La banque Credit Suisse a été inculpée, lundi 19 mai, pour avoir incité des contribuables américains à échapper au fisc en ouvrant des comptes secrets en Suisse. Dans ce cadre, elle a été contrainte par les autorités américaines à plaider coupable pour éviter un procès. Il s'agit d'une première depuis 1989, lorsque la banque Drexel Burnham Lambert avait été également obligé de plaider coupable.
Le couperet est tombé alors que, ces dernières années, il était reproché à la justice américaine de ne pas avoir été suffisamment sévère avec les banques dans la foulée de la crise financière, considérées comme « too big to jail », trop grosses pour être véritablement être inquiétées sur le plan judicaire.
Credit Suisse est accusé d'avoir conseillé et aidé certains de ses riches clients américains à établir des « déclarations fiscales tronquées » et échapper ainsi au fisc américain selon des documents de justice mis en ligne lundi. La banque a accepté de payer une amende de 2,6 milliards de dollars (1,9 milliard d'euros).
LIMITER L'IMPACT DE LA DÉCISION
L'amende se décompose en 1,8 milliards de dollars pour le Département américain de la Justice, dont 196 millions pour la Securities and Exchange Commission (SEC). Un tiers de cette somme est alloué au fisc américain (IRS, Internal Revenue Service). Restent 715 millions qui seront versés au département des services financiers de l'Etat de New York (DFS) et 100 millions pour le Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale des Etats Unis. Par ailleurs, deux filiales de Crédit Suisse font également l'objet d'une plainte pénale.
Toutefois la Réserve fédérale, le Département des services financiers de New York et les procureurs ont pris des mesures pour limiter l'impact de la décision de plaider coupable. Credit suisse devrait ainsi échapper à un retrait de sa licence bancaire, qui l'empêcherait de poursuivre ses activités aux Etats-Unis.
Le Conseil fédéral suisse a exprimé mardi sa « satisfaction » de voir se terminer ce conflit avec les autorités américaines. La banque n'est pas le premier établissement suisse impliqué dans une affaire d'évasion fiscale. En 2009, L'Union des Banques Suisses (UBS) avait dû verser 780 millions de dollars pour échapper à des poursuites. Mais UBS n'avait pas été contrainte de plaider coupable.
LA BANQUE S'ÉTAIT MAL COMPORTÉE
La sévérité appliquée à Crédit Suisse s'explique par le peu de diligence dont a fait preuve la banque pour coopérer avec les autorités américaines. Fin février, le patron de la banque, Brady Dougan, avait été appelé à témoigner devant une Commission au Sénat américain, où il avait reconnu que la banque s'était mal comportée. Mais le sénateur démocrate Carl Levin et le Républicain John McCain avaient jugé inacceptables que Crédit Suisse ne livre que 238 noms sur les 22000 comptes ouverts en Suisse par la banque pour des clients américains.
Le montant de l'amende devrait toutefois être aisément surmontable par la banque suisse, qui a déjà provisionné 892 millions de francs suisses (729 millions d'euros). Par ailleurs, M.Dougan a annoncé « des ventes d'immeubles secondaires et d'autres actifs secondaires » en vue de ramener son ratio de solvabilité dit « Core Tier 1 » à 10 %, largement au-dessus des obligations réglementaires de Bâle III.
Les conséquences sur la réputation de la banque sont en revanche plus difficiles à évaluer. Beaucoup de fonds de pension et d'investissement se fixent en effet des règles très strictes les empêchant d'avoir des liens avec des établissements ayant plaidé coupable dans le cadre d'une procédure criminelle.
Crédit Suisse fait partie des 14 banques basées en Suisse qui sont sous le coup d'une enquête menée par le département de la justice américaine. Celui-ci les soupçonne d'avoir aidé certains clients américains à échapper à l'impôt. Dans ce cadre, plus de 43000 contribuables américains se sont fait connaître auprès de l'IRS en acceptant de payer plus de 6 milliards de dollars d'arriérés fiscaux, selon un rapport du Sénat publié en début d'année.
BNP Paribas pourrait également faire les frais de ce regain de sévérité de la part des autorités américaines. La banque française est accusée d'avoir effectué des transactions en dollars avec des pays sous embargo américain (Iran, Soudan, Cuba…). BNP Paribas risque une amende de 3,5 milliards de dollars, en cours de discussion, et pourrait à son tour être obligée de plaider coupable.
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