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Comment ils ont fait chuter Copé

RÉCIT - Il a fallu deux heures et vingt minutes de discussions et de négociations pour que Jean-François Copé accepte de démissionner. Il avait face à lui la quasi-totalité des cadres de l'UMP.

Vivien Vergnaud (avec Soaziq Quéméner et Bruno Jeudy) , Mis à jour le
Jean-François Copé va démissionner de l'UMP le 15 juin.
Jean-François Copé va démissionner de l'UMP le 15 juin. © Reuters

Pied à pied. Pendant deux heures et vingt minutes, mardi matin, Jean-François Copé a tout fait pour rester jusqu'au bout président de l'UMP. Malgré l'affaire Bygmalion , les perquisitions de la police, les fausses factures et les déballages de ses proches. Mais il a dû s'y résoudre et céder : Jean-François Copé, après avoir lutté des mois pour s'imposer à la présidence de son parti, a démissionné mardi matin. Cela sera effectif après un peu de répit, le 15 juin. Tout s'est joué en quatre temps.

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Acte I : "Ce que tu me racontes, je ne le crois pas "

Pendant ces deux heures vingt de discussions, dans une salle de l'Assemblée nationale, à huis-clos, les principaux ténors du parti l'ont acculé pour qu'il cède. C'est Copé lui-même qui avait choisi la disposition. Lui seul à une table, face à l'ensemble du bureau politique. Une ambiance "extrêmement violente". C'est Nathalie Kosciusko-Morizet qui ouvre les hostilités, dès 8h30, avec un ton offensif, réclamant la démission de Copé. "Tu as servi tes amis, ça se retourne contre toi!", assène-t-elle selon l'AFP, évoquant un "comportement clanique". "Ce que tu me racontes, je ne le crois pas. Onze millions d'euros c'est énorme!", ajoute-t-elle selon un autre élu présent.

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Puis il y a eu les propos de François Fillon . Assis au deuxième rang, l'ancien Premier ministre lit un texte réclamant aussi le départ de son adversaire de l'élection interne. Il apparait déterminé "à ne pas sortir de la salle tant que Copé n'a pas accepté de démissionner. Une question d'honneur et de morale", raconte un proche. Xavier Bertrand, Bruno Le Maire suivent le mouvement. Ce dernier s'est fait l'avocat de "l'intérêt général", plaidant pour "redonner la parole aux militants". "L'intérêt général de notre famille politique exige, Jean-François, que tu quittes la présidence de l'UMP", souligne-t-il selon son entourage. "Nous ne nous serrerons plus la main", lâche François Baroin. Xavier Bertrand aussi est offensif : "Tu ne peux pas rester président. C'est une question de survie. C'est la présence au second tour de la présidentielle qui est en jeu."

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Acte II : "Vous avez besoin de moi pour faire tourner la machine"

Ils sont nombreux à vouloir un départ du patron. "Il y a eu un avant et un après les déclarations de l'avocat de Bygmalion, Patrick Maisonneuve. Avant, c'était un problème Bygmalion. Depuis c'est un problème Bygmalion, Copé et Sarkozy. Avant tout cela, le départ de Copé ne recueillait pas la même adhésion", admet le député Gérald Darmanin. NKM, Bertrand, Le Maire, les fillonistes se comptent, ils savent qu'ils sont déjà majoritaires. Mais Copé refuse alors encore, arguant qu'il n'a rien à se reprocher. Et donc Michèle Alliot-Marie propose de repasser devant les électeurs. Très vite, l'idée est "reprise par tous", souligne un copéiste. C'est le moment que choisit Alain Juppé pour enfoncer le clou. Il distille ses idées : un congrès et, avant, un intérim assuré par un triumvirat.

Christian Jacob et Jean-Pierre Raffarin montent au front pour défendre le soldat Copé. Les choses avancent vite : le président du parti approuve l'organisation d'un nouveau congrès rapidement, dès octobre 2014. Une digue saute. Juppé en veut plus : "Vous ne m'avez pas compris", dit-il à l'assemblée avant de s'adresser à Copé : "L'organisation du congrès, ça ne peut pas se faire avec toi." "Vous avez besoin de moi pour faire tourner la machine", se défend le président qui résiste. Les adversaires de Copé sentent qu'ils peuvent le faire céder. Darmanin estime que c'est le ralliement d'Alain Juppé à la solution de la démission qui a tout changé : "Sans lui, cette hypothèse n'aurait pas pris corps." Les adversaires ont compris. Il ne leur reste plus qu'à assaillir Copé et ne pas sortir de la salle sans sa démission.

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Acte III : "Ça ne va pas être simple…"

Pour relâcher la pression, Copé avance même qu'il ne se représentera pas alors pour conserver ses fonctions : "De toutes façons, je ne me représenterai pas", dit-il, selon l'un de ses opposants, qui trouve la position "illogique". "Pécresse l'a soulevé en disant : 'Nous, on ne t'a pas demandé de ne pas être candidat. Ça fait croire que tu avoues ta culpabilité", se remémore un copéiste. Le chef du parti, lui, trouve peu de soutiens. Il y a bien Jean-Claude Gaudin, mais il rappelle l'échéance des sénatoriales pour demander de trouver vite une solution. Il y a aussi le Marseillais Renaud Muselier et la secrétaire générale Michèle Tabarot. Le proche Christian Jacob s'est "mouillé", mais pas de manière indéfectible. Il adhère même à l'idée d'un congrès. Certains entendent Brice Hortefeux dire à Roger Karoutchi, tous deux copéistes : "Ça ne va pas être simple…"

Acte IV : "Barre-toi"

Effectivement, dans le dernier quart d'heure, tout bascule. Pécresse coince Copé en proposant une "démission collective" de tous les dirigeants. La copéiste Catherine Vautrin insiste en soutenant cette proposition. Dominique Dord, ancien trésorier du parti , entendu cet après-midi par la police, marque les esprits avec son intervention. "Il a parlé avec son cœur", explique un participant. Il lance surtout "barre-toi!" au toujours président du parti. C'est Jean-Pierre Raffarin, un proche, qui porte l'estocade finale : "C'est une question de conscience pour toi. Est-ce que tu démissionnes ou pas? C'est à toi de répondre", demande-t-il au président raconte un filloniste.

Copé craque. "Ce sont les coups de boutoirs de chacun d'entre nous qui l'ont forcé", assure un adversaire. "J'ai compris, je démissionne", finit-il par sortir, selon l'AFP. Silence dans la salle. "Quand?", ose David Douillet. Silence à nouveau. "Là il me dit : 'dans ces moments il faut de la dignité'", raconte l'élu des Yvelines. "Je lui ai répondu: 'Ce n'est pas à moi que l'on doit faire des leçons de dignité." L'ambiance se glace. "Douillet n'a pas été élégant", assure Renaud Muselier. "Il s'est emporté, répétant 'quand? Quand?'", selon un filloniste.

"Donnez-moi quinze jours pour régler les affaires courantes", a demandé le député-maire de Meaux. Accepté. Copé ne sera plus président le 15 juin. Ensuite, c'est un triumvirat composé d'Alain Juppé, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin , qui prendra la suite en attendant le congrès d'octobre. Le président-démissionné aura encore son titre pour s'expliquer devant les caméras du journal télévisé de TF1 mardi soir, à 20h. Ce sera l'un de ses derniers actes de patron de l'UMP.

Source: leJDD.fr

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