand même ! » Pour les autres agressions, les souvenirs sont plus flous. La deuxième aurait eu lieu contre une porte avenue Mozart, sur le palier : « Il m'a mis la main sur la poitrine. Je ne sais pas, ce sont des flashs de lui avec ses deux mains sur la poitrine face à moi. Je dis non, j'ai peur, ça ne dure pas longtemps. » Sarah ne sait pas dater, ni même localiser l'ultime palpation des fesses : « Mais j'ai dit non. » Elle a rapporté l'incident à sa supérieure Karine Vigne, en minimisant, et à la régisseuse, avant de s'en ouvrir à sa famille plus tard, quand Gérard Depardieu lui hurle dessus, après qu'il a dû s'excuser. « Je me suis sentie coupable, j'avais honte, c'était un renversement de culpabilité, j'ai dit à Masika que ce n'est pas moi qui en avais parlé à la production, mais ma chef. J'ai été très surprise de ses excuses », complète Sarah, qui évoque le même cheminement qu'Amélie K. pour porter plainte si longtemps après les faits. Elle a lu les témoignages, a voulu renforcer le dossier de Charlotte Arnould, présente aujourd'hui, qui accuse Depardieu de viol depuis 2018.
Je n’ai pas pratiqué d’agression sexuelle, je ne sais pas pourquoi elle dit ça, une agression sexuelle c’est plus grave que ça… Qu’une main… Que ce qu’elle dit. Je n’ai pas mis de main aux fesses, ni touché ses seins.Gérard Depardieu
Me Assous se lève, attaque Mediapart au détour d'une phrase, avant de mordre : « Les parties adverses mentent. Vous faites du Turchi [la journaliste qui a révélé les faits, NDLR], dit-il, vous sélectionnez un élément du PV… Pourquoi vous restez sur ce film ? » « Il faut que je travaille, je n'ai pas le choix, pour faire mes heures d'intermittent », réplique Sarah, combative et calme. Le mis en cause écoute les débats en s'aspergeant parfois le visage avec un brumisateur. Son avocat dévoile des photos. La plaignante apparaît tout sourire derrière Gérard Depardieu, avec deux autres personnes.
Elle se justifie : « Quand je dis à Masika que ce n'est pas moi qui ai parlé, il y a eu un revirement à la fin du tournage. Monsieur Depardieu était gentil avec moi, ça s'est mieux passé. J'étais soulagée. J'étais dans le déni, je voulais minimiser les choses, j'ai fait comme si de rien n'était, mais ce ne sont pas des selfies ! Et je n'ai pas en tête une agression sexuelle. » Elle décrit les conséquences de sa dénonciation : « Une énorme angoisse, un stress, une honte, j'ai la fibromyalgie, le stress aggrave les douleurs et le sommeil. […] Je tiens à ce que l'on entende la vérité », conclut-elle. Elle n'a pas prévenu la référente harcèlement sur le tournage.
« Vous arrêtez de me gueuler dessus, maître ! »
Lorsque Depardieu revient pour son interrogatoire, il s'embrouille en essayant de se dédouaner : « Je n'ai pas pratiqué d'agression sexuelle, je ne sais pas pourquoi elle dit ça, une agression sexuelle, c'est plus grave que ça… »
« Que quoi ? » pousse le conseil Claude Vincent.
« Qu'une main… Que ce qu'elle dit. Je n'ai pas mis de main aux fesses, ni touché ses seins. » Une violente passe d'armes s'ensuit entre les avocats des deux camps. Me Assous, agacé par les propos filandreux de Me Claude Vincent, évoque soudain sur le dossier Charlotte Arnould : « Vous allez voir la menteuse, Charlotte Arnould qui accuse sept personnes de viol ! Elle ment », crie-t-il, grandiloquent. La concernée fond en larmes quelques rangées plus loin. Et le conseil des parties civiles de lui asséner : « Vous arrêtez de me gueuler dessus, maître ! »
À LIRE AUSSI Affaire Depardieu : la querelle qui déchire la FranceLorsque Jérémie Assous interroge Sarah, il fond sur sa proie. Qui ne plie pas. Elle résiste. « On est là pour Depardieu, je ne réponds pas », dit-elle à plusieurs reprises pour repousser ses questions. Oui, elle a été déjà victime par le passé et n'a pas porté plainte contre ses agresseurs, mais elle s'en « réserve le droit ».
« Comment se fait-il que vous arrêtiez vos photos Facebook postérieurement [avec Gérard Depardieu dessus, NDLR] à la plainte ? » « Pour que vous arrêtiez d'instrumentaliser les réseaux sociaux », assure Sarah. « Je vous crois de mauvaise foi, vous êtes quelqu'un qui ment », accuse Me Assous. « Si vous me traitez de menteuse, je ne réponds plus ! » rétorque Sarah. Les échanges sont vifs, à peine courtois, il exaspère une partie de la salle. Les avocates d'en face montrent trop d'agacement à son encontre. Une éruption peut se produire en permanence. Le président est plus énergique qu'au premier jour, excédé par les manœuvres dilatoires déclenchées par Jérémie Assous.
Le témoignage de Fanny Ardant
Lorsque vient le moment des témoins, Fanny Ardant arrive. Elle essaie de sauver son ami. Si elle lui reste d'une loyauté remarquable, sa plaidoirie sonne vaine, un peu hors sujet. « Je suis une amie de Gérard, je le connais depuis… tout le temps, donc je peux parler pour lui. Pourquoi Gérard est un si grand acteur ? Parce qu'il a le génie de donner à tous les personnages qu'il interprète une humanité, des contradictions, une richesse. Toute forme de génie porte en soi quelque chose d'extravagant, d'insoumis, il sait incarner le monstre et le saint, et Gérard, il a interprété tous ses personnages en donnant tout de lui-même, le pire comme le meilleur. […] Tout le monde a pu s'identifier aux rôles qu'offrait Gérard. Personne ne peut s'identifier à monsieur parfait ! »
Et de continuer : « Oui il a une grande gueule, il dit des grossièretés, il fait l'idiot sur un tournage […]. Gérard a toujours tout donné comme un volcan, c'est un risque qu'il faut prendre sinon on n'est pas artiste. Oui, je sais que le monde a changé, que la société a changé, que les repères ne sont plus les mêmes, il y a des choses que l'on a tolérées qui ne le sont plus. Des gros mots, je sais pas si c'est encore permis ? »
À LIRE AUSSI Procès de Gérard Depardieu : Fanny Ardant dit n'avoir « jamais assisté à un geste choquant » Fanny précise aussi qu'elle croit en l'amitié et l'amour, qu'il était possible d'être femme et de dire « non » à Gérard. Et qu'elle, au casting des Volets verts, n'était pas présente le jour des faits. L'actrice chic en robe noire et ceinture Alaïa quitte la barre, embrasse comme du bon pain Gérard Depardieu et part en demandant tout bas : « Je m'assieds où ? » Karine Silla et Vincent Perez lui font signe, elle les rejoint sur les bancs de la défense. Et salue sa nouvelle voisine, Roxane Depardieu, qui peint des flammes et des sortes de diables qui ressemblent aux avocates de la partie adverse.
Des témoignages accablants contre Depardieu
Trois femmes vont marquer les débats, une journaliste, une comédienne, une ancienne costumière. C'est accablant contre Depardieu. Toutes dépeignent un être double, charmant et changeant, très vulgaire ; agressif, imprévisible. Sarah Brooks, 30 ans, actrice présente sur la série Netflix Marseille, frappe juste et fort. Elle décrit ainsi leur deuxième entrevue au cours de son premier tournage : « On m'a placée à côté de lui, il a commencé à grogner, j'ai trouvé ça étrange, il a baissé sa main, il l'a mise dans mon short, dans ma culotte. J'ai repoussé sa main une première fois, puis une deuxième. Il m'a dit : “Bah quoi, je croyais que tu voulais réussir dans le cinéma !” Et tout le monde a ri. Je suis partie. »
À LIRE AUSSI Gérard Depardieu : sa famille dénonce « une cabale » contre l'acteurElle pleure à l'évocation de ce souvenir : « Je n'ai pas déposé une plainte parce qu'au moment des faits, tout le monde me disait que c'était Gérard, qu'il était comme ça, et je ne me voyais pas entrer dans un commissariat à 20 ans dénoncer Gérard Depardieu. Tout ce processus est hyperviolent. » Les gens semblent émus. C'est d'autant plus percutant pour les parties civiles après le témoignage de Karine Vigne, la deuxième assistante-réalisatrice du film. Elle a vu Amélie K. coincée dans les cuisses de Depardieu : « Quand j'ai vu cette scène, mon cerveau a buggé, j'ai continué à travailler, mais j'étais choquée. »
Elle prévient le directeur de production. Lorsqu'elle doit remplacer au pied levé le premier assistant qui s'est fait mal, sur une scène en extérieur complexe, elle manque de craquer : « Depardieu n'arrêtait pas de me dire : “T'as la chatte qui mouille, t'as la chatte qui mouille !” Il répétait tout ce que je disais pour me déstabiliser, j'ai pris sur moi. […] On ne parle pas aux femmes comme ça, c'est inadmissible. »
« Parfois, je peux être un gros con ! »
Me Assous tente de reprendre l'avantage en faisant défiler ses témoins, certains contactés par ses soins après l'enquête de police. L'ingénieur du son n'a rien vu, après avoir dans un premier temps accepté de répondre à Mediapart pour charger Depardieu. Le chef machiniste n'a rien vu, rien entendu, il est interrogé très longuement sur la place du cube de Depardieu dans le couloir, les angles de vue. Me Assous remet en cause les trois témoignages oculaires favorables à Amélie K. Il doute de la possibilité de commettre une telle agression, dans un appartement où grouille une quinzaine de personnes. La parole du chef opérateur Yves Angelo sonne sincère, lui qui connaît Depardieu depuis 40 ans, avoue entendre des insanités de sa part, mais n'a constaté aucune agression : « S'il y avait eu ça, on en aurait parlé. »
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Depardieu est agacé maintenant, fatigué. Mais le président tient aux éléments de personnalité le concernant. Il promet la rapidité. À sa question : « Gérard Depardieu, qui êtes-vous ? », l'acteur réplique par des phrases inabouties, sans cohérence. Il mélange tout, Polanski, la campagne, le nouveau monde, Sagan, Duras… Celui qui n'a plus tourné depuis presque quatre ans termine ainsi : « Parfois, je peux être un gros con, ça arrive à tout le monde, je ne m'excuse pas, je le vis, je me sens lourd, ecchymosé de moi-même dans ces moments-là. […] J'aime bien l'enfant chez l'homme comme l'enfant chez la femme, voilà. »
Jeudi 27 mars, le procureur de la République a requis une peine de 18 mois de prison avec sursis et une amende de 20 000 euros contre Gérard Depardieu. Il souhaite également une obligation de soins psychologiques et une inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles.
Geogringo 28-03-2025 • 17h07
Sans compter les querelles de voisinage, pbs de haies, d'arbres, de mitoyenneté, de serv...itudes qui encombrent les tribunaux...
"Procès de Gérard Depardieu : « Le sexisme contre les avocates ne doit plus avoir sa place en audience »
Pendant les ...quatre jours du procès de l’acteur, l’avocat de celui-ci, M? Jérémie Assous, a lancé des invectives sexistes à ses consœurs.
Un collectif d’avocates et d’avocats appelle la justice à ne pas laisser passer ces méthodes. « Madame », « Chère amie », « Mademoiselle », « Allez pleurer », « C’est quoi ce rire d’hystérique ? », « C’est insupportable, déjà votre voix, c’est dur »…
Voilà quelques morceaux choisis de ce qu’il fut donné à entendre au public du tribunal judiciaire de Paris lors de l’audience correctionnelle visant un acteur célèbre.
La défense, encouragée tant par le mutisme absolu du tribunal dans son ensemble que par l’absence de réaction de l’ordre des avocats, pourtant représenté, s’en est donné à cœur joie en matière de sexisme et de misogynie, allant bien au-delà de ce qu’il est convenu d’appeler, même de manière extrêmement large, les « droits de la défense ».
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Des preuves, des preuves oui mais des... D'accord Gégé c'est du brut de décoffrage. Mais pourquoi se priver de balancer ...des baffes dans la foulée ou attendre autant de temps pour porter plainte ? Quitte à ne pas être gentil, ces plaignantes comme bien d'autres ont elles réalisé que leur carrière ne risquait plus rien ? Enfin, désolé, notre appareil judiciaire que l'on dit débordé et en manque de moyens n'a t'il pas mieux à faire avec tout ce qui touche à notre sécurité