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Entreprise

L'implacable recette de Nestlé pour éviter d'être maltraité sur Facebook

En 2010, le géant suisse a très mal géré et digéré la fronde des internautes contre ses KitKat à l’huile de palme. Quatre ans plus tard, il s'est doté d'une armée prête à contre-attaquer.
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391 Strat Nestlé numérique
Pete Blackshaw.
DR

C’est l’endroit le plus secret et le plus branché de Suisse. Une grande salle vitrée au siège mondial du groupe Nestlé à Vevey. On n’y pénètre que sur invitation, dûment accompagné et badgé. Ce lieu est souvent décrit comme la war room numérique du groupe. "Rien de tout cela. C’est un centre de formation qui accueille en permanence des stagiaires de nos filiales pour des sessions de huit mois", proteste Andrea Galli, le responsable du marketing numérique de Nestlé.

En quelques mois, cette salle est devenue le centre névralgique de la multinationale. Derrière les salariés en bras de chemise, d’immenses écrans sont branchés sur les réseaux sociaux et les sites du groupe qu’ils surveillent en temps réel. On se croirait dans une salle de rédaction, avec son studio vidéo. Plutôt news-room que war room. La direction a baptisé ce centre "Digital Acceleration Team" (DAT).

Quant aux stagiaires, c’est "United Colors of Nestlé" : José Agustin, venu du Mexique, côtoie Olga (Russie), Irina (Roumanie), Bianka (Inde), Sarah (Canada), Darius (Pologne)… Ils sont tous responsables de produits ou de marques dans une des filiales. "Nous échangeons nos expériences et travaillons sur des projets communs, indique Darius. De retour chez nous, nous poursuivrons via le réseau interne Chatter, et devenons les ambassadeurs de la stratégie numérique du groupe."

La leçon KitKat

Pour les "guider", la firme a recruté un gourou de la Silicon Valley : Pete Blackshaw. Ancien start-upper et ex-responsable du marketing digital de Procter & Gamble. Depuis dix ans, il écume les colloques pour annoncer l’émergence de cet Internet social frondeur, où les multinationales risquent de prendre beaucoup de coups.

C’est ce qui est arrivé à Nestlé en 2010. Mis en cause dans une vidéo de l’ONG Greenpeace pour son utilisation d’huile de palme dans la recette de ses barres chocolatées KitKat, le groupe suisse s’est pris les pieds dans la Toile. "Nestlé avait exigé que YouTube retire notre film, se souvient Jérôme Frignet, responsable du programme forêts de Greenpeace. Mais c’était méconnaître le Net, car les internautes ont alors posté à nouveau la vidéo." En quelques jours, les commentaires assassins se sont multipliés.

Peu diplomate, le "community manager" de Nestlé de l’époque menace les internautes de poursuites judiciaires, puis annonce la fermeture de la page Facebook du groupe, provoquant une énorme colère. La polémique devient planétaire et suscite des appels au boycott. Une catastrophe. "L’affaire est devenue un cas d’école, explique Loïc Bodin, auteur du livre Entreprises, gérez votre e-réputation (éditions Pearson, 2014). Traumatisé, Nestlé a changé ses pratiques du tout au tout : le groupe dialogue avec Greenpeace et ménage les médias numériques."

Identifier les interlocuteurs puissants

Premier effet de ce revirement, le DAT lui-même suscite une communication très positive. "Communiquer sur la façon dont on corrige ses erreurs est une excellente façon de créer un climat de confiance", analyse l’expert en marketing Gilles Fraysse. Ainsi, le charismatique Peter Blackshaw passe beaucoup de temps à présenter le DAT aux quatre coins de la planète.

Parmi ses grands chantiers, le DAT fait le ménage dans les sites Internet du groupe. "Nous avons mis de la cohérence dans nos 70 sites corporate tout en laissant une grande autonomie à nos marchés locaux", indique un porte-parole. En outre, la communication officielle de la multinationale cible désormais les leaders d’opinion on line : "Nous identifions et privilégions des interlocuteurs puissants, comme le site Internet de la BBC qui touche 200 millions de personnes, ou celui de l’influent Bild Zeitung."

L'accord Facebook

 

Mieux encore, Peter Brabeck, le président non exécutif de Nestlé, est devenu un blogueur assidu sur le thème de l’environnement. Pour l’heure, le DAT fonctionne plutôt comme une tour de contrôle, mais, à terme, le groupe entend y produire de nombreux contenus. "En la matière, l’exemple à suivre est Red Bull, qui produit des milliers d’heures de programmes par an", indique Loïc Bodin.

Mais c’est KitKat qui a fourni la meilleure revanche à Nestlé, en devenant le nom choisi par Google pour la dernière version de son système d’exploitation pour smartphones et tablettes : Android KitKat. L’excellent carnet d’adresses de Pete Blackshaw en Californie a été mis à contribution. "Il n’y a aucun échange d’argent. Android et KitKat se rendent des services mutuels", avait expliqué Blackshaw. En deux mots : KitKat fait oublier son erreur de com, et Android bénéficie de la force de frappe de Nestlé, qui va promouvoir son nouveau produit sur des milliards d’emballages.

Décomplexé, Nestlé a aussi signé un accord avec Facebook qui lui permet de toucher plus efficacement encore les 180 millions de fans de ses marques, et même d’utiliser le nom de Facebook dans ses propres publicités, comme on l’a vu récemment avec une campagne Nescafé. "Ce n’est que le début, souligne Pete Blackshaw dans l’une de ses nombreuses vidéos en ligne. Nous sommes en train de décupler cette stratégie en créant une dizaine de DAT régionaux." Si KitKat contient aujourd’hui de l’huile de palme équitable, Nestlé a fortement renforcé sa teneur en marketing. Un très vieil ingrédient qui n’est pas près de s’épuiser.      

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