Le pacte de responsabilité dégénère
PETITS CALCULS - Chaque semaine, Nicolas Prissette, journaliste au service politique du JDD, décrypte les politiques économiques et sociales. Cette semaine, il revient sur le pacte de responsabilité.
Au bord de la rupture. Six mois après que François Hollande a annoncé le Pacte de responsabilité, le Medef d’un côté, la CFDT et le gouvernement de l’autre, se déchirent publiquement. Le numéro deux du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, qualifie de "supercherie complète" les promesses de baisses d’impôt faites aux entreprises. Le leader de la CFDT, Laurent Berger, a assuré n’avoir "pas confiance a priori" dans les engagements du patronat. Comme lui, le ministre du Travail François Rebsamen appelle le Medef à cesser "de geindre". Le climat est délétère. Simple sketch ou vrai divorce?
L’escalade verbale n’augure rien de bon. Là où un compromis social semblait possible, les calculs triompheraient. Là où l’unité nationale face à la crise aurait pu prévaloir, les postures politiques reprendraient le dessus. Il n’est même plus sûr que les salariés sachent comment les chefs d’entreprises utiliseront les baisses d’impôts, car il n’est plus certain qu’elles seront votées. La défiance menace de faire sombrer cette réforme.
"Cela peut remettre en cause le pacte de responsabilité"
Que se passe-t-il? Les résultats des municipales et des européennes, désastreux pour la gauche, ont radicalisé les positions. La CFDT - qui tient son congrès cette semaine - entend marquer ses distances avec un gouvernement désavoué par les urnes et se rapprocher de sa base qui ne se reconnait pas forcément dans ce socialisme-là. Le Medef, dans un rôle d’opposant, pense profiter de la faiblesse du pouvoir en mettant toujours la barre plus haut… Le gouvernement, lui, croyait avoir fait le plus dur en promettant des baisses de charges et d’impôts, qui ont conduit Pierre Gattaz à jouer - plus ou moins - le jeu du Pacte en invitant les entreprises à évaluer les embauches et les investissements potentiels.
Après avoir pourtant topé sur des négociations de branche, le Medef considère aujourd’hui qu’il n’y a "plus de grain à moudre" au regard "du contexte actuel de décrochage de la France". La CFDT juge qu’elle n’a pas d’interlocuteur. "Pour négocier, il faut être deux", disait Laurent Berger dans le JDD dimanche . Dans ces conditions, on voit mal les parlementaires socialistes, au bord de la crise de nerfs, accepter de voter les baisses d’impôts et de cotisations pour les employeurs. En commentant la situation, le chef des députés PS Bruno Le Roux l’a admis : "Cela peut remettre en cause le pacte de responsabilité." Ce serait un effroyable échec pour François Hollande le social-démocrate, pour la CFDT et sa culture, pour les salariés et les chômeurs, et pour les patrons qui attendent ces gestes fiscaux. Le projet de loi de finances rectificative sera examiné à l’Assemblée à la fin du mois. Il reste quelques semaines à chacun pour retrouver son calme.
Source: JDD papier
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