Ce billet a été posté sur ce blog le 13 septembre 2010. Il semble, au vu de l'ahurissante actualité, utile de rappeler aux abonnés qui est vraiment Jacques Toubon.
En ces temps difficiles pour les salariés, pour le temps de travail, pour l'âge de départ à la retraite, et plus globalement, hélas, pour la démocratie hexagonale, il n'est pas inutile de faire un petit retour en arrière. Plus précisément le 8 décembre 1981, jour où l'assemblée nationale à large majorité socialiste est plongée dans la discussion de ce qui allait devenir la loi du 13 janvier 1982, relative au passage aux 39 heures et à la généralisation de la cinquième semaine de congés payés. Depuis des heures, des jours, des semaines, la droite parlementaire s'est lancée dans une obstruction systématique et frénétique, qui, vingt-neuf ans plus tard, semble extrêmement révélatrice de la haute et noble considération nourrie par la minorité conservatrice à l'égard d'une majorité de salariés.
Parmi les ardents combattants de cette sinistre obstruction parlementaire figure un nouveau député du RPR, élu dans le 19ème arrondissement de Paris, un des très rares résistants à la vague rose. Il s'appelle Jacques Toubon et dépose, ce jour-là, l'amendement n°79 à l'article premier des ordonnances sociales n° 577, relatif aux "cessations volontaires d'activité". La suggestion de ce député est d'insérer, dans la deuxième phrase du 8ème alinéa, la proposition suivante :
"planter dans chaque commune des cocotiers en nombre proportionnel à la population âgée de 60 ans et plus et rendre obligatoire, une fois par an au moins, l'escalade de ces arbres par l'ensemble de la population majeure".
L'exposé sommaire explicatif est encore plus accablant : L'amendement a pour but de préciser la portée des mesures envisagées par le gouvernement pour procéder "au partage du travail".
Celles et ceux qui, au terme d'une vie difficile de travail, se défendent pour protéger ce qui a été acquis de haute lutte sociale, apprécieront ce mépris et ce cynisme. Celles et ceux qui connaissent le parcours du même Jacques Toubon ne seront nullement surpris. Cette arrogance annonçait le ridicule achevé de la loi Toubon de février 1993, également surnommée loi Allgood, dite de protection de la langue française contre l'omniprésence de la langue anglaise, alors que l'ami de Chirac était ministre de la culture du gouvernement Balladur. On n'oubliera pas que le même Jacques Toubon, garde des sceaux en 1995, se rendit coupable d'une des plus graves atteintes à l'indépendance de la justice, en dépêchant un hélicoptère au fin fond du Tibet pour rapatrier d'urgence le substitut Laurent Davenas, afin de sauver Xavière Tiberi d'une condamnation certaine.
Mais que les démocrates et les puristes soient rassurés. Depuis 2009, Jacques Toubon est membre de la Halde.
Que de nobles déclarations en perspective ! Que de généreuses envolées à venir !
P.S. : Le document présenté m'avait été transmis, à l'époque, par mon ami et ex-collègue Joseph Pinard, professeur agrégé d'histoire, ex-député du Doubs.
(13 juin 2014 : on voit clairement non seulement que Jacques Toubon est un "authentique défenseur des droits" mais aussi, bien évidemment, que François Hollande est un "authentique socialiste"...)