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Fany et ses deux mamans

À 4 ans, la petite fille a deux mamans : Chrystel, et Sara, qui l’a portée neuf mois. La justice vient en effet d’accepter une adoption plénière, synonyme de filiation entre Chrystel et l’enfant.

Christel De Taddeo, envoyée spéciale à Muret (Haute-Garonne) , Mis à jour le
Fany, entourée de ses deux mamans : Sara (à gauche) et Chrystel (à droite), mercredi, chez elles.
Fany, entourée de ses deux mamans : Sara (à gauche) et Chrystel (à droite), mercredi, chez elles. © Christian BELLAVIA/DIVERGENCE POUR LE JDD

Dans le jardin se dressent un toboggan rose, un portique de jeux, un trampoline et une cabane. "Les enfants de tout le lotissement viennent jouer chez nous", sourit Chrystel, petite brune de 43 ans, cheveux court et tattoo dans le cou, qui s'est mariée en secondes noces avec Sara, 34 ans, l'été dernier. La voiture hybride est parquée devant l'entrée de la maison neuve. Un croisé malinois et berger allemand mordille un ballon au milieu des rires. Une certaine image du bonheur.

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Chrystel a divorcé après quatorze ans de mariage ; première union dont sont issus Tristan, 14 ans, et Joëlle, 11 ans, une semaine sur deux chez leur père. Elle a rencontré Sara il y a six ans, "un vrai coup de foudre", murmurent les deux femmes, fonctionnaires d'État. Quatre mois après, elles emménageaient ensemble. Neuf mois plus tard, Sara était enceinte. Fany aura 5 ans en octobre.

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"Fany n'a pas de père mais un géniteur, elle le sait"

"Je te présente ta sœur", a lancé gaiement Chrystel à Tristan quand il est rentré de l'école mercredi 21 mai en tendant le bras vers Fany. D'abord interloqué, l'ado a vite compris que la décision du tribunal était tombée. "L'adoption plénière présente des avantages certains pour l'enfant ; il convient d'y faire droit", lit Chrystel, émue. Un événement célébré sobrement le soir même au restaurant. "On a la boule au ventre en permanence car le parquet peut encore faire appel. À Toulouse, l'avocat général bloque toutes les demandes."

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Un couple d'amies, mamans de jumeaux, avait aussi obtenu une décision favorable. "Elles ont invité tout le monde à une grande fête. Les restes de la soirée étaient encore dans le frigo quand elles ont appris par courrier que le parquet avait fait appel au motif que les juges n'auraient pas suffisamment argumenté sur la nécessité d'une adoption plénière", rapporte Chrystel. Pour Fany aussi, l'avocat général avait requis une adoption simple, qui ne permet pas d'établir de lien de filiation entre l'adoptant et l'enfant.

À l'audience, le 14 avril, elles lui ont rappelé que leur demande était légitime, que d'autres couples de même sexe avaient obtenu l'adoption plénière après une PMA. "Il nous a répondu qu'une affaire criminelle n'était pas jugée de la même façon selon les parquets et les tribunaux", s'étrangle Chrystel. "Comment peut-on comparer une demande d'adoption à une affaire criminelle?" Sara ne décolère pas : "Il a fait tout un laïus pour dire que c'était une fable, a parlé d'accouchement sous X, de levée du secret des origines et de filiation paternelle." Elle lui a lancé : "S'il m'arrive quelque chose, vous croyez que c'est le donneur anonyme qui va venir d'Espagne pour s'occuper de Fany?" Chrystel assène : "Cela ne dérange personne qu'un homme reconnaisse un enfant dont il n'est pas le père biologique. Nous, on ne ment pas aux enfants. Fany n'a pas de père mais un géniteur, elle le sait très bien."

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"Il suffirait d'une circulaire du ministère de la Justice"

Chrystel est déléguée des parents d'élèves, toujours partante pour une sortie scolaire. "La dernière fois, la maîtresse m'a demandé qui j'étais", confie Sara au moment où Fany rentre d'un goûter d'anniversaire. Portrait d'une famille d'une extraordinaire normalité : entre balades à vélo, randonnées, sorties à Walibi "et la caravane pour les vacances", renchérit Chrystel, qui va subir une opération de la moelle épinière en raison de sérieux problèmes de santé. "Même si on est homosexuelles, on a des problèmes comme tout le monde", plaisante la piquante brune, qui a souscrit plusieurs assurances-vie. "L'opération comporte des risques." Elle redoute l'appel du parquet et le temps qui passe. Elle en est convaincue : "Il suffirait d'une circulaire du ministère de la Justice" pour que tous les couples de femmes mariées qui ont eu recours à la PMA puissent obtenir l'adoption plénière.

"Quoi qu'en dise le procureur, Fany est ma fille", murmure Chrystel. Elle l'appelle depuis toujours "maman", à l'instar des deux grands. Sara, sa mère biologique, Fany la surnomme "la puce". "Ce qui compte, c'est que l'une de nous arrive quand elle appelle 'maman'", glisse la jolie blonde qui dit en parlant des trois mômes "mes enfants". Chrystel sourit : "Tristan et Joëlle aussi ont adopté Sara." La cadette s'est même indignée de ne pas pouvoir préparer en classe deux cadeaux pour la fête des mères. L'adoption de Fany, pour elle comme pour son frère, n'a rien d'incroyable : "Avant, c'était déjà ma sœur."

Source: JDD papier

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