Jusqu'au 17 avril, les femmes catholiques du monde entier sont en grève pour protester contre le manque de reconnaissance de l'Église catholique. Elles demandent plus de responsabilités et une meilleure égalité homme-femme.
Sans eux, aucune paroisse ne pourrait fonctionner. Au quotidien, elles préparent les cérémonies, prennent soin des églises ou accompagnent les personnes en deuil. Pourtant, dans l'Église catholique, elles restent exclues de la prise de décision, de la direction et de l'autel.
Jusqu'au jeudi 17 avril, pour la première fois, les femmes catholiques se mettent en grève pour montrer à quel point elles font des tâches indispensables dans les Églises.
"Jeûner contre le sexisme"
"Femme catholique en grève", peut-on lire sur le petit badge épinglé au manteau de Mathilde. Elle le porte à côté d'un autre, sur lequel est inscrit "Jeûner contre le sexisme". Cette avocate de 32 ans et pratiquante régulière basée à Paris en a eu assez d'être invisibilisée et a décidé de rejoindre le mouvement.
"L'idée est vraiment de protester, pendant ces 40 jours du Carême, pour exprimer une profonde incompréhension sur la place des femmes dans l'Église aujourd'hui", explique-t-elle. Dans un premier temps, elle a décidé de boycotter la messe dominicale, avant de changer d'avis. "Je me suis dit que j'irais, mais que je porterais le badge et que j'essaierais de faire avancer les discussions", a-t-elle déclaré à Euronews.
En France, la protestation est menée par le Comité de la Jupe, une association catholique féministe qui fait campagne depuis 2009 pour une plus grande égalité des sexes au sein de l'Église. Selon l'organisation, les femmes effectuent plus de 80 % des tâches essentielles dans les paroisses.
"Outre la gouvernance strictement masculine, la réalité sur le terrain est que les femmes sont omniprésentes. Les Églises sont pleines de femmes, qu'elles soient paroissiennes, bénévoles ou qu'elles occupent la chaire. Elles sont partout, mais elles ont ce plafond de verre, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent pas accéder à certaines responsabilités", regrette Adéline, co-présidente du Comité de la jupe.
En France, l'association compte quelque 300 adhérentes, un chiffre qui ne cesse de croître. Et comme Mathilde, nombreuses sont celles qui ont décidé de protester. Certaines prient à l'extérieur des Églises quand d'autres refusent de faire des dons, ou se retirent simplement des tâches non-rémunérées.
L'association française a rejoint un mouvement international lancé par la Women's Ordination Conference, une organisation basée aux États-Unis qui lutte pour l'ordination de femmes diacres, prêtres et évêques dans l'Église catholique et qui se veut la "voix féministe intransigeante" pour l’égalité homme-femme.
"C'est une sorte de réponse d'urgence à des décennies d'inaction", a déclaré Adéline, à Euronews. "Il y a eu des groupes de travail, des commissions, des rapports... Et rien ne change. Cette grève est donc un cri d'urgence : arrêtez de parler, arrêtez de rédiger des documents. Agissons", poursuit-elle.
"Une vraie peur de perdre le pouvoir"
Jusqu'à présent, la réponse officielle des évêques a été le silence. Et malgré les petits signes de progrès, notamment la nomination de la première femme gouverneur de l'État de la Cité du Vatican [article en anglais], les activistes estiment que les choses ne changent pas suffisamment vite.
Même après le rapport dévastateur de 2022 de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (CIASE), qui appelait à une plus grande représentation des femmes dans les instances dirigeantes de l'Église, peu de choses ont bougé.
Pourtant, à l'intérieur de l'institution, certains, comme Antoine Guggenheim, expriment leur soutien. "Quand j'ai entendu parler du mouvement pour la première fois, je me suis dit : quelle bonne idée ! Quand on est militant, il faut trouver des idées qui ont de l'impact", explique ce prêtre catholique, basé à Paris.
"Mais c'est vrai que quand je parle de ces questions avec d'autres prêtres, c'est compliqué. Il y a une vraie peur de perdre le pouvoir. Et les avis sont très partagés", a-t-il reconnu, auprès d'Euronews.
Pour de nombreuses femmes, cette perspective est précisément ce dont l'Église a besoin. "Nous n'essayons pas d'enlever quoi que ce soit", a assuré Caroline, une bénévole de longue date. "Nous voulons simplement montrer qu'il n'y a rien à craindre en allant de l'avant. Nous avons tous notre place."