Toubon admet l’envoi d’un hélico pour Xavière Tiberi

Après avoir nié, le ministre a reconnu la recherche himalayenne du procureur de l’Essonne.
par Olivier Bertrand
publié le 18 novembre 1996 à 2h15

Un hélicoptère fantôme s’est écrasé bruyamment, samedi, sur le plateau de Canal +. Jacques Toubon, ministre de la Justice, était l’invité de Michel Field, dans l’émission l’Hebdo. Il a reconnu ce que le pouvoir politique s’obstinait à nier : un hélicoptère a bien été envoyé dans l’Himalaya, à la recherche du procureur de l’Essonne, Laurent Davenas, dont l’adjoint venait d’ouvrir une information judiciaire contre Xavière Tiberi, épouse du maire de Paris. Michel Field, qui anime l’émission, venait d’offrir au ministre la maquette réduite d’un Puma, lorsque Jacques Toubon a décidé de se mettre à table. «Quand le procureur est parti en vacances, a-t-il expliqué, il a donné des instructions très précises à la PJ, et notamment en ce qui concerne l’audition de Xavière Tiberi. Mais son adjoint (a pris) une décision inverse. Devant cette contradiction […] on a cherché à savoir si le procureur confirmait la décision de son adjoint. Comme on a appris qu’il était parti au Népal, on a donc saisi la représentation française dans ce pays, qui, pour le trouver, a utilisé les moyens que l’on utilise à 5 000 mètres d’altitude, c’est-à-dire un hélicoptère.»

Le financement. Le ministre reste malheureusement un peu vague. Qui se cache derrière le «on», pilote de l’opération ? Selon l’hebdomadaire le Point, la décision est venue «des services du Premier ministre». Elle aurait été «financée sur les fonds secrets» de Matignon. Toubon a affirmé samedi que les frais ont été pris en charge par la représentation française au Népal. Le ministre a estimé que la procédure a été utilisée «de façon tout à fait régulière». Or le parquet est indivisible, et l’adjoint du procureur, Hubert Dujardin, disposait, au moment où il a ouvert l’information, des pleins pouvoirs. «Il assurait la continuité du service», reconnaît du reste Laurent Davenas, qui ajoute : «De toute façon, même si l’hélicoptère m’avait trouvé, je n’avais pas les éléments pour répondre à la question.»

Ce versant de l’expédition risque, de toute façon, de rester anecdotique après la tempête déclenchée par cette affaire au sein de l’exécutif. La semaine dernière, les ministères de l’Intérieur et de la Justice, ainsi que Matignon, n’ont cessé de nier l’histoire de l’hélicoptère. Mais cette position devenait intenable, à mesure que les informations sur l’expédition devenaient plus précises. Samedi, le ministre de la Justice a décidé de faire machine arrière.

Embarrassant dossier. L’étonnant déroulé de cette affaire montre à quel point le dossier Xavière Tiberi embarrasse le pouvoir. L’épouse du maire de Paris a touché 200 000 F en 1994 du conseil général de l’Essonne, où elle n’a jamais mis les pieds. Xavier Dugoin, président RPR du département, l’a embauchée en mars 1994, puis a renouvelé son contrat au lendemain des élections cantonales. En octobre 1994, il lui a confié la rédaction d’un rapport sur la coopération décentralisée. Cette très modeste contribution a été découverte par le juge d’instruction Eric Halphen, lors d’une perquisition au domicile des époux Tibéri. Le dossier est ensuite arrivé à Evry, où Laurent Davenas a demandé l’ouverture d’une enquête préliminaire. Le procureur, qui ne souhaitait pas ouvrir une information judiciaire dans l’immédiat, est parti à l’assaut des neiges éternelles.

Pendant son absence, son adjoint, Hubert Dujardin, a décidé d’ouvrir l’information contre Xavière Tiberi. Puis une autre instruction a été confiée au juge Jean-Marie D’Huy, sur un «manuel de corruption» retrouvé en mai 1996 en Essonne. A ces deux dossiers s’ajoutent des informations déjà ouvertes en Essonne à propos du salaire de madame Dugoin, que la justice soupçonne d’être fictif, et de ceux que des militants RPR touchaient de Parachini, groupe industriel qui travaille beaucoup avec les collectivités, et dont le directeur général est en détention préventive depuis quatre jours (Libération du 16 novembre). Une perquisition a été menée mercredi au conseil général, par les trois juges chargés des différents dossiers. La secrétaire du directeur de cabinet de Xavier Dugoin a été placée en garde à vue et interrogée toute la journée. Elle n’est ressortie libre qu’en début de soirée. Au même moment, Xavier Dugoin s’apprêtait à voir un match, confortablement installé dans une loge du parc des Princes. Un stade où on l’a vu fréquemment ces dernières semaines, aux côtés de Jean Tiberi.

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