
PISCINE - « J’étais très en colère et j’ai voulu lancer l’alerte. » Sur Instagram, la journaliste Laurène Daycard a posté un long message, le 2 avril, pour raconter ce qui lui était arrivé la veille, à la piscine George Hermant dans le 19e arrondissement de Paris. Alors qu’elle était en train de se rhabiller après sa séance de natation, elle s’est rendu compte qu’elle était filmée à son insu.
« Je me rhabille après être allée nager à George Hermant quand j’aperçois un sac à dos qui dépasse sous la cloison. Il y a un petit trou dans le tissu, la taille d’une brûlure de cigarette. Sauf que la lentille d’un smartphone est positionnée au niveau de ce trou. Je hurle de colère - “Mais, c’est pas vrai, on est en train de me filmer ! », écrit la journaliste indépendante, qui s’avère par ailleurs être spécialiste des sujets liés aux violences contre les femmes et aux féminicides.
Aussitôt, elle sonne l’alerte et l’homme est interpellé dans la foulée, avec l’aide des employés de George Hermant. « Il a avoué avoir l’habitude de filmer des femmes à leur insu, mais aussi de “très jeunes filles”. Ça me glace le sang rien que de l’écrire », souligne-t-elle. Du côté des agents de la piscine, pas de surprise. « On m’a expliqué que cela arrivait souvent, qu’ils avaient un dossier pour ce genre de fait », explique-t-elle dans le procès-verbal de sa plainte déposée le 1er avril au commissariat du 19e arrondissement et consulté par Le HuffPost.
« La plupart de ces agresseurs n’ont pas été identifiés »
Elle est ensuite retournée à la piscine pour remercier le personnel de l’établissement pour son soutien. « Il y a déjà eu 17 signalements depuis début 2025. Le coup du petit trou dans le sac à dos a déjà été dénoncé. D’autres se sont rincé l’œil à l’aide d’un miroir. L’un a même utilisé une perceuse silencieuse pour trouer la paroi. La plupart de ces agresseurs n’ont pas été identifiés », précise-t-elle dans son post.
De fait, depuis sa prise de parole sur Instagram, Laurène Daycard croule sous les messages de soutien et les témoignages similaires. Le post a été vu plus 140 000 fois au moment où cet article est publié. « C’est devenu un forum de discussion et de témoignages de victimes, constate Laurène Daycard auprès du HuffPost. Dans mes DM, j’ai reçu des centaines de messages. Mais c’est un problème qui est impensé et il n’y a aucune campagne de prévention dans les piscines publiques, alors qu’il y en a 4000 en France. »
L’adjoint en charge du sport de proximité à la Mairie de Paris, Karim Ziady, a également réagi sur Instagram. « Nous allons mobiliser nos équipes », a-t-il soutenu, tout en promettant de « travailler sur une future campagne d’affichage (...) au même titre que l’affichage déjà réalisé sur la prévention des violences sexuelles et sexistes à l’égard des enfants ».
« Des dizaines d’histoires comme ça »
Jeudi 3 avril, deux jours après sa plainte, Laurène Daycard a reçu un appel du tribunal pour la prévenir que son agresseur passait en comparution immédiate une heure plus tard. « On m’a demandé si je voulais me constituer partie civile, raconte-t-elle. Je n’avais pas compris que ça allait aller aussi vite ni que j’allais avoir besoin d’un avocat. C’était très violent, comme procédure. » Au final, la justice a demandé un renvoi de l’audience pour effectuer une expertise psychologique de l’agresseur, qui devrait être jugé le 13 juin.
Elle espère que le fait d’avoir partagé son histoire sur les réseaux sociaux va réellement « lancer l’alerte ». « En faisant quelques recherches, je me suis rendu compte qu’il y a des dizaines d’histoires comme ça dans toute la France, estime-t-elle. Mais leur traitement comme des faits divers ne permet pas de voir que ce sont des violences systémiques et d’agir en conséquence. J’espère que ce post va faire caisse de résonance. »
Ce mardi 8 avril, 24h après la publication de notre article, la mairie de Paris a indiqué au HuffPost que la Ville de Paris prendrait contre l’homme en question « une mesure d’exclusion de l’intégralité de ses piscines ». Elle s’engage à « mener une inspection dans toutes ses piscines », afin de « vérifier/constater et régler les éventuels problèmes de trous constatés dans les parois des vestiaires » et de « renforcer encore sa vigilance active par une présence plus régulière des agents dans les zones de vestiaires et la détection des comportements suspects ».
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