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CENTRAFRIQUE

Violences à Bangui : "ils tiraient à vue sur les gens réfugiés dans l'église"

Après plusieurs semaines d’un relatif apaisement, la capitale centrafricaine est le théâtre, depuis 24 heures, de nouvelles violences meurtrières entre ex-Séléka et anti-balakas. Une église a été attaquée en fin d’après-midi, mercredi 28 mai, et une mosquée mise à sac et incendiée ce jeudi. Nos Observateurs, qui été témoins de ces violences au plus près, craignent de voir leur ville sombrer à nouveau dans le chaos.

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Devant la mosquée du quartier Lakouanga, jeudi matin.

 

Après plusieurs semaines d’un relatif apaisement, la capitale centrafricaine est le théâtre, depuis 24 heures, de nouvelles violences meurtrières entre ex-Séléka et anti-balakas. Une église a été attaquée en fin d’après-midi, mercredi 28 mai, et une mosquée mise à sac et incendiée ce jeudi. Nos Observateurs, qui été témoins de ces violences au plus près, craignent de voir leur ville sombrer à nouveau dans le chaos.

 

Les bilans varient selon les sources, mais au moins 15 personnes auraient trouvé la mort lors de l’attaque de l’église Notre-Dame de Fatima, située à l’est de Bangui, dont le prêtre Paul Emile Nzalé. Cette église est un lieu où près de 5 000 personnes, déplacées des suites des violences que connait le pays depuis mars 2012, ont trouvé refuge. À la suite d’un affrontement entre anti-balakas et des hommes armés venus du PK5, quartier musulman de la ville, l’église a été prise d’assaut pas les combattants se réclamant de la Seleka. 

 

Des personnes du quartier Fatima fuient les envrions de l'église après l'attaque, mercredi. Vidéo : Loionel Laurel Bogangabe Libenze.

"Ils tiraient à vue sur les gens réfugiés dans l’église"

Michel (pseudonyme) est chrétien et vit à proximité de l’église Notre-Dame de Fatima.

 

Un affrontement a éclaté en début d’après-midi entre des anti-balakas et des musulmans, à une centaine de mètres de l’église. Les anti-balakas ont fini par manquer de munitions et se sont repliés derrière l‘église, ouvrant la voie aux assaillants. Devant l’église, le marché de petits stands installés par les réfugiés a été pris d’assaut. Un vendeur de pain a été tué. Les autres ont couru vers l’église pour se réfugier. Ils ont fermé le portail, mais les Seleka l’ont fait sauter en tirant sur la serrure et sont entrés dans l’Eglise.

 

Certains étaient vêtus avec des boubous traditionnels africains, d’autres étaient en jean et torse nu, d’autres encore tout en noir. Ils ont lancé trois ou quatre grenades dans l’église et sont entrés. Ça a été terrible. Ils hurlaient sur les gens en sango et en arabe notamment, ils les traitaient de "vagin de ta mère" qui est une insulte courante en arabe. Ils ont tiré à vue sur les gens et sur les adolescents qui tentaient de fuir.

"C’est la première fois que des Seleka entrent dans une église à Bangui"

 

Jean-Noel est journaliste pour la radio Notre Dame et se trouvait dans l’Eglise au moment de l’attaque.

 

Je me trouvais dans la paroisse mercredi où je m’étais rendu pour aider aux préparatifs des célébrations de l’Ascension. Quand les assaillants sont entrés dans l’église, j’étais dans

la sacristie, une pièce séparée de la nef. J’ai entendu des coups de feu et des explosions de grenades dans la nef, ils en ont bien lancé trois ou quatre avant d’entrer.

 

Après avoir attaqué, blessé et tué plusieurs personnes dans la nef, deux de ces hommes se sont dirigés vers la sacristie. De ce que j’ai pu apercevoir, ils étaient très grands et portaient des blousons noirs. Ils ont sommé d’ouvrir la porte de la sacristie, mais nous n’avons pas bougé ni parlé, et heureusement ils sont repartis. Ce qui m’a marqué c’est qu’ils nous ont parlé en anglais, ce n’étaient donc à priori pas des Centrafricains ni des Tchadiens, qui parlent français ou sango. Mais je n’ai pas été en mesure de reconnaître leur accent et d’identifier de quelle région ils provenaient.

 

Ca a duré environ un quart d’heure, un groupe a tué une dizaine de personnes à l’intérieur, un autre est parti pour tenter de trouver des anti-balakas. Au moins une quarantaine de personnes ont été kidnappées, nous ne savons pas ce qu’ils sont devenus…

 

Une fois qu’ils étaient repartis, je suis ressorti de l’Eglise et j’ai aidé à l’évacuation des blessés, qu’on a envoyés à l’hôpital par ambulance. Les musulmans qui commettent ce genre de forfait pensent que tous les Chrétiens sont des anti-balakas, ils tuent sans aucune distinction. J’avais déjà entendu parlé de massacres commis au sein des églises dans d’autres villes, mais à Bangui, c’est la première fois que des ex-Seleka entrent dans un lieu saint chrétien et viennent pour tuer.

 

Jeudi matin, des barrages et des barricades, faits de branches et de pneus, ont été érigés sur différentes avenues de Bangui. Une mosquée située dans le quartier de Lakouanga, dans le deuxième arrondissement d’habitude plutôt calme, a été pillée par des habitants, non armés, qui ont pris des tapis et du matériel de sonorisation. Les soldats de la Misca, la force de l’Onu, et de la mission militaire française Sangaris, ont ramené le calme dans l’après-midi. Alors qu’une dizaine de personnes ont trouvé depuis dimanche la mort dans des violences en différents endroits de la capitale, ce regain de tensions inquiète notre Observateur.

 

Des barrages et des pneus brûlés jeudi à Bangui. 

 

 

 

Pillage de la mosquée du quartier de Lakouanga. Toutes les photos sont prises par nos Observateurs à Bangui.

"La Misca et la mission Sangaris n’interviennent pas pour empêcher les violences"

Jacques vit à Bangui dans le quartier de Lakouanga.

 

 

Ce qui est marquant dans l’attaque de l’église Notre Dame de Fatima, c’est que les affrontements se sont étalés sur plus de deux heures, et que les militaires de la Misca ou de Sangaris n’ont rien fait pour tenter de mettre fin aux combats. Tout le monde sait très bien que le kilomètre 5, un quartier du troisième arrondissement, est une poudrière. Pourquoi aucune de ces deux forces n’a réagi alors qu’elles ont eu tout le temps de voir les combattants s’approcher de l’église ?

 

Dans Bangui, des Seleka ou des anti-balakas se promènent avec des armes, et règlent leurs comptes notamment dans les troisième et cinquième arrondissements, à l’ouest de la ville. Ces deux quartiers sont désertés et sont le théâtre d’affrontements réguliers entre des combattants des deux groupes. Mais aucune des deux missions militaires n’intervient pour les en empêcher.

 

 

La ville était relativement calme depuis quelques semaines et on craint que ces évènements provoquent un regain de tension. C’est souvent comme ça, ça redescend et ça remonte, mais au final il n’y a aucune perspective d’amélioration.

 

 

Ce vendredi matin, des manifestations étaient organisées en différents points de la capitale. Les manifestants critiquaient notamment le manque d’efficacité de la Misca et certains demandaient le départ de la président de transition, Catherine Samba Panza. 

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