Une mer qui devient urticante, des étendues marines qui se gélifient : désormais, c'est tous les ans l'année des méduses, dans les mers chaudes comme dans les eaux froides. Au large de côtes africaines, des baies chinoises et américaines, dans la Baltique, l'Adriatique, la Caspienne, la Méditerranée, leur prolifération s'observe de façon récurrente, au fur et à mesure que la biodiversité marine s'appauvrit.
Est-ce le signe d'une invasion généralisée de ces animaux marins ? Faute de données antérieures, il est difficile de fournir le moindre chiffre sur l'évolution de leur biomasse. En revanche, on constate de plus en plus souvent leurs effets ravageurs près des côtes où elles pullulent. Les méduses – il en existe un millier d'espèces, rattachées à la famille des cnidaires – comptent beaucoup d'autres victimes que les baigneurs qu'elles brûlent.
Elles sont devenues la hantise de pêcheurs, car elles empoisonnent marins et poissons et rendent les filets quasi impossibles à remonter, tant elles pèsent lourd. En masse compacte, elles obstruent les prises d'eau destinées à refroidir les centrales électriques – y compris nucléaires – installées près des côtes. Enfin, elles se sont illustrées par plusieurs « attaques » spectaculaires de fermes aquacoles.
EXCÈS DE LA PÊCHE
Pour certains scientifiques, la fréquence de ces accidents, liés à des industries récentes, ne permet pas de prendre la mesure des changements en cours sur la longue durée. Ainsi, en Namibie, les quelque 10 millions de tonnes de sardines et d'anchois qui se concentraient au large du pays dans les années 1960 ont été surexploités. Leur population déclinante a laissé la place à 12 millions de tonnes de méduses, rapporte Philippe Cury, de l'Institut de recherche pour le développement.
Autre exemple, dans la mer de Bohai, en Chine, la prolifération de cnidaires a suivi la disparition des poissons – dont la population a chuté de 96 % en quarante ans. L'industrie locale de la pêche a décidé d'accélérer le mouvement et d'alimenter la baie de Liaodong en méduses juvéniles d'un centimètre de diamètre. En trois mois, elles atteignent une taille au moins 50 fois supérieure et pèsent environ 7 kilos. On en puise là entre 10 000 et 100 000 tonnes par an, pour la fabrication de soupes.
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