A la Comédie-Française, Guillaume Gallienne ne rentre pas dans les habits de Lucrèce Borgia

On attendait beaucoup de la prestation de Guillaume Gallienne en Lucrèce Borgia. Hélas, le sociétaire de la Comédie-Française se contente de jouer sa mère. Encore…

Par Fabienne Pascaud

Publié le 30 mai 2014 à 18h34

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h15

Depuis le spectacle et le film qui en fut tiré – Les Garçons et Guillaume à table ! – on savait le sociétaire de la Comédie-Française Guillaume Gallienne doué pour les rôles de travestis. N’y interprétait-il pas superbement sa propre mère, grande bourgeoise émancipée parisienne ? Déception. Même mis en scène à grand renfort de spectaculaire, de lumières « clair-obscur » et de lourde musique opératique, il n’est jamais la Lucrèce Borgia imaginée en travesti par Denis Podalydès.

Pour la mère-monstre imaginée par Victor Hugo en 1833, pour cette débauchée meurtrière qui cherche vainement à retrouver sa pureté dans l’amour fou (et ambigu) qu’elle porte à son fils, il eut fallu une Phèdre matinée de Médée ; une tragédienne au corps incendié, à l’âme cramoisie. Hors norme et énorme. Pourquoi donc avoir choisi d’incarner cette femme capitale par un homme chétif, comme timide, qui l’interprète en matrone bourgeoise bien élevée avec force battements de cils de biche effarouchée, et autres regards alanguis et paumés. Sa propre mère encore une fois… Les femmes font-elles donc si peur à Denis Podalydès qu’il faille en confier l’interprétation à des hommes ?

Un Michel Fau, peut-être, aurait eu la folie baroque et lyrique de ce contre-emploi misogyne. Pas Guillaume Gallienne, qui ne dégage aucune émotion dans cette mise en scène pompeuse et pompière, qui se vautre dans un esthétisme romantique façon Lagarde et Michard des lycées et collèges d’antan. La rareté du théâtre de Victor Hugo est en effet ailleurs. Ce grand admirateur de Shakespeare qui n’aimait sur scène que les contradictions et les épousailles effroyables du grotesque et du sublime renouvela ainsi admirablement l’écriture dramatique de son temps. En fit – bien avant le temps – une sorte de film aux séquences violentes et brutales, s’enchaînant avec suspense, et coupées « cut ». Qu’on prenne pour exemple la terrifiante scène finale, qui tient tout ensemble d’Edgar A. Poe et de Hitchcock, mais qui se joue hélas, salle Richelieu, en mauvais mélodrame du boulevard du crime.

Petit plaisir : Christian Heck est comme souvent magistral en méchant diabolique. Le seul à jouer la partition hugolienne dans le corps, le cœur et l’âme. Vrai et unique damné du spectacle. Ses partenaires n’ont pas son courage.

Lucrèce Borgia, 2h10. Mise en scène de Denis Podalydès. En alternance jusqu’au 20 juillet. Comédie-Française, salle Richelieu. Paris 1er. Tel. : 0825 10 1680
 

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