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Françoise Castex, eurodéputée assidue et débarquée

Eurodéputée socialiste sortante écartée des listes pour les Européennes 2014, Françoise Castex regrette que le travail des sortants soit si mal considéré.

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Publié le 09 mai 2014 à 17h07, modifié le 11 juin 2014 à 17h25

Temps de Lecture 5 min.

Après deux mandats d'eurodéputée, Françoise Castex a été débarquée par le PS. Elle devra avoir vidé son bureau bruxellois d'ici fin juin.

« Réussir à retourner une majorité électorale, dans une vie d'eurodéputée, ça ne s'oublie pas », sourit Françoise Castex, avec une pointe de nostalgie. L'épisode auquel l'élue fait référence est le rejet par le Parlement européen de l'accord commercial anticontrefaçon (ACTA), en juillet 2012, alors que, « au début, on était une toute petite poignée à s'y opposer ». Confortablement installée dans le Thalys qui la conduit au Parlement de Bruxelles depuis dix ans maintenant, la quinquagénaire égrène les sujets sur lesquels elle a ferraillé durant ses deux mandats. Pêle-mêle : le renforcement de la protection des données personnelles, le vote du Parlement sur la neutralité du Net début avril et le lancement d'une contestation du traité transatlantique. Difficile d'imaginer qu'elle devra faire ses cartons dans quelques semaines. Le 27 juin au plus tard, son bureau devra être libéré.

Car, contre toute attente, celle qui espérait briguer un 3e mandat d'eurodéputée dans sa circonscription du Sud-Ouest a été forcée de quitter le navire. Cet hiver, elle a été écartée de la liste PS-PRG au profit d'une candidate du Parti radical de gauche, Virginie Rozière, directrice de cabinet de la ministre Sylvia Pinel. Bien décidée à ne pas se taire et à sortir de l'ombre, la vice-présidente de la commission des affaires juridiques n'a pas hésité à entrer en dissidence.

En rendant sa carte du PS, qu'elle avait rejoint en 1991, d'abord. En rejoignant le parti Nouvelle Donne de Pierre Larrouturou, ensuite. Et en convoquant les médias, surtout, pour fustiger ce sport national français qui consiste à utiliser le scrutin européen pour recaser les ministres déchus et retraités ou les députés battus à consoler. Cela au détriment des sortants, pourtant reconnus pour leur expertise et appréciés par leurs pairs à Bruxelles. « Ce ne sont ni plus ni moins que des petits arrangements entre amis, selon des logiques propres à la direction des partis et aux instances nationales », déplore Françoise Castex en se laissant choir dans le fauteuil de son bureau. Au PS, elle n'a pas été la seule victime de ce genre de pratique : Liêm Hoang-Ngoc et Bernadette Vergnaud, deux eurodéputés travailleurs, ont aussi été évincés.

MAUVAISE HABITUDE FRANÇAISE

Une mauvaise habitude française qui contribue au « mépris des citoyens pour le mandat de député européen et donc pour l'Europe », estime Françoise Castex. Et à Bruxelles, cette pratique est d'autant moins comprise que les Allemands construisent souvent leur carrière politique autour du Parlement européen. « Ils sont spécialisés dans ce mandat et en font quatre ou cinq d'affilée, de manière à pouvoir être repérés, explique-t-elle. Entre nous, on a l'habitude de dire que trois mandats c'est le bon chiffre : un pour apprendre, un pour réaliser, un pour concrétiser et pour transmettre. » Une règle plus ou moins respectée en France.

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« Les partis français n'ont pas compris l'importance qu'a prise le Parlement européen avec le traité de Lisbonne et l'extension du pouvoir de codécision. » Malgré ce constat pessimiste, on peut toutefois noter des progrès : certains poids lourds du Parlement, comme par exemple les têtes de listes PS et UMP en Ile-de-France, Pervenche Bérès et Alain Lamassoure, sont, eux, reconduits pour leur cinquième mandat.

Ces batailles et les couloirs du Parlement vont lui manquer. « La gymnastique d'organisation » de la vie d'eurodéputée encore plus. Chaque lundi matin, pendant dix ans, Françoise Castex a quitté sa commune natale de Lavardens, dans le Gers, pour rejoindre Bruxelles. Dans ce moment européen, elle divise son temps entre les commissions parlementaires, les réunions avec les différentes parties prenantes d'un rapport et les réunions de groupes politiques. Le vendredi, elle rentre pour travailler dans sa circonscription. « Et pour retrouver un peu de la vie de village, aussi », sourit celle qui n'a pas complètement perdu son accent du Sud.

UN QUOTIDIEN MULTITÂCHE

Sans oublier la semaine mensuelle consacrée aux sessions plénières à Strasbourg, durant lesquelles les eurodéputés votent les directives qui ont abouti. « Là, on ne voit pas le jour », plaisante-t-elle. Un quotidien multitâche qui serait impensable sans l'aide de ses deux assistants parlementaires.

Elle assure n'avoir raté que quelques plénières. Le classement VoteWatch – réalisé à partir des données du Parlement européen et qui fait autorité pour mesurer l'activité des eurodéputés – la classe à 87,89 % de participation, loin devant Harlem Désir, Rachida Dati, Jean-Luc Mélenchon ou Le Pen père et fille.

Las, Françoise Castex déplore que ce soit ces « cancres » du Parlement, têtes d'affiches nationales, qui continuent d'attirer la lumière alors qu'ils représentent si mal la fonction. « Ils sont des miroirs déformants des eurodéputés. La majorité d'entre eux font du vrai boulot et se sont passionnés pour leurs dossiers », assure-t-elle.

Quant à l'indignation que suscite le montant des indemnités des eurodéputés – 6 200 euros net de rémunération mensuelle, plus 4 299 euros d'indemnités de frais généraux par mois et l'indemnité journalière de subsistance de 304 euros par jour de présence –, elle la balaie d'un haussement d'épaule. « Oui c'est bien payé, mais quand on bosse, c'est justifié. C'est sûr que ceux qui ne travaillent pas, eux, ne dépensent rien en déplacements ou en frais d'interprétation. »

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« LE PARLEMENT EST UN LIEU OUVERT »

Autre tare des parlementaires européens souvent pointée : leur manque de proximité. Un eurodéputé est élu dans une zone de huit millions d'habitants et représente quelque 900 000 électeurs, contre 100 000 pour les députés nationaux. Françoise Castex tente de casser cette distance en étant la plus présente possible sur son blog et son fil Twitter. « Faire participer, ça c'est mon gros dada. On se doit de trouver des relais, de faire participer tout le monde, pour forger notre opinion sur des dossiers pour lesquels, au départ, on n'a aucune connaissance. » Elle rappelle que derrière le terme péjoratif et générique de lobbies se cache une grande diversité d'acteurs essentiels au débat : associations, ONG, syndicats. « Pas seulement des grosses firmes qui tentent de nous manipuler. »

A titre d'exemple, elle a déjà travaillé avec des associations de défense des libertés sur Internet, des syndicats, des associations de maires. Parfois aussi directement avec des citoyens qui lui ont fait part de craintes par courriel. C'est ainsi qu'elle a eu connaissance du danger de l'IP-tracking et qu'elle a saisi la CNIL pour qu'une enquête soit menée. « Si un citoyen veut nous interpeller, pour peu qu'il s'en donne les moyens, c'est tout à fait possible, insiste-t-elle. On est tout sauf des technocrates enfermés dans un bocal hermétique. Le Parlement est un lieu ouvert. »

Elle aurait aimé être là pour continuer la bataille contre le traité transatlantique. L'an dernier, elle avait été la seule dans la délégation des socialistes à voter contre. C'est aussi à contre-cœur qu'elle abandonne l'intergroupe parlementaire Services publics qu'elle avait créé et présidait pour promouvoir des services publics de qualité dans l'Union. Ou le dossier des droits d'auteurs dans lequel elle s'était spécialisée avec une collègue. Quant à sa reconversion, elle n'espère désormais qu'une chose : enseigner. « Pour pouvoir transmettre mon expérience d'eurodéputée et contribuer à mieux faire connaître l'Europe ».

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