Juin 2014. C'est le soixante-dixième anniversaire du Débarquement, mais le gouvernement français est sur le pied de guerre pour sauver le soldat Paribas, menacé d'une amende de 7,3 milliards d'euros par les Américains après avoir effectué des transactions en dollar avec des pays sous embargo. BNP Paribas dispose cependant de fonds propres importants qui peuvent lui permettre de payer une forte amende. Pourquoi l'inquiétude gagne-t-elle la France et l'Europe? Quels risques court réellement la BNP?

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1. Des fonds propres diminués

  • Si l'amende devait atteindre la somme de 10 milliards de dollars (7,3 milliards d'euros), la première banque française par la capitalisation pourrait voir ses fonds propres être nettement rabotés.
  • Elle n'a provisionné que 1,1 milliard pour régler ce litige et devrait donc en effet puiser dans ses fonds propres, qui s'élevaient en 2013 à 94,4 milliards d'euros, pour trouver la différence.
  • Une telle ponction équivaudrait à 1/10 de ses réserves, alors que les établissements bancaires vont prochainement faire l'objet de tests de résistance mis en place par la Banque centrale européenne après la crise financière de 2008.

2. Une réputation entachée

  • L'enjeu est aussi important pour BNP Paribas d'un point de vue commercial. Les autorités américaines menacent en effet de retirer de façon temporaire à BNP Paribas la possibilité de faire des opérations en dollars.
  • Or le dollar est la monnaie de référence des échanges internationaux, et Paribas perdrait une partie de sa clientèle internationale si elle ne pouvait plus l'utiliser, même de façon temporaire.
  • Si elle était amenée à plaider coupable, pour faire baisser le montant de l'amende, BNP Paribas perdrait également la clientèle de certains fonds de pensions, qui n'ont pas le droit de travailler avec des banques qui ont reconnu des torts.
  • L'agence de notation Standard and Poor's vient d'ailleurs de placer BNP Paribas sous surveillance négative.

3. Une perte de revenus pour l'Etat

  • En France, l'amende pourrait avoir des retombées sur l'impôt que verse BNP Paribas. Elle est un des principaux contributeurs à l'impôt sur les sociétés, alors même que le gouvernement français cherche à redresser les finances publiques.
  • Dans le cas d'une amende de 5 milliards de dollars, le manque à gagner fiscal était évalué à 1 milliard d'euros par l'analyste Roland Laskine sur le site du Figaro. Il faut donc compter le double de perte fiscal si l'amende atteint le niveau maximal évoqué.
  • Les actionnaires peuvent aussi se faire du souci pour leurs dividendes, alors que l'action a perdu près de 20% en quelques mois.

4. La reprise économique compromise

  • Le rabotage de fonds propres amputerait sensiblement sa capacité à octroyer des prêts à ses clients, puisque les nouvelles règles du secteur conditionnent le niveau des crédits accordés au montant des fonds propres.
  • Or, la BNP est une des principales banques de la zone euro et s'avère essentielle pour la reprise économique européenne, notamment par ses prêts aux entreprises. C'est pourquoi Michel Sapin s'est dit déterminé à "protéger la stabilité du système financier en France, pour s'assurer de sa capacité à financer correctement l'économie", dans son interview aux Echos.
  • Mais le pire, pour l'instant, est de ne pas savoir exactement quelle sera la sanction: "Ce qui m'inquiète, c'est le caractère imprévisible de la sanction. Cela peut renforcer la frilosité des banques, notamment pour le financement à l'export", souligne auprès de l'AFP Bernard Cohen-Hadad, président de la Commission financement des entreprises de l'organisation patronale française CGPME.

5. Et les autres banques européennes?

  • Le dossier n'est pas suivi qu'en France. La BCE le regarde de près. L'institut de Francfort, qui a refusé de commenter le sujet, craindrait que la sanction encourue par BNP Paribas ne fasse tache d'huile, alors que d'autres banques européennes sont dans le viseur des autorités américaines, et que la croissance est toujours faible en zone euro.
  • Selon le Wall Street Journal daté de mercredi, la BCE examine ainsi si les banques européennes ont mis assez d'argent de côté pour couvrir les risques qu'elles encourent.
  • L'Autorité bancaire européenne a demandé aux régulateurs de chaque pays d'évaluer l'impact d'éventuelles sanctions. Une douzaine d'autres banques européennes risquent des amendes américaines pour différents motifs, souligne le Wall Street Journal.

Pas de faillite en vue pour Paribas

Pourtant, Paribas ne craint pas pour sa survie. "Il faut attendre de voir la facture pour savoir quel sera son impact sur la banque. Mais, même si la note était élevée, il n'est absolument pas question de la faillite de BNP Paribas. On ne se situe pas dans une affaire à caractère systémique", a expliqué à l'AFP un analyste bancaire sous couvert d'anonymat. Le chiffon rouge agité par le gouvernement français est plutôt celui d'un effet domino. Une stratégie qui pourrait être payante, car elle ne se contente pas d'un plaidoyer pro domo.

Les Etats-Unis peuvent-ils mettre BNP Paribas réellement en danger? Si elle est frappée trop durement par une amende colossale conjointe à un retrait temporaire de sa licence bancaire aux Etats-Unis, cela aura des répercussions dans toute la sphère financière et, donc, dans l'économie réelle. Le bouquet de sanctions prendra sans doute en compte leurs conséquences économiques sur l'Europe: "Les Etats-Unis n'ont aucun intérêt à déstabiliser le système financier européen car, comme tous sont liés, cela ferait peser des risques sur le système américain", ajoute l'analyste bancaire anonyme. BNP est tout de même la troisième banque du monde derrière ING Group et ICBC. Ce n'est pas qu'une affaire française.

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