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Les trois écoutes Gaudin-Sarkozy

« Le Monde » publie le contenu intégral de trois conversations surprises au mois de juin 2013 par les enquêteurs, dans le cadre de l'affaire de l'éventuel financement libyen de la campagne de 2007, entre Nicolas Sarkozy et le directeur de son cabinet, Michel Gaudin.

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Publié le 15 mai 2014 à 11h49, modifié le 15 mai 2014 à 11h50

Temps de Lecture 7 min.

Le Monde publie le contenu intégral de trois conversations interceptées au mois de juin 2013 par les enquêteurs, dans le cadre de l'affaire de l'éventuel financement libyen de la campagne de 2007, entre Nicolas Sarkozy et son directeur de cabinet, Michel Gaudin. Ce dernier était à l'époque placé sur écoute, M. Sarkozy le sera à son tour à partir du mois de septembre 2013. Le 21 juin, M. Gaudin avait appelé le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Patrick Calvar, pour savoir si son service avait interrogé l'ancien interprète de Mouammar Kadhafi, un certain Moftah Missouri, suspecté par les sarkozystes d'être manipulé par le pouvoir socialiste.

  • 1. Le 24 juin 2013, à 18h39, Michel Gaudin appelle Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy : Allô ?

Michel Gaudin : Oui, monsieur le Président.

N.S. : Oui.

M.G. : Oui, Michel Gaudin.

N.S. : Oui, allez-y.

M.G. : Oui, oui je vous rappelle donc j'ai eu Bohn [Philippe Bohn, vice-président chez EADS] hein, donc il essaie de passer demain matin parce qu'il a rendez-vous avec notre homme à 11 h 30 mais le problème c'est qu'il a un petit-déjeuner avant avec un journaliste pour le même sujet. Mais il passera demain matin.

N.S. : Mais sur le même sujet, pourquoi ?

M.G. : Ben parce que je crois qu'il devait, y a un journaliste qui l'interrogeait sur ces affaires-là, c'est un peu mystérieux avec lui, euh voilà, enfin bon ce qui est bien c'est qu'il ait rendez-vous après. A 11 h 30.

N.S. : Oui c'est un combinard quand même, hein, ce type.

M.G. : Bohn ?

N.S. : Oui.

M.G. : Ah oui, oui, un peu combinard, ça c'est sûr. Enfin moi ce qu'il m'a expliqué c'est qu'il nous est très fidèle quand « SIAM » [transcription phonétique] l'a renvoyé euh mais d'ailleurs il m'a dit que vous le connaissiez parce que son épouse était euh…

N.S. : Oui.

M.G. : … élue, élue à Neuilly.

N.S. : Oui, oui.

M.G. : Bon ben là y a pas beaucoup de risques, on va bien voir.

N.S. : Enfin lui ne croit pas à ces fables.

M.G. : Oui euh…

N.S. : Non ?

M.G. : Ah pfff, il croit, enfin il pense que le gars il veut des papiers, enfin, j'ai pas trop parlé quand même…

N.S. : Non mais je parle sur le fond, il sait bien qu'il n'y a aucune affaire entre moi et…

M.G. : Ah oui, oui, mais bien sûr, ah oui, oui bien sûr.

N.S. : Il vous l'a dit ?

M.G. : Oui, il me l'a dit mais pas qu'il est venu l'autre jour non mais c'est pour ça qu'il est très actif et, et vraiment quand je lui ai dit de passer, il a pas hésité une minute hein, vraiment non, non. Non, non je pense que c'est un garçon …(inaudible) mais parce que voilà.

N.S. : Mais on va voir si l'autre [Patrick Calvar, directeur de la DCRI] me rappelle.

M.G. : Oui, oui, bien sûr, oui, tout à fait, oui.

N.S. : Parce que c'est quand même, c'est sûr qu'il y a eu quelque chose pour qu'il ne vous rappelle pas.

M.G. : Ben oui, oui parce que s'il avait eu, euh, oui, oui, bien sûr c'est évident, oui. Parce que sinon il aurait appelé, surtout qu'il m'a dit deux ou trois fois, je vous rappelle dans l'heure qui suit, alors faut dire que j'y croyais pas trop parce qu'un vendredi à 19 h 30-20 heures quand il m'a rappelé, je voyais pas trop comment… Parce que je ne pense pas qu'il ait pu feindre de ne, euh… de cacher le rendez-vous hein vraiment il a tout de suite, il a dit, euh…

N.S. : Non, mais il a dû demander si quelqu'un l'avait vu ?

M.G. : Ah ben bien sûr hein. Oui bien sûr.

N.S. : Et il a découvert que quelqu'un l'avait vu.

M.G. : Oui, oui, il l'a découvert probablement parce qu'il ne savait même pas le nom ou alors c'est un super malin parce que dans…

N.S. : Bon, mais il nous est fidèle lui ?

M.G. : Oh, oui, oui… [inaudible] vraiment un garçon très droit, euh, qui doit être, euh, loyal avec le système mais qui a beaucoup, enfin, on l'a beaucoup aidé autrefois, euh…

N.S. : Il était très proche de son prédécesseur ?

M.G. : De, de Bernard [Squarcini] ?

N.S. : Bernard, oui.

M.G. : Oui, oui, oui. Oui il était assez proche mais c'est pas le même style hein, lui c'était le style DST [Direction de surveillance du territoire], c'est pas le style des RG, euh… olé, olé, hein.

N.S. : Bon, on verra, on verra s'il m'appelle.

M.G. : Oui, oui, bien sûr.

N.S. : Hein ? Bon ben tenez-moi au courant mon petit Michel, merci.

  • 2. Le 24 juin 2013, à 18h55, Nicolas Sarkozy, après avoir téléphoné à Patrick Calvar, rappelle Michel Gaudin

Michel Gaudin : Allô, oui ? Oui ?

Nicolas Sarkozy : Euh, euh, Michel ?

M. G. : Oui.

N.S. : J'ai eu, j'ai eu la personne en question.

M. G. : Ouais.

N.S. : Très respectueux mais assez embêté. Je lui ai dit que j'avais des éléments très précis et que je ne me contenterai pas d'une simu… d'un simulacre d'enquête et que je serai obligé de le donner à la presse tout ce que j'aurai.

M. G. : Ouais.

N.S. : Très embêté, hein ?

M.G. : Oui, oui.

N.S. : « Vous avez dit que vous rappelleriez Michel et vous ne l'avez pas rappelé c'est pour ça qu'il se demandait ce qu'il se passait. »

M.G. : Oui, oui.

N.S. : «  [inaudible] J'ai des éléments très précis, c'est l'individu qui dit qu'il a été en contact avec vos services et qu'il a demandé des papiers et que bien sûr s'il retrouvait la mémoire ça serait plus facile. »

M. G. : Hum, hum.

N.S. : « En tout cas, moi, je suis décidé à le mettre sur la presse si je veux. Puis alors demain je vous appellerai pour vous donner des éléments supplémentaires s'il le faut ».

M. G. : Ben…

N.S. : Voilà.

M. G. : D'accord, ben c'est bien comme ça. Et puis ça sème, euh, un peu le trouble et l'inquiétude c'est parfait.

N.S. : Alors peut-être devez-vous l'appeler ?

M. G. : Oui, oui ben je le rappellerai, oui d'accord.

N.S. : Alors je lui ai dit, « c'est pas du tout contre vous naturellement hein ».

M. G. : Oui, oui.

N.S. : « J'ai grande confiance en vous », hum, bon. Donc rappelez-le pour savoir comment il a réagi.

M.G. : D'accord. Je vais attendre un petit quart d'heure et je le rappelle, d'accord.

N.S. : Oui, pour lui… lui dire que…

M. G. : « J'ai cherché à vous joindre, le Président est parti euh donc je sais pas, est-ce que vous avez pu le rappeler », voilà, je suis pas censé savoir que, que vous l'avez eu.

N.S. : Mais vous lui direz quand même que je prends très au sérieux les choses.

M.G. : Oui, oui.

N.S. : Hum, hein ?

M.G. : Oui, oui, d'accord, d'accord.

N.S. : Voilà, merci Michel, rien d'autre non ?

M.G. : Non, non, rien d'autre.

N.S. : Merci.

M.G. : Bon, ben à plus tard.

  • 3. Le 24 juin 2013, à 19 h 08, Michel Gaudin rappelle Nicolas Sarkozy

N.S. : Oui ?

M.G. : Oui, Michel Gaudin.

N.S. : Oui.

M.G. : Oui bon ben j'ai eu Calvar là, donc qui ne sait rien, euh, qui n'a … Alors donc ça sera très intéressant demain de voir avec notre ami Bohn là ce qu'il peut nous dire mais il avait l'air effectivement très embêté, hein.

N.S. : Bah oui. Et c'est pas bon signe quand même pour lui de ne pas nous avoir rappelés.

M.G. : Oui. Oui, oui bah bien sûr, c'était pas bon signe. Bien qu'à sa décharge, je crois qu'il n'était pas à Paris, d'après ce que je comprends, il était en voyage là parce qu'il m'a dit je rentre sur Paris…

N.S. : Oui. Mais d'après vous, il ment ? Il ment ou pas ?

M.G. : Ah non, non, il me … à mon avis enfin la façon dont je le connais, je ne pense pas qu'il mente. Ca m'étonnerait. Enfin ceci dit, avec ces gens du renseignement, ils sont habitués, euh, mais vraiment lui, c'est pas le profil, et puis compte tenu de nos contacts, euh, et puis après de voir… l'appel à vous, surtout qu'il est quand même très respectueux, là, euh, voilà.

N.S. : Mais il, il vous a dit que je n'ai pas été désagréable avec lui ?

M.G. : Ah non, non, non, pas du tout, non, non…

N.S. : Mais il était embêté quand même ?

M.G. : Oui, oui, il a … Il m'a confirmé qu'il n'avait eu aucun écho, euh, alors c'est, c'est là où demain on va voir là… notre ami, ce qu'il peut nous dire, voilà.

N.S. : D'accord, OK, merci Michel.

M.G. : Bien, bonne soirée, au revoir.

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