Affaire des primes : la justice envisage le renvoi de Guéant en correctionnelle

L'ex-directeur de cabinet de Sarkozy est accusé d'avoir détourné des fonds publics dans l'affaire des primes de police, selon une première analyse du parquet financier.

Affaire des primes : la justice envisage le renvoi de Guéant en correctionnelle

    Claude GUÃ?ANT renvoyé en correctionnelle pour détournement de fonds publics : c'est ce que préconise un projet de réquisitoire remis, la semaine dernière, au procureur national financier Eliane Houlette. Sur la base de l'enquête menée par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), après plusieurs mois d'investigations et des dizaines d'auditions, ce document de travail livre une première analyse des faits reprochés à celui qui fut, de 2002 à 2004, directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy. Durant cette période, Claude Guéant aurait réclamé le décaissement de 240 000 à 288 000 EUR sur les fonds d'enquête spéciaux (FES) en principe destinés à défrayer les policiers en mission. Environ une moitié aurait été ventilée à ses collaborateurs sous forme de primes, l'autre venant directement compléter son propre salaire de préfet.

    Selon l'analyse du parquet financier, Guéant n'agissait pas seul : Michel Gaudin, alors directeur général de la police nationale (DGPN), était l'ordonnateur des décaissements et pourrait, à ce titre, être poursuivi comme coauteur de l'infraction. Trois anciens préfets, bénéficiaires de l'essentiel de ces primes, sont également mis en cause : Daniel Canepa (directeur adjoint du cabinet de Nicolas Sarkozy jusqu'en septembre 2003), Gérard Moisselin (son successeur) et Michel Camux (chef de cabinet de Nicolas Sarkozy), sont considérés comme les principaux receleurs de ces fonds.

    Les sommes en question, entre 10 000 et 12 000 â?¬ par mois, étaient remises en liquide. Non déclarées, elles échappaient du même coup à l'impôt. Entendus sous le régime de la garde à vue en décembre 2013, Claude Guéant et Michel Gaudin ont tous deux reconnu leur existence. Il s'agissait, ont-ils expliqué en substance, de compenser le manque à gagner résultant de la disparition des fonds spéciaux, traditionnellement distribués sous forme de primes au sein des ministères, jusqu'à ce que Lionel Jospin décide, en 2002, d'y mettre fin.

    Selon les évaluations du parquet, Claude Guéant conservait chaque mois entre 5 000 et 6 000 â?¬, soit près de la moitié des 10 000 à 12 000 â?¬ mensuellement décaissés. L'autre moitié, quant à elle, était dispatchée entre ses collaborateurs. « Aucun texte n'interdisait, à l'époque, que ces fonds soient utilisés comme compléments de salaire », estime M e Philippe Bouchez El Ghozi, l'avocat de Claude Guéant. Pour lui, ce « système transitoire » ne visait qu'à « rattraper un manque à gagner en attendant que le budget de l'Etat prenne en compte la réforme de Lionel Jospin ». Par ailleurs, « à supposer qu'il y ait infraction, il y a un problème de prescription », ajoute l'avocat.

    Une question que n'élude pas le parquet. Relevant le caractère occulte -- donc indécelable -- de ces décaissements, il estime que le délai de prescription ne peut pas lui être opposé. « Le dossier est à l'étude, nous prendrons notre décision avant l'ét?, a confirmé hier le parquet national financier. S'il fait sienne cette première analyse, une citation directe devrait être prochainement délivrée à l'encontre de Claude Guéant, Michel Gaudin et des trois anciens responsables de cabinet du ministère de l'Intérieur de l'époque. Un procès pourrait avoir lieu « dans les trois mois suivant leur convocation ». Le détournement de fonds publics, commis par un dépositaire de l'autorité publique, est passible de dix ans de prison et de 1 Mâ?¬ d'amende.

    VIDEO. Claude Guéant et Michel Gaudin, deux hommes au cÅ?ur de l'affaire des primes en liquide