Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Alerte à la fraude sur le prix des lunettes

L’UFC a enquêté chez les opticiens, au moment où le gouvernement veut plafonner les remboursements.

Par 

Publié le 20 mai 2014 à 11h09, modifié le 21 mai 2014 à 07h51

Temps de Lecture 5 min.

L'UFC a enquêté chez les opticiens, au moment où le gouvernement veut plafonner les remboursements.

Après avoir dénoncé les marges trop élevées des opticiens en 2013, l'UFC-Que Choisir s'attaque à leurs pratiques frauduleuses. L'association de défense des consommateurs publie, mardi 20 mai, une nouvelle enquête sur l'optique. Le sujet préoccupe les 33 millions de porteurs de lunettes. Cette enquête est aussi un bon moyen pour l'UFC de tenter de peser sur le gouvernement, au moment où

celui-ci finalise un décret visant à limiter les remboursements des complémentaires santé pour faire baisser les prix. Une paire, selon l'association, coûte en moyenne 470 euros.

L'UFC-Que Choisir a envoyé des enquêteurs chez 1 188 opticiens, soit 10 % des magasins. Se faisant passer pour des clients venant se renseigner, ils devaient sélectionner une monture plus coûteuse que le maximum remboursable par leur complémentaire, informer le vendeur de cet état de fait, et observer sa réaction.

Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences
Découvrir

Dans 17,9 % des cas, soit près d'un sur cinq, l'opticien a proposé de falsifier la facture pour que le client soit mieux remboursé par sa mutuelle. Grâce souvent à une combine classique : augmenter le prix facturé sur les verres, davantage pris en charge, et diminuer celui de la monture.

PRATIQUE PLUS RÉPANDUE CHEZ LES OPTICIENS INDÉPENDANTS

Cet arrangement arrive en deuxième position des propositions avancées par le vendeur, après celle d'acheter une monture moins chère (27,5 %), et avant celle d'un geste commercial (15,7 %). « C'est condamnable et préjudiciable, car cela alimente le côté inflationniste du système », dénonce Alain Bazot, le président d'UFC.

DR

La pratique était connue, la voilà en partie quantifiée. L'enquête s'étant cantonnée à la phase de renseignement, on peut supposer que le taux de fraude s'accroît à mesure que l'achat se précise, à l'initiative de l'opticien ou à celle du client, qui peut aussi faire pression.

La pratique est plus répandue chez les opticiens indépendants, au chiffre d'affaires plus faible, (29,5 % des cas), que dans les grandes enseignes (11,8 %). L'enquête note aussi de fortes disparités entre régions : de 5 % de propositions d'arrangement en Bourgogne à 35 % en Languedoc-Roussillon. UFC-Que Choisir estime le montant moyen de la fraude à 69 euros, et le surcoût total à 142 millions d'euros par an.

« CERCLE VICIEUX »

Les complémentaires, qui ont longtemps fait des lunettes un produit d'appel en proposant des garanties toujours plus élevées, sont jugées coresponsables des dérives du marché de l'optique. « Les garanties optique haut de gamme, qui concernent 40 % des assurés, ont enclenché un cercle vicieux entre remboursements et prix pratiqués par les opticiens, qui ont fait de la France la championne d'Europe de la cherté », écrit UFC. Pour elle, de telles méthodes ont pu pousser à la fraude les opticiens et ont eu pour conséquence une hausse constante des cotisations. Elles ont augmenté de 38 % de 2006 à 2013.

DR
Lire aussi (édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés Optique : les fabricants demandent une concertation sur le plafonnement des prix

L'UFC réclame au gouvernement une enquête de la direction de la répression des fraudes, mais aussi de ne pas se contenter de plafonner les remboursements. « Il doit s'attaquer à la cause du problème. Si on ne met pas fin à cela, c'est le principe même de mutualisation qui ne pourra plus tenir », explique M. Bazot.

Le gouvernement compte instaurer un plafond de prise en charge des verres et des montures parmi les critères devant figurer dans les « contrats responsables » des complémentaires – bénéficiant d'aides fiscales et sociales, ces contrats représentent la quasi-totalité des produits. Cette solution est poussée notamment par la Mutualité française. Le décret en préparation suscite depuis plusieurs mois l'inquiétude des acteurs économiques, qui craignent pour l'emploi, et des représentants des consommateurs, qui estiment qu'il n'aura aucun effet sur les prix.

« SI UNE LIMITE EST FIXÉE, QUE FERA LE CLIENT ? »

L'UFC estime que la baisse des prix est hypothétique et redoute une envolée de la part qui restera à la charge des Français. Elle souhaite que l'exécutif parie plutôt sur le développement des réseaux de soins des complémentaires, qui négocient des rabais auprès des opticiens y adhérant. Le plafonnement ne serait imposé qu'à défaut de la mise en place d'un réseau.

« Si une limite est fixée, que fera le client ? Soit il paiera plus de sa poche, soit il descendra en gamme. Je ne suis pas sûre que cela soit très vertueux », analyse pour sa part Marianne Binst, directrice de Santéclair, l'un des premiers réseaux de soins. En outre, prenant appui sur la dernière mouture du décret qui circule, Santéclair estime que 450 euros pour des lunettes à verres simples est un plafond bien trop élevé pour avoir un quelconque effet. Quant à la limitation du remboursement des montures à 100 euros, soit un niveau bas, elle pourrait pousser à… de petits arrangements.

Mme Binst estime, logiquement, que les réseaux constituent la meilleure solution pour baisser les prix. Mais ceux-ci sont fortement critiqués, car ils privent le client de la liberté de choisir son opticien. Sauf s'il est prêt à être moins bien remboursé.

APPLICATION PRÉVUE POUR 2015

Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), qui regroupe des associations de patients, a aussi des doutes sur la capacité des plafonds à freiner l'envolée des prix. Il estime qu'ils pourraient avoir pour effet le développement des surcomplémentaires. « Le gouvernement croit peut-être à la magie vertueuse du décret. Mais si on veut vraiment lutter contre les restes à charge, il faut fixer les prix, pas plafonner les remboursements », y explique-t-on. Le CISS regrette, comme l'UFC, de ne pas avoir été consulté.

Le ministère de la santé en est aux derniers ajustements et prévoit de revenir sous peu avec une version finalisée auprès des professionnels. L'application est prévue pour 2015. Après, restera à observer si les comportements changent vraiment.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le gouvernement s’attaque à la rente des opticiens

Au ministère, on insiste sur le fait que le débat se focalise sur l'optique et les dépassements d'honoraires, dont le remboursement devrait aussi être plafonné, mais que le décret sur le cahier des charges des contrats responsables ne se limite pas à cela.

« Au final, la prise en charge des patients sera améliorée », insiste-t-on dans l'entourage de Marisol Touraine, en rappelant que figure aussi dans le texte le remboursement du forfait journalier payé par le patient à l'hôpital, prévu sans limitation de durée, et l'instauration de planchers de remboursements en optique.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.