Le CHU de Rennes se débarrasse de médicaments encore... valables !

Santé. Depuis quatre ans, l'établissement jette à la poubelle des centaines de boîtes non périmées, au grand dam des syndicats. La faute à un système informatique compliqué qui tombe régulièrement en panne.

Le CHU de Rennes se débarrasse de médicaments encore... valables !

    « C'est une souffrance pour nous », se désespère un des employés de la pharmacie centrale du Centre hospitalier universitaire de Rennes (Ille-et-Vilaine). Depuis quatre ans, il assiste, impuissant, à un immense gâchis de médicaments et de dispositifs médicaux non consommés et non périmés. Plusieurs tonnes de marchandise auraient été incinérées selon les syndicats, pour qui la pilule a du mal à passer.

    « Ce sont plusieurs centaines de milliers d'euros qui sont parties en fumée depuis la création de la nouvelle pharmacie centrale il y a quatre ans », dénoncent les représentants de Sud-Santé-Sociaux. Au moins deux fois par mois, plusieurs caisses seraient placées pour destruction dans les conteneurs destinés aux produits périmés. « On part le soir et, quand on revient le lendemain, il n'y a plus rien. Certains flaconnages représentent un mois de salaire d'un contractuel. Imaginez quand il y en a 10 qui disparaissent ! C'est très dur à vivre d'un point de vue éthique et psychologique », explique l'employé de la pharmacie, qui souhaite garder l'anonymat.

    Des non-périmés dans les poubelles pour périmés

    Les dysfonctionnements du système adopté par la pharmacie en 2010 expliquent en grande partie ce gaspillage. Au moment de passer commande de son nouveau bâtiment et du processus industriel auprès de H'Ennez, une filiale du constructeur Eiffage, l'hôpital aurait sous-dimensionné ses besoins. Les problèmes commenceraient dès la livraison des médicaments et des dispositifs médicaux le matin. Selon les syndicats, les prestataires utilisent des palettes qui ne sont pas reconnues par le robot Magmatic qui les range ensuite au sous-sol. Les agents de la pharmacie sont donc obligés de reconditionner les marchandises sur des palettes adéquates, aux normes européennes, ce qui retarde le tri et l'envoi des produits dans les services. Les difficultés continuent au moment de rentrer les commandes. Le système informatique fonctionne avec pas moins de trois logiciels différents qui tombent régulièrement en panne. Quant au robot Magmatic, il a atteint sa cadence maximale. Impossible d'en acquérir un autre, faute de place.

    Ne voyant pas leurs médicaments arriver, les services de soins passent une seconde commande d'urgence et finissent par recevoir le double de leurs besoins. Problème : les produits retournés à la pharmacie ne sont pas remis dans le système. L'organisation initiale prévoyait un poste de travail dédié à cette tâche. Trop cher et trop compliqué !

    « Le moindre retour dans ce système demande un travail titanesque, dix minutes par produit, même pour la moindre plaquette, avec un coût en sorties papier et étiquettes parfois supérieur au médicament retourné », observent les syndicats. Résultat : des caisses de médicaments et de dispositifs médicaux non utilisées prennent la poussière dans les locaux jusqu'à ce que l'encadrement décide de faire place nette discrètement. Impossible de les donner à des associations à cause de la traçabilité.

    « Désormais, la consigne est de limiter le plus possible les retours. Mais, comme les services n'ont pas le droit de faire de stocks, le personnel est invité à emporter chez lui ce qu'il trouve utile et à jeter directement le reste des non-périmés dans les poubelles destinées aux périmés », ajoutent les syndicats. Contactée par notre journal, la direction du CHU de Rennes n'a souhaité faire aucun commentaire.