Stade Ernest-Wallon, vendredi 9 mai, Toulouse - Racing-Métro 92, 19e minute du jeu : le centre international du Stade Toulousain Florian Fritz, lancé à pleine vitesse, est plaqué par un joueur du Racing. Dans sa chute, il heurte le genou de François van der Merwe. Fritz est K.-O. et ouvert au front.
Manifestement désorienté, il a besoin du soutien des médecins pour regagner les vestiaires, où il se fait recoudre. Gaël Fickou le remplace temporairement pour saignement, soit pour une durée maximale de quinze minutes. Au bout de quatorze minutes, l'entraîneur toulousain Guy Novès entre dans l'infirmerie, sous l'objectif des caméras, et demande si le joueur peut rentrer en jeu. Fritz retourne sur la pelouse quelques instants plus tard, avec sept points de suture, avant de quitter à nouveau ses coéquipiers, définitivement cette fois, à la pause.
« IL ÉTAIT IMPÉRATIF QU'IL NE RE-RENTRE PAS SUR LE TERRAIN »
« J'ai eu un petit K.-O. Je ne me souviens pas de tout », explique alors le joueur au micro de Canal +, à l'entame de la seconde période. « S'il ne rentrait pas comme je l'ai fait rentrer, il aurait été éliminé. Et comme la mi-temps arrivait, j'ai demandé à ce qu'il rentre rapidement en attendant de faire un point à la pause », s'est justifié Guy Novès à l'issue de la rencontre. « Après, on a vu qu'il était suffisamment sonné pour le sortir. Moi aussi j'ai pris des K.-O. et joué sonné, mais comme vous le voyez, je suis encore là devant vous. »
Une version des faits dénoncée samedi par le Dr Bernard Dusfour, président de la Commission médicale de la Ligue nationale de rugby (LNR) : « Florian Fritz s'est effondré, il s'est assis sur le terrain, on rentre dans l'ataxie [perte de coordination musculaire]. Il n'y a même pas de protocole à appliquer ! Il était impératif qu'il ne re-rentre pas sur le terrain. » Le Dr Dusfour fait ici référence au protocole mis en place par l'International Rugby Board (IRB), appliqué en France depuis 2012. Objectif : déceler les commotions cérébrales secondaires à un impact, qui ne se limitent pas aux K.-O. les plus évidents et peuvent laisser des lésions au cerveau.
« LE TRAVAIL A ÉTÉ FAIT », RÉPOND LE CLUB DE TOULOUSE
« Quelle pression Novès a-t-il fait peser sur le staff médical ?, demande le médecin. Si la vie des joueurs ne l'intéresse pas, qu'il sache que la performance du joueur diminue en cas de commotion. » « On voit que les consignes ne sont pas appliquées, a renchéri le Dr Jean-Claude Peyrin, président de la Commission médicale de la Fédération française de rugby (FFR). Il y a des médecins qui auraient dû dire: ''Non monsieur Novès.'' Je ne sais pas pourquoi tous ces médecins ont laissé reprendre le joueur. On va demander officiellement au staff médical toulousain des explications. » « Ca ne regarde pas la presse. Le travail a été fait », a pour sa part réagi le médecin du Stade Toulousain, le Dr Albert Sadacca.
« On ressent un certain degré de colère quand on se soucie de la santé des joueurs », a évoqué pour sa part Laurent Travini, secrétaire général du syndicat des joueurs, Provale. « On a bien compris que Novès ne posait pas une question. Florian Fritz n'a pas été protégé », s'insurge l'ancien deuxième-ligne. « Quand le pâté touche le bocal, comme on dit, ce n'est pas que du folklore. Les conséquences sont documentées. Il y a trop d'exemples qui montrent que c'est catastrophique vingt ou trente ans après. »
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu