Faut-il se débarrasser de l'impôt de solidarité sur la fortune ?

À droite comme à gauche, des voix s'élèvent pour dénoncer les effets pervers de l'impôt créé sous Mitterrand pour financer le RMI.

Par

Pierre Gattaz, président du Medef, estime que l'ISF tue l'emploi.
Pierre Gattaz, président du Medef, estime que l'ISF tue l'emploi. © JEFF PACHOUD / AFP

Temps de lecture : 4 min

La question revient périodiquement sur le devant de la scène politique. La dernière fois, c'est Pierre Gattaz qui a mis les pieds dans le plat lors de l'université d'été de l'organisation patronale, fin août 2013. "Cet impôt est destructeur d'emplois parce qu'il explique pourquoi nous n'avons plus en France que 4 500 ETI [entreprise de taille intermédiaire] par rapport à 12 500 en Allemagne, a détaillé le patron des patrons. Est-ce que tel impôt, telle loi, telle décision créent de l'emploi et de la compétitivité ? Si c'est oui, il faut le garder, si c'est non, il faut le supprimer, c'est aussi simple que ça", a lâché le président du Medef.

La newsletter Économie

Tous les jeudis à 17h

Recevez le meilleur de l’actualité économique.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Mais toucher à l'ISF, c'est s'attaquer à un symbole de la fiscalité française. Aussi le P-DG de Total s'est-il aussitôt chargé de préciser que ce n'était pas la priorité du patronat français. "Non, l'ISF ne peut pas être supprimé, tu le sais bien. L'ISF, ce n'est pas un problème Medef, c'est un problème personnel", a répliqué Christophe de Margerie à Pierre Gattaz, devant les patrons réunis sur le campus de HEC à Jouy-en-Josas. Il faut dire que le Medef avait exprimé de nombreuses autres revendications, comme la baisse du coût du travail et de l'imposition des entreprises. Faire de l'ISF un véritable cheval de bataille aurait donc risqué de brouiller le message patronal adressé au gouvernement alors que la majorité socialiste avait enterré définitivement, à l'automne 2012, l'allègement du barème voté en 2011 par la majorité UMP.

Un impôt mité par des exonérations

Créé en 1989 pour financer le RMI, l'impôt sur la fortune est un prélèvement qui pèse sur le patrimoine lui-même (immobilier, placements, soldes des comptes bancaires, meubles, voitures) plutôt que sur les revenus du patrimoine. Son rendement a toutefois été affaibli au fil du temps par de multiples exonérations. Les biens professionnels, les antiquités ou les oeuvres d'art sont, par exemple, totalement exonérés. D'autres éléments du patrimoine le sont partiellement, comme les bois et les forêts. Au final, l'ISF pèse essentiellement sur l'immobilier (même si la résidence principale bénéficie d'un abattement de 30 %). La réforme de 2012 a rétabli des taux relativement élevés (1 % à partir de 2,5 millions d'euros). Concrètement, cela signifie que, pour un patrimoine qui rapporterait 3 % par an, l'État prélève le tiers des revenus.

L'effet pervers ? Frapper des ménages devenus aisés par la hausse de l'immobilier, mais dont les revenus ne sont pas forcément élevés. Ce que ne manquent pas de dénoncer les opposants de cette exception française en Europe. François Fillon est l'un de ceux-là. L'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy dénonce un "impôt imbécile" qui "pèse parfois sur des gens qui n'ont pas de revenus pour le payer" et qui "sont obligés de consommer leur capital" pour l'acquitter, par exemple en revendant des actions ou même un bien immobilier. Il reproche surtout à l'ISF de faire fuir les grandes fortunes françaises (ce qui reste à prouver de façon statistique) et de "peser sur les investissements productifs". Celui qui rêve d'être candidat à la présidentielle propose donc de le remplacer par une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu, "basé sur la réalité des revenus des plus aisés".

Mais tous ne sont pas aussi téméraires à droite. Échaudée par la réaction de l'opinion au moment de l'allègement de l'ISF voté en 2011 en échange de la suppression du bouclier fiscal, l'UMP se contente aujourd'hui de proposer dans son programme d'"enlever de l'assiette de l'ISF ce qui pénalise l'épargne productive". Sans donner plus de précisions.

Critique de gauche

Lors de la campagne de la primaire socialiste, un certain Manuel Valls s'était lui aussi prononcé pour la suppression de l'ISF et son remplacement par une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu, au motif qu'il ne rapportait plus assez. Exactement comme François Fillon aujourd'hui.

La dénonciation des effets pervers de l'ISF n'est donc pas l'apanage de la droite. Grand défenseur de l'impôt sur la fortune, nécessaire, selon lui, pour réduire les inégalités croissantes de patrimoines, Thomas Piketty reconnaissait en 2011 que l'ISF fonctionne mal, mais parce que son assiette fiscale est trop limitée. L'économiste star aux États-Unis proposait de "supprimer toutes les exonérations d'ISF, baisser le taux et augmenter son seuil de déclenchement, afin de ne taxer que les ménages les plus fortunés". Il recommandait même d'inclure la résidence principale au motif que sa détention permet d'économiser un loyer et constitue donc un revenu fictif "qu'il est légitime de taxer"

Pendant la campagne présidentielle, l'actuel ministre des Finances, Michel Sapin, s'était montré ouvert à une réforme de l'ISF. Ce proche de François Hollande défendait pourtant l'idée d'un maintien d'une certaine taxation sur le stock de capital, peut-être moins élevée, mais couplée à un impôt sur les successions renforcé. Une fois au pouvoir, son gouvernement a pourtant rétabli peu ou prou l'ancien barème existant avant la réforme de Sarkozy.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (93)

  • nicdouilh

    Vous dites que, pour un patrimoine qui rapporte 3% par an, 1% d'ISF revient à dire que l'Etat prélève ? des revenus.

    C'est faux.

    L'Etat prélève ? au titre de l'ISF, à quoi s'ajoute :
    - la CSG/ CRDS
    - l'IR
    -Les prélèvements sociaux
    - la fiscalité locale si c'est de l'immobilier.

    Résultat : le contribuable peut être amené 100% des revenus.

    C'est autant de perdu pour l'investissement et l'emploi.

    C'est tout bonnement ridicule et contre-productif.

  • baltazaroued

    L'ISF est l'impôt de la jalousie et de l'envie. Jalousie et envie de ceux qui ne sont jamais satisfaits préférant toujours se comparer à plus riches qu'eux.
    Impôt socialement malsain à supprimer rapidement. Quant "aux sans dents" que vous décrivez, demandez à Mme l'ex compagne de Hollande ce qu'il en pense.

  • phidias

    A l'évidence l'ISF est un impôt contre productif, injuste et sans intelligence économique. Il contribue parmi d'autres à freiner l'investissement, et à promouvoir une société de consommation, par rapport à une société de capitalisation. C'est impôt vengeur, qui n'a rien à voir avec la rationalité économique, est une scorie de la société communiste qui chez nous n'en finit pas de mourir. Un vilain canard toujours vivant, un tueur de productivité.