Le Club Méditerranée devait être racheté par un tandem franco-chinois. En réalité, il pourrait bien devenir italien. Alors que l'offre publique d'achat (OPA) lancée par le conglomérat chinois Fosun et le fonds français Ardian risque d'échouer, le financier italien Andrea Bonomi a commencé à dévoiler un plan alternatif, vendredi 23 mai. Dans un communiqué, il se dit prêt à devenir l'« actionnaire de référence » du Club en cas d'échec de l'OPA. Voire à lancer une offre sur l'entreprise.
Mais cette déclaration ne suffit pas à l'Autorité des marchés financiers. Vendredi, celle-ci a demandé à M. Bonomi de clarifier ses intentions d'ici à lundi 26 mai 18 heures, en disant explicitement s'il compte ou non lancer une OPA. Elle a aussi prolongé jusqu'au 6 juin l'OPA franco-chinoise qui devait s'achever vendredi.
Retour en arrière. Il y a un an, Fosun et Ardian s'allient, pleins d'espoir, pour prendre le contrôle du Club Med. Cette offre publique d'achat de 558 millions d'euros, c'est « une chance pour le Club », claironne le PDG Henri Giscard d'Estaing, associé au montage.
« C'EST MAL BARRÉ »
Un an plus tard, le duo Ardian-Fosun a le moral dans les chaussettes. Son OPA ? Il n'y croit plus vraiment. « Ses chances du succès sont réduites », admet pudiquement un financier à la manœuvre. « C'est mal barré », lâche un autre.
Ardian, Fosun et les dirigeants du Club sont certains de réunir au moins 38 % des actions, compte tenu des engagements déjà pris. Mais atteindre la barre des 50 % s'annonce très difficile. D'autant que le tribunal de commerce, saisi en référé, a autorisé la famille Benetton, actionnaire à 2,2 % du Club, à ne pas apporter ses titres à l'OPA. Elle avait initialement annoncé son intention de soutenir l'offre, avant de tourner casaque en fin de semaine dernière. Le duo Fosun-Ardian a alors saisi la justice.
C'est que pour les investisseurs, apporter leurs titres à l'offre revient, dans l'immédiat, à perdre de l'argent. Ardian et Fosun proposent en effet d'acheter à 17,50 euros des actions qui s'échangent depuis plus d'un mois autour de 19 euros pièce à la Bourse de Paris.
« Pour un gérant de fonds, apporter ses actions à l'OPA et perdre près de 8 % par rapport au marché est impossible à justifier », résume un professionnel.
En fin de semaine dernière, les initiateurs de l'offre espéraient encore que le cours du Club allait retomber in extremis en dessous des 17,50 euros offerts, ce qui aurait incité les actionnaires hésitants à choisir l'OPA. Mais il est resté scotché jusqu'à présent autour de 19 euros.
L'explication ? Elle porte un nom : Andrea Bonomi. Depuis la mi-mars, cet homme d'affaires n'a cessé d'acheter des actions du Club Med, quitte à faire monter le cours. Souvent, il représentait à lui seul plus de la moitié des transactions sur cette valeur.
En deux mois, il a ramassé plus de 10 % du capital, jusqu'à devenir le premier actionnaire du Club. Un bloc qu'il ne compte pas apporter à l'OPA. Il juge qu'Ardian et Fosun ne paient pas l'entreprise à sa juste valeur, et qu'à terme, il pourra revendre ses actions plus cher.
Si l'OPA franco-chinoise réussit, M. Bonomi entend « jouer son rôle d'actionnaire minoritaire de manière constructive », a-t-il indiqué vendredi.
Si elle échoue, les perspectives sont plus floues. Strategic Holdings, la société avec laquelle M. Bonomi a acheté ses actions, compte assurer « pleinement son rôle de premier actionnaire de référence », demander un ou des sièges au conseil d'administration, et envisage d'accroître sa participation.
« ON EST EN PLEINE PRISE DE CONTRÔLE RAMPANTE ! »
Elle a indiqué avoir 60 millions d'euros en réserve, ce qui, au prix actuel, pourrait lui permettre de monter autour de 20 % du capital. Elle ne compte cependant pas aller jusqu'aux 30 % qui l'obligeraient à lancer une OPA. Un entre-deux dénoncé dans le camp d'Ardian et Fosun : « On est en pleine prise de contrôle rampante ! »
M. Bonomi, cependant, évoque aussi une seconde piste. Si l'offre franco-chinoise échoue, une autre société de son groupe, appelée Investindustrial Private Equity, pourrait, elle, « examiner la situation ». Donc, en clair, lancer une OPA.
« Aucune décision n'a été prise », précise M. Bonomi. Mais il mentionne déjà des circonstances qui pourraient justifier cette solution : « Si la situation actionnariale de Club Méditerranée était instable et la société mieux positionnée » en sortant de la Bourse. « Cela dépendra aussi de l'accueil que nous recevrons, ajoute un proche de M. Bonomi. Est-ce que nous serons les bienvenus ? Aurons-nous accès à l'information ? »
« Evoquer une OPA de façon aussi floue, c'est hallucinant !, s'étrangle un des conseils du duo Ardian-Fosun. Mais grâce à l'AMF, M. Bonomi devra dire clairement lundi s'il veut lancer ou non une OPA. S'il dit non, il sera bloqué pour six mois. »
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