Non, le taux de chômage des étrangers n'est pas de 40%

Sur fond noir, le regard levé vers le ciel, Marine Le Pen fait la couverture du magazine Time à paraître le 26 mai 2014. Dans un entretien accordé à l'hebdomadaire américain, la «star de la droite française» détaille ses ambitions pour démanteler l'Union européenne. L'un de ses arguments pour déprécier la construction européenne: le contrôle des frontières et de l'immigration. Voici ce qu'elle dit dans cet interview:

«Nous n'avons aucun contrôle sur l'immigration. C'est pour cela que c'est (la situation de l'immigration en France, ndlr) un désastre. (...) Nous avons cinq millions de personnes qui sont au chômage. Nous ne pouvons pas supporter ce fardeau. (...) Les Français sont moins bien traités que les étrangers, dans leur propre pays. Ce qui amène un sentiment d'injustice. (...) Aujourd'hui, 40% des étrangers en France sont au chômage.»

Pourquoi c'est complètement faux

Le taux de chômage des étrangers pour 2012 s'élève à 24,8% , d'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). L'institut appelle «étranger» toute personne qui réside en France et qui ne possède pas la nationalité française. Les chiffres de l'Insee réfutent donc ceux de Marine Le Pen.

Reste que le taux de chômage chez les étrangers - notamment qui sont venus de pays en dehors de l'Union européenne - est beaucoup plus élevé que celui des Français. (graphique ci-dessous) Chez les étrangers comme chez les Français, les jeunes sont particulièrement touchés par le chômage. Les écarts entre les deux catégories se retrouvent dans toutes les tranches d'âges.

L'Insee distingue les étrangers des immigrés. Un immigré est une personne qui est née à l'étranger et réside en France, quelle que soit sa nationalité. Cette définition inclut donc les personnes de pays tiers ayant acquis la nationalité française. Elle exclut les personnes nées françaises à l'étranger. Le taux de chômage des immigrés non originaires d'un pays de l'UE était de 20,1% en 2012. Celui de l'ensemble de la population immigrée au sens de l'Insee (UE et hors UE) était de 16,8% en 2012, d'après l'Insee. Celui des «non-immigrés» est à 9,1%.

En 2011, la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) liée au ministère du Travail a dénombré 2,7 millions d'immigrés actifs, en emploi ou au chômage. La part des immigrés en âge de travailler a augmenté d'un peu plus d'un point sur les dix dernières années. Les métiers diffèrent selon le genre, d'après le Commissariat général à la stratégie et à et à la prospective (CGSP). Les femmes immigrées se spécialisent dans le service à la personne et les hommes dans le bâtiment.

1. Le cas des étrangers

2. Le cas des immigrés

3. Le cas des descendants d'immigrés

La Dares différencie également les descendants d'immigrés : Les personnes nées sur le territoire français, d'au moins un parent immigré, et qui résident en France. Le taux de chômage de cette catégorie tourne autour de 14%, soit moins que les immigrés et plus que les non immigrés.

Autrement dit, que l'on parle d'étrangers, d'immigrés ou de descendant d'immigrés, les affirmations de Marine Le Pen sont fausses. Comme le relevait Libération en février, le chiffre de 40% pourrait correspondre à un calcul effectué à partir du taux d'emploi (la part de population occupant un emploi dans une catégorie). Celui des immigrés était en 2012 de 57% pour les 15-64 ans, contre 64% pour les « non immigrés ».

Diane Jean