Le Parlement européen lors d'une session en mars 2013 à Strasbourg

Le Parlement européen lors d'une session en mars 2013 à Strasbourg. Parmi les candidats français aux élections européennes, quelques-uns font figure de "recyclés" de la politique française.

afp.com/Frederick Florin

La campagne pour les élections européennes commence... et avec elle les soupçons de grand "recasage" de figures politiques en mal de mandats nationaux. La France utilise-t-elle le Parlement européen comme un placard doré?

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Oui, la France recycle ses personnalités politiques à Strasbourg. Et cela se voit. Je ne suis pas sûr que Vincent Peillon (PS, tête de liste dans le Sud-Est), Nadine Morano (UMP, Est), Michèle Alliot-Marie (UMP, Sud-Ouest) ou Renaud Muselier (UMP, Sud-Est) aient vraiment la volonté de mener une carrière européenne...

Les grands partis politiques français ont tendance à considérer les élections européennes comme un scrutin subsidiaire, où recaser quelques-uns de leurs membres, en attendant que quelque chose se présente pour eux sur la scène nationale. Comme en réserve de la République. Benoît Hamon (PS), Stéphane Le Foll (PS) ou Roselyne Bachelot (ex-UMP) ne sont que quelques exemples illustrant le fort taux de démission en cours de mandat de la part des eurodéputés français.

Et puis il y a les cas particuliers de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon: les leaders du Front national et du Front de Gauche aussi sont au Parlement européen "faute-de-mieux", mais à cause du mode de scrutin... Si l'Assemblée nationale était composée à la proportionnelle, ils siègeraient à Paris plutôt qu'à Strasbourg. Résultat: les voilà propulsés au Parlement européen où ils sont les baobabs qui cachent la forêt des eurodéputés investis dans leur mandat.

Tous ces eurodéputés "faute-de-mieux" font-ils forcément de mauvais députés européens?

Il y a bien sûr ceux qui, une fois élus, restent en position de repli et ne s'impliquent pas. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, par exemple, ne semblent pas avoir envie de contribuer à la vie politique européenne... Mais le fait d'être un "recyclé" ne signifie pas forcément qu'un eurodéputé ne fera rien une fois installé au Parlement. L'ex-Premier ministre Michel Rocard a pris la chose très au sérieux au fil de ses trois mandats. Il en sera peut-être de même pour l'ex-ministre Jean Arthuis, tête de liste de l'alternative UDI-Modem dans le Grand-Ouest.

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Y a-t-il une exception française en matière de "recyclage"?

D'autres pays peuvent parfois envoyer d'anciens responsables nationaux. Je pense notamment à Jerzy Buzek: ancien chef du gouvernement en Pologne, il s'est implanté dans la vie politique européenne et y a mené carrière jusqu'à présider le Parlement européen (2009-2012). Encore une fois, c'est dans l'implication de ses élus plus que dans leur "recyclage" que la France s'illustre. Le seul pays comparable en la matière est l'Italie, et encore... A l'autre extrême, vous avez l'Allemagne, dont est issu un Martin Schultz qui vise la présidence de la Commission européenne après une longue carrière d'eurodéputé puis de président du Parlement européen (depuis 2012).

Comment expliquez-vous cet écart avec l'Allemagne?

Cet écart vient d'une différence de culture politique. D'abord, la France n'a pas de culture parlementaire forte et prend moins au sérieux le Parlement national. Sans parler du Parlement européen... Et puis la France n'a pas de culture fédérale, contrairement à l'Allemagne: chaque niveau du pouvoir ayant sa vie politique et sa légitimité, il faut y envoyer des élus de bon niveau.

Du coup, la moitié des eurodéputés allemands font trois mandats au moins... Les eurodéputés français ne sont que 10 à 20% dans ce cas. La tendance est au renouvellement des listes en France: des gens nouveaux, médiatiques, se retrouvent en tête de liste à chaque scrutin... tandis que Pervenche Bérès (PS) ou Joseph Daul (UMP) restent des quasi-inconnus sur la scène politique nationale en dépit de leur longue carrière européenne. Le second préside pourtant le groupe du Parti populaire européen, premier parti du Parlement européen...

L'élaboration des listes en 2014 répond-elle à cette même tendance... ou trouvez-vous que les spécialistes européens sont moins défavorisés que lors de précédents scrutins européens?

Les partis français ont encore tendance à se focaliser sur le score à atteindre au niveau national, en plaçant des figures connues en tête de liste, plutôt que de favoriser des eurodéputés expérimentés. On l'a vu lors de l'arbitrage en faveur de Jérôme Lavrilleux, dir-cab de Jean-François Copé, qui mènera l'UMP dans le Nord-Ouest, au détriment du sortant Jean-Paul Gauzès relégué en troisième position de la liste.

D'autres arbitrages donnent en revanche l'avantage aux eurodéputés en place, comme Pervenche Bérès: les rumeurs de sa non-reconduction en faveur d'une autre candidate, après quatre mandats successifs, avaient provoqué une levée de boucliers. Dans ce cas, les garde-fous ont fonctionné... mais ils ne sont pas encore aussi forts qu'en Allemagne.


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