Plus de 25 000 cancérologues venus du monde entier ; 5 000 présentations, sous forme de conférences et de posters ; un hall d'exposition gigantesque pour les laboratoires pharmaceutiques et (un peu) les associations de patients… Le congrès annuel de l'Association américaine d'oncologie clinique (ASCO), qui se tient du vendredi 30 mai au mardi 3 juin à Chicago (Illinois), est toujours bien la grand-messe de la cancérologie mondiale.
Le rendez-vous, incontournable pour les spécialistes, est avant tout consacré aux traitements, et plus particulièrement aux médicaments, dont les noms deviennent, d'année en année, de plus en plus imprononçables, et les modes d'actions — souvent présentés sous forme de sigles — carrément opaques pour les profanes.
Il n'est cependant pas uniquement question de thérapies ciblées ou d'immunothérapie, une approche qui a particulièrement le vent en poupe cette année. Pour la 50e édition de l'ASCO, placée cette année sous le thème « science et société », plusieurs études concernant la qualité de vie des malades et de leurs proches ont été présentées, vendredi 30 mai, aux médias.
PRÉSERVER LA FERTILITÉ APRÈS UN CANCER DU SEIN
Première bonne nouvelle, un essai clinique mené par l'équipe de Halle Moore (Cleveland) montre qu'un traitement hormonal permet de préserver la fertilité des femmes traitées pour une tumeur du sein, avant leur ménopause.
De fait, l'infertilité par atteinte ovarienne est un effet secondaire fréquent des chimiothérapies pour cancer (du sein ou d'un autre tissu). Avant de commencer un tel traitement, les femmes jeunes qui souhaitent avoir des enfants ont la possibilité de congeler des ovocytes ou des embryons. Mais ces pratiques, loin d'être systématiques, restent lourdes à mettre en œuvre, et onéreuses dans les pays où elles ne sont pas prises en charge.
Financée par les instituts nationaux de la santé, l'étude américaine présentée au congrès a inclus 257 femmes atteintes d'un cancer du sein dont les récepteurs hormonaux étaient négatifs. Après tirage au sort, elles ont été traitées soit par chimiothérapie seule, soit associée à de la goséréline — une hormone analogue entraînant la libération des gonatrophines, qui stimulent l'ovaire — commercialisée sous le nom de Zoladex par le laboratoire Astra Zeneca.
Deux ans après, la fonction ovarienne était nettement moins perturbée chez les femmes ayant reçu des injections mensuelles d'hormones que chez les autres. Et le nombre de grossesses et de naissances a été presque deux fois plus élevé : dix-huit bébés (issus de seize grossesses) sont nés dans le groupe traité par goséréline, et douze (issus de huit grossesses) chez les autres. D'autres grossesses sont en cours, là aussi en nombre plus élevé dans le premier groupe.
Mieux, Halle Moore et ses collègues ont eu la surprise de constater qu'avec un recul de quatre ans, le taux de survie était plus élevé (+ 50 %) chez les femmes ayant reçu les injections. Si ces bons résultats se confirment, ils pourraient bien faire évoluer les pratiques et donner ainsi une nouvelle option aux patientes jeunes qui souhaitent avoir des enfants après leur traitement.
LE SOUTIEN DES PROCHES, FACTEUR IMPORTANT
Dans un autre registre, une autre étude américaine confirme que dans le cancer comme dans d'autres pathologies chroniques, le soutien des proches est un facteur important à prendre en compte. « Le soutien de ces malades prend plus de huit heures par jour à leurs aidants familiaux. Le stress de ceux-là peut avoir des conséquences néfastes sur leur propre état de santé, et sur celui du malade », souligne l'investigatrice principale de l'étude, Marie Bakilas (université d'Alabama).
Testé dans des familles avec un patient atteint d'une forme récidivante ou métastasée de cancer, un système de soutien téléphonique s'est révélé efficace pour les symptômes dépressifs et la qualité de vie de l'aidant, et plus eficace encore s'il était débuté précocement. Son impact sur le malade lui-même n'a en revanche pas été mesuré.
SUPPRIMER CERTAINS MÉDICAMENTS
Enfin, toujours dans l'optique d'améliorer la qualité de vie à défaut de guérir, une autre équipe a décidé de regarder si des traitements non destinés à traiter directement le cancer, en l'occurrence la prise de statines (des médicaments contre le cholestérol), pouvaient être allégés chez les cancéreux en fin de vie.
« Les malades en phase terminale ont souvent plus de dix médicaments à prendre, alors qu'ils ont du mal à avaler et peu d'appétit, justifie Amy Pickar Abernethy (université Duke), venue présenter ses résultats. Sans compter le risque d'interactions médicamenteuses, et d'accumulation d'effets secondaires. »
L'étude a été conduite auprès de 400 patients prenant des statines depuis au moins trois mois, et ayant moins d'un an d'espérance de vie du fait de leur cancer. Le médicament a été arrêté pour la moitié d'entre eux. Le constat des chercheurs est sans appel : la qualité de vie a été plutôt améliorée (+ 10 %) dans le groupe privé de la prise de statines.
Surtout, l'arrêt de cet anticholestérol n'a pas entraîné un excès de complications cardio-vasculaires par rapport au groupe traité. La durée — en jours — jusqu'au décès était même légèrement allongée (quoique non significativement sur le plan statistique). Mais c'est avec des arguments économiques que les chercheurs ont asséné le coup de grâce : plus de 600 millions de dollars pourraient être économisés chaque année aux Etats-Unis si toutes les personnes avec une espérance de vie inférieure à un an arrêtaient leur traitement anticholesterol, estiment-ils.
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