VIDEO. Européennes : en Bulgarie, une certaine nostalgie du communisme

 

    Lubomir, étudiant

    en histoire à l'université de Sofia, a deux beaux rêves à réaliser. Le premier, c'est d'aller étudier à Paris, à la Sorbonne, pour y décrocher un master. Le second, c'est de rentrer ensuite au bercail pour devenir professeur. « Mon futur est en Bulgarie. Avant, les jeunes partaient pour leurs études et on ne les revoyait plus. Aujourd'hui, ils commencent à revenir parce qu'il y a de l'espoir. Ça, c'est l'effet Union européenne », applaudit le garçon de 21 ans.

    Depuis l'adhésion à l'UE, en 2007, de la Bulgarie, l'exode vers « l'Europe », comprenez ici l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, est moins l'obsession de cette jeunesse née au lendemain de la chute du régime communiste en 1990. Plutôt que fuir, de plus en plus de cerveaux décident de se mettre au service de leur nation. Le chantier est colossal dans le pays le plus pauvre de l'Union, celui où le salaire minimum s'élève à 310 leva, soit 158 €. En sept ans, Bruxelles n'a pas fait de miracle économique au coeur des Balkans. « L'Europe ne peut pas résoudre des problèmes internes de la responsabilité de nos politiciens », martèle Anna, 20 ans, élève en deuxième année de lettres slaves, fille (aisée) d'un stomatologue et d'une procureur.

    VIDEO. Européennes 2014 : Qu'attendent les Bulgares de l'UE ?

    A Liulin, le quartier populaire de la capitale, là où se dressent les

    pa

    nelki,

    ces blocs sortis de terre sous l'ère soviétique, la déception atteint des sommets. « On attendait bien plus. Pas de l'argent, mais des bonnes pratiques pour lutter contre la corruption. Nos conditions de vie ne sont pas meilleures. Les prix ont augmenté, mais les salaires sont restés identiques », regrette Lilia, 28 ans, sa fille de 5 mois, Alexandra, sur les genoux. Les habitants n'en veulent pas à Bruxelles mais à leurs gouvernants, « coupables n

    1 ». « Ce que l'Union européenne nous a donné, les dirigeants nous l'ont volé. A part quelques routes, on n'a rien vu », dénonce Raytcho, 24 ans, cuisinier. Et de citer les scandales à répétition ces dernières années de détournements de fonds d'aide européens. « L'argent s'est perdu et, au final, notre économie demeure au niveau zéro », constate Silvestre, 24 ans, musicien rom. « Il n'y a pas de classes moyennes chez nous. Que des pauvres et des riches. De ce point de vue, l'Europe n'a rien modifié », martèle Mikele, étudiant.

    Les plus critiques sont les aînés, jusqu'à être nostalgiques des années rouges. Boris, 60 ans, qui touche une pension de 280 leva (143 €) après quatre décennies passées au volant d'un poids lourd, assure que « c'était mieux avant, sous le communisme ». « On méritait d'être mieux traités par l'Europe qui n'a d'yeux que pour la Grèce. Mieux vaudrait la quitter aujourd'hui », suggère le retraité. Une position radicale qui n'est pas partagée par les nouvelles générations positivant au rythme de la

    tchalga,

    la musique pop-folk en vogue. Elles estiment que, à défaut d'avoir amélioré le quotidien des Bulgares, l'Europe a métamorphosé les mentalités. « Elle m'a ouvert l'esprit. Avec une simple carte d'identité, j'ai voyagé en Espagne, en France, en Italie. Je ne me sens plus à l'écart, même si, dans le reste de l'Union, on pense encore que la Bulgarie, c'est le tiers-monde », confie Anna.

    Lubomir voit une autre vertu à l'adhésion. « Elle a permis de nous détacher un peu de la Russie », savoure-t-il. L'étudiant trouve aussi « que le nationalisme a régressé ». Cela reste à prouver. Car, dans la capitale, le parti populiste Ataka, qui signifie « attaque », en campagne « contre l'europerversion », s'affiche en grand sur les façades des immeubles décrépis. Sur la vitre du siège de la formation d'extrême droite, surveillée par un jeune vigile musclé, un slogan adressé à Bruxelles donne le ton : « Qu'on nous rende la Bulgarie ! »