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Récit

L'Assemblée enterre les peines planchers, symbole du sarkozysme pénal

La réforme de la justice pénaledossier
Le dispositif de 2008 qui prévoyait des peines minimales pour les récidivistes a été abrogé dans le cadre du projet de loi sur la réforme pénale.
par Sonya Faure
publié le 5 juin 2014 à 19h20

On attendait du sang (ou des larmes, au moins) pour enterrer, jeudi après-midi à l'Assemblée nationale, les peines planchers, mesure emblématique du sarkozysme pénal. A 17h38, celles-ci ont été abolies assez misérablement, devant six députés de droite et treize de gauche, chaque camp moulinant des arguments usés jusqu'à la corde, dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la réforme pénale.

Ce dispositif entré en vigueur en 2008 prévoyait des peines minimales pour les récidivistes. Les magistrats pouvaient les éviter en motivant spécialement leur décision – ce qu’ils ont fait de plus en plus fréquemment, hostiles qu’ils étaient, dans leur grande majorité, à ces sanctions quasi-automatiques

«Antisarkozysme permanent»

«Nous ne croyons pas à la justice mécanique, à la justice automatique, à la justice aveugle. Nous voulons des peines plus individualisées», a répété Christiane Taubira, à qui la droite (et particulièrement le député UMP Guy Geoffroy) n'a pas manqué de reprocher «son obsession vindicative: un antisarkozysme permanent». Le député a noté à raison que les peines planchers n'étaient finalement pas si automatiques, puisqu'elles ne sont aujourd'hui prononcées que dans un tiers des dossiers de récidive. Mais l'esprit de la loi et Nicolas Sarkozy prévoyaient qu'elles le soient bien plus. La députée verte Cécile Duflot a d'ailleurs rappelé jeudi l'époque où Rachida Dati, alors ministre de la Justice, multipliait les circulaires et les convocations de magistrats qui n'appliquaient pas assez les peines planchers selon elle.

Même le député UMP Thierry Mariani a dû le reconnaître jeudi: «Sur son efficacité, cette loi ne mérite ni excès d'honneur, ni excès d'indignité. Nous n'avons pas de chiffres sérieux pour l'évaluer.» Ce qui paraît sûr en revanche, c'est qu'elle a avant tout concerné les auteurs de petits délits, souvent désinserrés, et non les criminels à qui le discours politique les destinaient : les violeurs récidivistes n'ont pas besoin de peines planchers pour être très lourdement condamnés par les jurys populaires. Elles ont aussi allongé la durée des détentions. C'est l'un des arguments de la gauche: plutôt que d'enfermer ces petits délinquants récidivistes — bien souvent SDF ou toxicomanes — mieux vaut les surveiller, hors les murs, et les accompagner vers une réinsertion.

«Bon sens»

Mais pour la droite, le propos n'est pas vraiment là. Thierry Mariani dans l'hémicycle: «Moi, je défends les peines planchers pour des questions morales. Il est évidement que quand on faute plusieurs fois on doit être sanctionné de manière plus dure. C'est le pur bon sens.» Il y a encore autre chose : les peines planchers, c'est un signal. Pour les électeurs. «Que dire à nos concitoyens, dans nos villes, quand ils nous disent : "Cette personne, ça fait deux fois, trois fois qu'elle récidive !"? C'est exactement pour ça qu'on avait voté cette loi.» Pour les délinquants aussi, pense la droite, qui croit dur comme fer à l'aspect dissuasif de la sanction : «Vous voulez supprimer les peines planchers ? a lancé Guy Geoffroy. Allez y ! Je pense que dans certains quartiers, dans certaines ZSP, on s'en rejouira certainement.» En cinq ans, 42000 peines planchers ont été prononcées. Sur 3 millions de condamnations.

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