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L’adieu aux géants, par Patricia Mazuy

Dans sa chronique du cahier « Sport & Forme », la réalisatrice rend un hommage appuyé à deux néo-retraités qui ont marqué à jamais leurs domaines respectifs : Jonny Wilkinson et Jean-Luc Godard. 

Publié le 27 mai 2014 à 19h38, modifié le 19 août 2019 à 14h53 Temps de Lecture 2 min.

Tout d’abord, soyons clair. Ce billet ne raconte rien, je m’en excuse à l’avance et enjoins le lecteur en attente de sens narratif évident à passer à l’article suivant. Ce billet est l’expression d’un simple ressenti, une sorte de faire-part de femme, d’admiratrice, pour deux géants. Le premier prie, joint les mains. C’est un rut, une transe. Il regarde le ciel, il est dans un autre monde, et il envoie le ballon entre les barres qui s’élèvent vers le paradis. « Au milieu du milieu », comme il dit, Jonny Wilkinson. On dirait qu’il va voler lorsque sa jambe fauche le ballon pour toucher les cimes. 

Jonny Wilkinson n’est pas un simple joueur de rugby. C’est un acteur. Un acteur pour Godard. Wilkinson va jouer son dernier match dimanche 1er juin. Godard a présenté son nouveau film à Cannes, Adieu au langage, qu’on annonce comme le dernier. Les derniers seront les premiers, on connaît le refrain…  « Ils veulent être à l'heure ? Non, ils veulent être les premiers », dit Godard. En physique quantique, on questionne la logique et on remet en cause lobservation. Si on part à reculons, on fait du rugby. Les passes en arrière, c’est un sport de fous, le chaos et le bordel. Mais en fait, tout cela est extrêmement organisé, c’est le jeu où limpossible devient possible et réel puisque les gros y courent vite comme cela n’arrive pourtant jamais dans la réalité. 

Décor dopé à la testostérone

Je suis allé voir Adieu au langage, samedi 24 mai, le jour où Wilkinson et Toulon ont conservé leur titre de champion d’Europe. Cnest pas la peine de chercher à comprendre un résumé Allociné du film ni de saisir les règles du rugby pour ressortir vivifié de ce qui se joue sous nos yeux : match avec Wilkinson ou film de Godard. Dans le stade, la caméra enlace les joueurs en contre-plongée. Les poteaux de rugby sont immensément hauts, alors les matchs sont toujours filmés avec beaucoup plus de ciel qu’au football. 

Mais à Cardiff, pas de ciel. Le toit est fermé à cause de la météo et les gradins immenses évoquent un décor à la Hunger Games, une cathédrale surréaliste, un décor dopé à la testostérone. Dans le Godard, on cherche l’ogre du Petit Poucet dans le creux de la main d’un portable, et ça semble le même déséquilibre des géants. Au chaos du monde décrit par Godard, on peut opposer l’humanité et le questionnement permanent du regard de Wilkinson, seul comme dans le film où le chien Roxy fait face au lac et promène élégance et amour de l’humain.

A quoi pensait Wilkinson samedi 24 mai en livrant son avant-dernier match ? A quoi pensera-t-il tout à l'heure ? A la physique quantique dont il est féru ? A l’apparence du chaos du monde, où l’organisation des particules est secrète et bénéficie d’un énorme calcul sur l’importance du hasard ? Au travail nécessaire pour canaliser le hasard, où les enchaînements millimétrés visent à construire du déséquilibre chez l’adversaire, pour que les déséquilibres engendrent l’équilibre final ?

Hâte de voir Wilkinson dans son dernier rôle. Mais de grâce, Mister Wilkinson, vous qui avez l’esprit affûté comme un rasoir, arrêtez le rubgy si vous voulez mais continuez à questionner le monde. « Le secret, c'est qu’on doit travailler et rester ouvert à toutes les possibilités. il faut sentir la solution », avez-vous dit un jour. Wilkinson, Godard même combat. Les culs, la boue, les oreilles strappées, c’est la condition humaine.

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