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interview

«L'intégration des Roms n'est pas insurmontable»

Roms : la gauche face à ses contradictionsdossier
La documentariste Sophie Averty a réalisé un film sur le village de la solidarité d'Indre, près de Nantes, qui accueille plusieurs familles roms. Elle revient sur cette expérience.
par Sylvain Mouillard
publié le 22 mai 2014 à 17h42

C'est un film rare, retraçant plusieurs années de lutte pour l'intégration d'une cinquantaine de familles roms débarquées en décembre 2009 à Indre, en Loire-Atlantique. Une commune de 4 000 habitants, posée à quelques kilomètres de Nantes. Au début, Sophie Averty n'imaginait pas faire tourner sa caméra. «Je n'étais même pas très fière de passer à côté d'un campement», dit-elle. La documentariste décide de s'impliquer, avec d'autres habitants, pour accueillir les Roms, motivés par l'action volontariste du maire Jean-Luc Le Drenn. Un collectif se crée et, avec l'aide de la municipalité, décide de rompre avec la politique de la «patate chaude».

Accompagnement dans les démarches administratives, scolarisation des enfants, aide à la recherche d'emploi, l'initiative n'est pas commune. En 58 minutes, ce documentaire baptisé «Cause Commune» et projeté ce samedi à Paris par Amnesty International (1), revient sur l'expérience indraise. Une expérience aujourd'hui menacée, la nouvelle équipe municipale ayant fait campagne sur la «fermeture» du village de la solidarité ouvert il y a trois ans, et qui accueille aujourd'hui cinq familles.

Pourquoi avoir décidé de faire ce film ?

Dans un premier temps, j'ai vécu l'aventure comme les autres. Mais j'ai très vite eu le sentiment que ce projet d'insertion n'était pas banal. Après le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy [où l'ancien président de la République s'en était pris de manière très violente aux Roms, ndlr], j'ai décidé de me lancer.

Quel accueil a été réservé aux Roms dans la commune ?

Les propos haineux et violents, on les a surtout entendus au moment de l’arrivée des 50 familles, notamment quand des parents d’élèves ont protesté en parlant des risques de transmission de la gale, des poux… Comme si les petits Français n’avaient pas de poux ! Mais l’ouverture du village de la solidarité, qui a permis d’accueillir cinq familles dans des mobiles home, a permis de changer les regards. Certaines personnes étaient très réticentes, souvent par ignorance. Ceux qui râlent sont ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans le village.

Quel bilan tirez-vous de l’expérience du village ?

Il est très positif. Les hommes travaillent de façon régulière même si cela reste toujours précaire. Dès lors qu’ils savent qu’ils ne seront pas expulsés tous les trois mois, c’est plus facile. Les enfants sont scolarisés et parlent un français impeccable. L’accès aux soins s’est aussi amélioré : les familles ne vont plus systématiquement aux urgences en cas de problème. Elles sont suivies par un médecin de la commune et entrent ainsi dans le droit commun.

La nouvelle municipalité semble pourtant remettre en cause l’existence de ce lieu…

Je ne veux pas croire qu’ils vont le fermer, d’autant que le village a aussi été pensé pour accueillir potentiellement toute personne en difficulté, pas uniquement les Roms. En clair, il ne pose pas de problème à la commune. Je me suis aussi rendu compte, pendant ces quelques années, que l’intégration des Roms n’était pas insurmontable : les aider ne va pas créer d’appel d’air, et les solutions existantes n’ont pas un coût énorme.

(1) Samedi 24 mai à partir de 15 heures, au Comptoir Général (80, quai de Jemmapes à Paris).

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