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Le Gabon prépare l'après-pétrole

Vue aérienne d'une plantation de palmiers exploitée par Olam. XAVIER BOURGOIS/AFP

Le gouvernement a lancé une stratégie de diversification de l'économie en misant sur le « vert ».

Au Gabon, il n'y a pas que l'or noir. Le survol du pays en donne la mesure: multiples tonalités de vert jetées sur une toile impressionniste, entrelacs de forêts, fleuves et rivières à perte de vue. Puis à une centaine de kilomètres de Libreville, apparaissent les premières plantations de palmiers, la zone d'exploitation du groupe singapourien Olam. «Nous sommes les premiers à opérer sur un mode durable en préservant l'environnement», lance fièrement Velan Mahadeva, directeur général de la plantation d'Awala. Sur 20 000 hectares, 65 % sont dédiés à la conservation de la forêt équatoriale. Olam, l'un des leaders mondiaux de l'agrobusiness, a signé un partenariat avec le gouvernement gabonais depuis 2009 pour cultiver l'hévéa et produire de l'huile de palme. «Les conditions, sol et climat, sont optimales», précise le responsable.

Le projet s'inscrit dans la stratégie du Gabon de diversifier l'économie, de préparer l'après-pétrole. Aujourd'hui, l'économie gabonaise vit essentiellement de la manne pétrolière. L'objectif affiché est de développer une industrie de transformation, à plus forte valeur ajoutée. «L'Afrique de l'Ouest importe 1,9 million de tonnes d'huile de palme. Demain, nous approvisionnerons le marché gabonais et exporterons», avance Gagan Gupta, patron d'Olam au Gabon. Les premières récoltes sont attendues en 2015. Autre intérêt vu des autorités, l'huile de palme est une activité consommatrice de main-d'œuvre. «J'ai commencé en 2010 avec une seule personne, nous avons aujourd'hui 4 800 emplois directs dont 89 % de locaux», souligne Gagan Gupta.

Zone économique spéciale

D'autres projets fleurissent aussi dans les filières agricoles. À l'image de Ycap Group, un fonds luxembourgeois, présent depuis un an au Gabon, qui investit 100 millions de dollars avec le fonds souverain gabonais dans une unité de production de volaille et dans la filière maraîchère. «Cela répond au défi de sécurité alimentaire, création d'emploi et transferts de technologie», explique le président Yariv Elbaz. En précisant que 85 % du poulet consommé est importé du Brésil.

Le projet phare du président pour accélérer la transformation du pays est la zone économique spéciale de Nkok, à 27 kilomètres de Libreville. Là encore, Olam est à la manœuvre dans une société conjointe public-privé. Ils ont viabilité 1 126 hectares et installé les infrastructures nécessaires - électricité, eau, routes. «Nous avons 77 investisseurs, Chinois, Malaisiens, Indiens, Africains, Portugais… dans différents secteurs, la filière bois - découpe, fabrication de plaquage et de meubles -, plus des aciéries, de l'électroménager ou des cosmétiques…», explique avec enthousiasme, Jenny M'Vou, la responsable du marketing. Sur place, il est pourtant difficile de se projeter dans la ville de demain vantée par la jeune femme, avec centre commercial, banques, hôtel… Nkok a des allures de chantiers: entrepôts en construction, terrains vides, chemins de terre… «Un bâtiment administratif avec guichet unique pour les entreprises sera bientôt opérationnel», nous assure Jenny qui présente les investisseurs pionniers. L'un d'entre deux, Sharad Marath, joue franc jeu: s'il investit à Nkok pour produire du plaquage à partir d'Okoumé, c'est pour la matière première - l'État a mis à sa disposition des terres - et des avantages fiscaux. Pas d'impôt sur les sociétés, ni TVA, ni droit de douane pendant dix ans. Le Gabon ne lésine pas pour attirer les investisseurs, ce qui soulève des critiques dans la population en colère contre les hôpitaux et écoles sous-équipés. Et si demain, ces avantages disparaissent? «Nous partirons si nous ne pouvons plus être compétitifs», répond sans détour l'entrepreneur indien. La marche forcée du pays vers l'industrialisation du bois ne produit pas encore ses effets. Beaucoup de petits exploitants ont souffert suite à l'interdiction depuis 2010 d'exporter la grume, le tronc brut. Nombre d'entre eux n'ont pas les moyens d'investir pour pouvoir transformer la matière brute. La contribution de la filière au PIB reste faible, 4 % en 2013, selon l'OCDE et la Banque africaine de développement.

Surtout, le Gabon émergent d'Ali Bongo se heurte à des obstacles structurels. «C'est vrai que le président a une vision avec la volonté de préserver l'environnement mais le pays manque encore de politique cohérente, l'administration n'est pas au pas, il y a un déficit de compétences», diagnostique le secrétaire exécutif pour l'Afrique des Nations unies, Carlos Lopes. Et le Gabon souffre des maux classiques au continent: infrastructures défaillantes, lourdeur bureaucratique, éducation insuffisante et la sempiternelle corruption. «Elle est à tous les niveaux!», constate un entrepreneur. Un autre déplore les situations de monopole, notamment sur la gestion du port, qui rend les prix prohibitifs. «Heureusement, la construction d'un nouveau quai va apporter de la concurrence», lance-t-il avec optimisme.

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