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Interview

Maurice Lévy : « Nous devenons incontournables pour les géants du Net »

Maurice Lévy, président du directoire de Publicis

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Par Nicolas Barré

Publié le 30 juil. 2013 à 01:01

En quoi cette fusion changet-elle la donne face aux géants du Net, qui restent infiniment plus gros ?
Ces géants viennent sur nos territoires. Rien ne s'oppose à ce qu'ils se réservent à l'avenir les deals les plus importants, ce qui fait que nous en serions réduits à la portion congrue. Or, si nous étions écartés du jeu, nos clients se retrouveraient seuls face à ces médias. L'enjeu est donc considérable pour le secteur et pour les clients, qui risqueraient de perdre le bénéfice de la neutralité, car nous n'avons aucun intérêt à privilégier telle ou telle plate-forme : nous ne cherchons pas à vendre une campagne TV par rapport à Youtube ou bien Facebook par rapport à Google. N'étant pas payés par ces médias, mais par les annonceurs, nous proposons les meilleures combinaisons en fonction des besoins du client.

C'est vrai que, même fusionnés, nous restons des acteurs beaucoup plus petits que ces géants du numérique. Mais nous commençons à peser. Publicis seul est déjà le premier client de Google et de Facebook. Nous allons donc renforcer notre position chez l'un et chez l'autre. Nous avons voix au chapitre dans leurs réflexions stratégiques. Et nous pourrons unir nos forces pour investir, sachant que les géants du Net ont des capacités considérables en la matière. Omnicom et Publicis investissent à peu près autant chaque année, mais il y a parfois des doublons. Ca ne sera plus le cas. Ce qui compte, c'est que les géants du Net aient besoin de nous et que nous restions au centre du dispositif.

C'est une fusion anti-Google ?
Pas du tout. Cette fusion n'est dirigée contre personne. Elle vise à changer la donne dans le sens où tout le secteur de la publicité va en bénéficier. Même Martin Sorrell l'a reconnu en disant que l'industrie doit se regrouper pour être plus puissante... Il y a encore de la consolidation à attendre. Si l'on se projette à cinq ans, on voit bien le danger pour notre industrie. Nous ne voulons pas nous retrouver un jour face à des géants du Net qui nous diraient que le « big data » n'est pas notre domaine ou qu'ils peuvent se passer de nous pour la communication interactive, etc. Cela signifierait une perte de valeur considérable. Grâce à cette fusion, au contraire, nous contribuons à renforcer le secteur - et nous au premier chef - et nous renforçons aussi le poids des annonceurs. Nous serons leur interlocuteur intermédiaire, qui leur évitera d'être écrasés. Tous les messages que j'ai reçus vont dans ce sens.

Comment réagissent les géants du Net ?
Jusqu'ici, nous bénéficiions auprès d'eux de sympathie. C'est très bien, mais ça ne suffit pas. Désormais, à la sympathie s'ajoute une dose d'objectivité qui fait que nous devenons des acteurs incontournables. Ils ont besoin de nous. Ils ont d'ailleurs été les premiers à réagir et à reconnaître qu'ils avaient désormais avec nous un très grand partenaire. Les rôles ne sont pas les mêmes : à nous les liens entre les marques et les consommateurs à travers toutes les voies de connexion possibles et à eux la technologie, sans entrer dans le service qui est le nôtre. Cette opération est donc à la fois défensive et offensive. Offensive aussi car elle va aussi amener d'autres nouveaux entrants, comme par exemple Accenture, qui achète des agences digitales, à s'interroger compte tenu du poids économique que nous représenterons. Nous allons multiplier les accords avec des acteurs comme IBM, Microsoft, Google, Facebook, Adobe, etc.

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Allez-vous perdre des clients ?
Tous les clients que j'ai eus depuis ce week-end sont enchantés car ils comprennent les avantages de cette fusion. Pas un ne m'a dit : « Maurice, désolé, mais c'est terminé... » Tous les grands groupes de publicité ont l'habitude de travailler pour des clients qui sont concurrents entre eux. Nous travaillons pour Procter et L'Oréal, et ça ne pose aucun problème.

Cette fusion est-elle la fin d'une histoire française ?
Je vois les choses autrement. Nous serons essentiellement une société européenne. Pour Omnicom, qui est le reflet parfait de l'establishment américain, devenir européen était absolument inimaginable il y a ne serait-ce que quelques semaines ! Or le fait est que le groupe aura son siège légal aux Pays-Bas, que l'état-major devra se partager entre New York, Paris et Amsterdam, que nous devrons « penser européen ». S'agissant de la France, elle ne représente certes que 7 % du chiffre d'affaires de Publicis, 9 % des effectifs et 2 % des profits au premier semestre. Mais ce qui fait la force de ce groupe, c'est sa culture, son origine, sa place dans la société française, son rayonnement en France, ses valeurs. John Wren a parfaitement compris cela. J'ajoute que le centre de gravité du groupe est déjà bien équilibré entre plusieurs régions du monde et c'est nécessaire. Nous venons de faire entrer un Indien dans notre comité exécutif et j'espère que, demain, un Chinois ou un Brésilien y entreront.

A New York Nicolas Barré

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