Réforme pénale : Taubira rappelée à l'ordre par le président

 

Réforme pénale : Taubira rappelée à l'ordre par le président

    La scène, jusqu'ici restée secrète, se passe avant-hier. Après la fin du Conseil des ministres, Taubira est convoquée dans le bureau de Hollande. Le président est furieux. « Elle s'est fait vertement rappeler à l'ordre sur son devoir de loyaut?, assure un proche de l'Elysée. En effet, pendant l'examen en commission des Lois de la réforme pénale, une dizaine d'amendements polémiques sont proposés par le PS. Le gouvernement y est officiellement défavorable. Pourtant, la garde des Sceaux, présente dans la salle, omet de mentionner ce point. Laissant la commission les adopter, sans piper mot.

    L'un de ces amendements est particulièrement sensible, d'où la colère du président : l'extension de la contrainte pénale à tous les délits. Cette peine alternative à la prison, qui consiste à imposer des obligations et des interdictions au condamné, ne concerne jusqu'ici que les infractions dont l'auteur encourt cinq ans de prison ou moins. La mesure exclut donc le trafic de drogue ou l'agression sexuelle sur mineur, comme le souhaitait Valls lorsqu'il était ministre de l'Intérieur. « Ce choix n'était pas celui de Taubira : elle a toujours pensé que limiter la contrainte pénale à quelques délits faisait d'elle une peine au rabais », défend l'un de ses proches.

    En août dernier, Hollande tranche en faveur de Valls. Mais Taubira n'a pas dit son dernier mot. Elle entame un intense travail de lobbying auprès des parlementaires PS. L'une d'elle, Colette Capdevielle, députée des Pyrénées-Atlantiques, décide de porter l'amendement étendant la mesure à tous les délits.

    Double jeu

    Lundi, une réunion interministérielle, à laquelle participe le cabinet de la garde des Sceaux, clôt une nouvelle fois le débat : le gouvernement s'opposera à l'amendement. Mais une fois en séance, Taubira ne relaie pas la ligne fixée la veille. « Elle n'a pas souhaité prendre la parole, donnant l'impression d'un double jeu », relève un participant.

    Le président de la République n'est pas le seul à avoir pesté. « Les bras nous en sont tombés : les arbitrages rendus garantissent l'efficacité de la chaîne pénale », clame-t-on dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. « En séance publique à l'Assemblée nationale, la semaine prochaine, la ministre déposera et défendra des amendements visant à rétablir le texte du gouvernement, dont elle porte complètement le projet », réplique-t-on du côté du ministère de la Justice.