Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Un si bon diable

A propos de « Du diable en politique. Réflexions sur l’antilepénisme ordinaire », de Pierre-André Taguieff.

Publié le 28 mai 2014 à 16h55, modifié le 19 avril 2021 à 18h12 Temps de Lecture 1 min.

Les historiens retraceront un jour la résistible ascension du Front national. Ils devront alors étudier les intellectuels qui ont œuvré à sa « dédiabolisation ». Ils constateront que ces intellectuels partageaient peu ou prou une même trajectoire : formés à l’école du progressisme, ils avaient commencé par souligner les points aveugles de l’antifascisme ; de livres en tribunes, et à juste titre, ils avaient démontré que la gauche imposait l’« obsession » antifasciste pour terroriser ses adversaires et pour ne pas affronter ses propres démons ; petit à petit, cependant, c’est leur propre rejet qui était devenu obsessionnel ; à force de déconstruire l’antifascisme mais aussi l’antiracisme, ils avaient fini par en faire les principaux fléaux de notre société ; à force de présenter la « bête immonde » comme un monstre imaginaire, ils l’avaient imposée comme un animal de bonne compagnie.

Ainsi les chercheurs du futur se pencheront-ils sur l’œuvre de Pierre-André Taguieff. Ils liront Face au racisme (1993), ou Face au Front national (1998), ouvrages visant à dessiller les yeux des militants antiracistes en leur montrant les angles morts de leur discours. Et ils essaieront de comprendre. Comment ce républicain de tradition en est-il venu à accabler de ses sarcasmes les femmes et les hommes exprimant leur peur de l’intolérance et de la violence ? Comment cet homme à la mémoire longue s’est-il mis à prêcher l’oubli, au prétexte que le ressassement du passé « encombre » notre conscience ? Comment ce fin politologue a-t-il bientôt déployé des trésors de rhétorique pour convaincre que le Front national avait radicalement changé, et qu’il n’y avait plus de fascistes, en France, que dans la tête des antifascistes ? Comment, donc, ce chercheur a-t-il peu à peu tourné le dos au réel, refoulant les valses de Vienne et la farandole des quenelles, les jours de colère et les nuits de haine ? Comment, enfin, à quelques jours d’un scrutin européen qui vit la victoire d’un parti dont certains fondateurs étaient des nostalgiques de Vichy, Pierre-André Taguieff a-t-il pu signer un livre intitulé Du diable en politique. Réflexions sur l’antilepénisme ordinaire (CNRS éd., 392 p., 22 €), qui lave le FN de sa mauvaise réputation en le décrivant comme un mouvement non seulement inoffensif mais ostracisé, victime de tous les acharnements ?

A ces questions, les historiens du futur tenteront de répondre. Nous autres, contemporains, demeurons perplexes.

Le Monde

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.