Partager
Entreprise

Anne Lauvergeon répond à la Cour des comptes sur sa gestion d'Areva

Des déboires de l'EPR au rachat controversé d'Uramin en passant par sa rémunération... Dans un prérapport, la Cour des Comptes étrille les dérives d'Areva sous Anne Lauvergeon.
réagir
Anne Lauvergeon
Anne Lauvergeon, à l'époque présidente d'Areva, le 1er octobre 2010 au Niger.
Issouf Sanogo/AFP

Des déboires de l'EPR au rachat controversé d'Uramin en passant par sa rémunération... Dans un prérapport, la Cour des Comptes étrille les dérives d'Areva sous Anne Lauvergeon.

Le document dont Les Echos ont publié ce mardi des extraits, évoque une "fuite en avant" d'Areva lorsque cette dernière présidait le groupe, jusqu'à son remplacement mi-2011 à la tête du directoire par Luc Oursel.

En termes de gouvernance, la Cour impute dans ce document "un certain nombre de difficultés du groupe (...) dans la période antérieure à 2012" à "la forte personnalité de la présidente du directoire" d'Areva, détenu directement et indirectement à 87% par l'Etat français.

Lauvergeon contre-attaque

Pointée du doigt par ce prérapport, Anne Lauvergeon a tenu à réagir depuis New York, dans un entretien téléphonique diffusé sur BFM Business mercredi 14 mai au matin. L'ancienne présidente du directoire d'Areva a commencé par faire état du bilan de sa gestion. "De 2001 à 2011, si on fait un bilan honnête et équilibré, c'est une vraie réussite française, devenue en 10 ans le premier groupe nucléaire mondial, le premier producteur d'uranium", a déclaré Anne Lauvergeon. "Donc globalement le bilan je dirais qu'il est plutôt bon." Elle a ensuite illustré son propos de chiffres: 30% de chiffre d'affaires en plus depuis 2001, 30.000 emplois crées, une surperformance de 165% par rapport au CAC 40, "3 milliards d'euros de dividendes rendus à l'Etat actionnaire et aux contribuables". 

Ensuite, au rapport de la Cour des comptes qui reproche à Areva de n'avoir pas été capable de construire un EPR, et surtout, de savoir qu'il n'en était pas capable, Anne Lauvergeon a rétorqué que forcément, construire des réacteurs de nouvelles générations qui n'ont jamais été faits suppose qu'on rencontre des difficultés. "Ce genre d'accusations n'a aucun sens, si on fait un réacteur de nouvelle génération, ça veut dire qu'on n'en a pas fait avant. (...) C'est vrai que les premières générations c'est toujours plus compliqué. (...) Les difficultés on ne les a jamais cachées." L'ancienne présidente du directoire a rappelé qu'Areva construit 4 réacteurs actuellement, preuve que le groupe est capable de le faire. Puis elle a pointé du doigt ses concurrents qui, eux aussi, sont en retard dans la construction de leurs réacteurs.

A la critique qui lui est faite d'avoir pris des décisions en comité réduit avec le directoire, et en exerçant une "influence étroite" (selon les termes du journaliste), l'ancienne dirigeante a rétorqué: "Non seulement nous n'étions pas seuls, mais nous avions le soutien de tous les politiques pour que nous puissions gagner."

En conclusion, Anne Lauvergeon a déploré les campagnes calomnieuses dont elle a souvent été l'objet. "En France on n'a pas beaucoup d'industries stratégiques. Continuons à nous poser des questions stratosphériques (…) pendant ce temps-là, je peux vous assurer que nos concurrents mondiaux, eux ils bossent, ils ont le soutien de leur gouvernement, ils n'ont pas le droit à des campagnes de dénigrement ou de calomnies comme j'en ai eues tellement!"

Uramin acheté à prix d'or

La Cour des comptes, qui a de son côté déploré "des articles de presse prématurés" sur ce "rapport non définitif", pointe selon le journal économique des "zones obscures" dans le dossier de l'acquisition du groupe minier canadien Uramin en 2007, qui a tourné depuis à la débâcle financière.

Le groupe minier, Uramin, qui ambitionnait d'exploiter des gisements d'uranium dans plusieurs pays africains, avait été acheté à prix d'or (2,5 milliards de dollars environ soit 1,8 milliard d'euros).

Mais après le départ d'Anne Lauvergeon, évincée avec l'aval de l'Elysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Areva avait divisé par cinq la valeur comptable de cette société et le groupe avait dû inscrire dans ses comptes de 2010 et 2011 des provisions d'un montant total de près de 1,9 milliard d'euros.

"Le contexte de l'époque indiquait clairement que les conditions d'acquisition étaient optimales", a assuré le porte-parole d'"Atomic Anne", soulignant que ce rachat avait été soumis et validé par toutes les instances de décision du groupe.

"Cette acquisition, qui apparaissait comme stratégique pour le groupe, n'est pas discutable", a-t-il poursuivi. Elle était intervenue avant l'effondrement des cours de l'uranium consécutif à la catastrophe de Fukushima au Japon, a-t-il précisé.

Une enquête préliminaire a été lancée

La direction du groupe ainsi que les autorités de tutelle - dont l'Agence des participations de l'Etat (APE) - avaient été informées de manière "complète" et "la décision a été prise sur cette base", a ajouté le porte-parole. L'ex-dirigeante était sortie blanchie d'une enquête menée par Areva sur ce rachat.

Début avril, une source judiciaire avait toutefois confirmé à l'AFP l'ouverture d'une enquête préliminaire sur les conditions de ce rachat, à la suite d'un signalement auprès du parquet national financier par la Cour des Comptes.

"C'est plus facile de juger après coup que lorsque les décisions doivent être prises", a déclaré à l'AFP l'avocat d'Anne Lauvergeon, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi. Et d'ajouter que "la sortie du rapport a au moins un mérite, c'est de constater que les conseilleurs de la Cour des comptes n'ont mis en évidence aucune infraction pénale quelconque".

L'avocat d'Anne Lauvergeon en est persudé: "L'enquête préliminaire n'aboutira à rien. Il n'y a pas d'infraction, il n'y a pas d'abus de confiance, pas de détournement, pas de faux en écriture, il n'y a rien du tout".

Pas de commentaires chez Areva

Le rapport définitif de la Cour des Comptes, qui reprendra tous les éléments contradictoires, est attendu au cours des prochaines semaines. "L'article en cause (des Echos, ndlr) se réfère à des observations provisoires et confidentielles effectuées à l'issue d'une enquête qui n’est pas encore achevée", a-t-elle réagi dans un communiqué. Areva n'a de son côté pas souhaité faire de commentaire.

La Cour des Comptes critique aussi la hausse de la rémunération de Anne Lauvergeon durant son deuxième mandat, "fondée pour une large part sur des taux de réussite faussement précis".

Elle se montre aussi critiques sur la stratégie d'expansion du groupe nucléaire et son modèle "intégré" (c'est-à-dire allant de l'extraction d'uranium aux centrales) ainsi que sur la conduite de grands projets industriels, en particulier la construction du réacteur EPR d'Olkiluoto, en Finlande, qui a accumulé les retards et les dérapages financiers.

 

Commenter Commenter

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications