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Les femmes se détournent de plus en plus de la pilule contraceptive

Une étude met en lumière le désamour grandissant des femmes vis-à-vis des plaquettes et les inégalités sociales face à la contraception.
par Sasha Mitchell
publié le 13 mai 2014 à 12h00

Un an et demi après le scandale lié aux pilules de troisième et quatrième générations, soupçonnées d'être à l'origine de thromboses veineuses, le constat dressé conjointement par l'Institut national d'études démographiques (Ined) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est sans appel : les plaquettes sont de plus en plus délaissées par les Françaises.

Fin 2013, quelques mois après le débat médiatique, la pilule n'était plus utilisée que par 41% des femmes sous contraceptif, contre 50% trois ans auparavant. Déjà entamée dans les années 2000, la baisse du recours à la contraception orale s'est donc accentuée avec les affaires de l'année dernière. «Entre 2005 et 2010, la baisse était due à des facteurs socio-économiques, nuance Nathalie Bajos, chercheure à l'Inserm et coauteure de l'étude. Et elle avait été compensée par d'autres méthodes hormonales comme le patch ou l'implant. En 2013, la controverse est simplement venue renforcer la tendance.»

Peu de report vers les pilules de deuxième génération

Visées par le scandale, les pilules de troisième et quatrième générations ont connu une baisse d'utilisation de l'ordre de 9 points sur la période 2010-2013, ne représentant aujourd'hui plus que 10% des contraceptifs utilisés. Près d'une femme sur cinq déclare avoir changé de méthode depuis le débat médiatique. En parallèle, le report vers les pilules de deuxième génération a été minime (+1 point), confirmant une réelle désaffection à l'égard d'une méthode déjà considérée comme contraignante. «Tout ce débat autour des pilules les plus récentes a contribué à ternir l'image de la pilule en général, sans distinction, dans un contexte où elle était déjà remise en cause», analyse Nathalie Bajos. Alors que 44% des femmes déclaraient en 2010 être tout à fait d'accord avec le fait que «la pilule permet aux femmes d'avoir une sexualité plus épanouie», elles n'étaient plus que 37% à abonder dans ce sens l'année dernière.

Bien que toujours majoritaire, la pilule cède progressivement sa place à d'autres moyens de contraception. Selon la publication Inserm-Ined (1), qui se base sur deux enquêtes «Fécond» menées en 2010 et 2013, l'utilisation du préservatif a progressé de 3,2 points sur la période et celle du stérilet de près de 2 points. D'autres méthodes dites «naturelles», comme le suivi des dates – rapport sexuel en dehors des périodes de fécondabilité – ou le retrait, connaissent un regain de popularité.

A lire aussi les témoignages «Quatre générations de femmes et la pilule»

Des différences selon les milieux sociaux

Face à ce changement de pratiques, les femmes ne sont pas toutes sur un même pied d'égalité. Celles qui sont dans une situation financière délicate et les moins diplômées ont davantage délaissé les pilules récentes pour se tourner vers les méthodes naturelles. A l'inverse, les plus diplômées ont opté majoritairement pour le dispositif intra-utérin (DIU, c'est-à-dire stérilet) ou les contraceptifs oraux plus anciens. Comparativement, les catégories sociales les plus précaires ont de fait une couverture contraceptive moins efficace. «L'abandon du tout pilule est une chose positive si les femmes choisissent ensuite la méthode qui leur convient le mieux. Mais si cette diversification se traduit par un choix économiquement contraint, c'est très mauvais», conclut Nathalie Bajos.

Le rapport est consultable sur le site de l'Ined.

(1) «La crise de la pilule en France : vers un nouveau modèle contraceptif?», Nathalie Bajos, Mylène Rouzaud-Cornabas, Henri Panjo, Aline Bohet, Caroline Moreau et l'équipe Fécond, Population et sociétés n° 511, mai 2014.

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