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La conseillère de Hollande s'opposait à la régulation des banques

Laurence Boone n'affectionne pas particulièrement les mesures sur lesquelles s'était pourtant engagé le candidat François Hollande.

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Publié le 13 juin 2014 à 10h25, modifié le 12 janvier 2016 à 14h28

Temps de Lecture 5 min.

Laurence Boone, conseillère de François Hollande pour les affaires économiques depuis juin 2014, a été débauchée par l'assureur Axa qu'elle rejoindra en mars. Elle a remplacé Emmanuel Macron à ce poste, suscitant de lourdes critiques à gauche.

« On se souvient que, pour convaincre les électeurs, le président de la République avait, l'hiver 2012, indiqué qui était le principal adversaire du changement qu'il promettait », avaient notamment réagi les sénateurs du groupe Communiste, républicain et citoyen. « Ces promesses paraissent bien lointaines alors même que l'Elysée [a] embauché comme conseillère particulière du président une économiste forgée du plus beau métal libéral, au fil d'une carrière allant de Merrill Lynch, l'une des premières banques d'affaires américaine, à Bank of America, en passant par Barclays », ont-ils accusé à l'époque.

Critique envers le gouvernement

Dans le journal — résolument libéral — L'Opinion, Laurence Boone avait déjà marqué son opposition franche à la politique du chef d'Etat socialiste. Dans une tribune intitulée « Arrêtons le massacre », publiée le 26 mai 2014, elle s'y montre très critique :

« Les choix de politique économique sont quasiment inexistants. La déclaration de politique générale de Manuel Valls l'annonçait : c'est un programme qui ne vise ni à soutenir la demande à court terme, ni à élever le potentiel de croissance de long terme. »

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Dans une note du 10 avril, elle jugeait déjà que « Le nouveau gouvernement est assez peu différent de l'ancien et n'a pas suggéré de changement d'orientation : le premier ministre et le ministre des finances ont changé, pas l'itinéraire », critiquant des mesures d'allègement d'impôts cosmétiques, destinées à donner de quoi écrire à la presse alors que la politique du gouvernement reste en réalité liée à l'obligation de réduction du déficit.

Une critique assez répandue chez les économistes, y compris chez ceux considérés comme ayant une sensibilité socialiste. Qu'en est-il des autres positions économiques de Laurence Boone ?

Solidarité en Europe

Dans une note du 16 mai, à la veille des élections européennes, l'analyste met en garde ses lecteurs, c'est-à-dire les investisseurs confiant leur argent à la banque pour le placer sur les marchés, contre le pouvoir important du Parlement, notamment dans le cadre de la régulation (taxe sur les transactions, loi bancaire, etc.).

La fragmentation et la division au sein des partis vont jouer sur la façon dont ces derniers voteront sur les sujets qui comptent pour le secteur financier, avance Laurence Boone, un mouvement qu'elle attribue à la désaffection pour l'Europe, elle-même liée au manque d'intégration et de transferts des dettes souveraines.

Un souci de la solidarité qui n'est pas gratuit : « Les pays du Nord de la zone euro ne sont pas en situation de négocier : ils perdraient avec l'explosion de l'euro non seulement les créances des pays du Sud, mais aussi en termes de commerce extérieur, avec un risque non négligeable de faire exploser, aussi, le marché unique », affirmait -elle dans une tribune en 2011.

Ou solidarité sur le « repo » ?

L'explosion de l'euro mettrait aussi en danger le marché de mise en pension des titres, le repo. Un marché qui lutte farouchement contre toute tentative de régulation et de taxation. Ce marché de près de 6 000 milliards d'euros permet d'obtenir de l'argent liquide ou des prêts à court terme en mettant en gage la dette d'un Etat.

Si les dettes d'un pays deviennent trop risquées, les chambres de compensation, qui se portent garantes des différentes parties de la transaction, exigent un appel de marge, un supplément en somme, ce qui empêche certains pays de se financer car ils ne parviennent plus à placer leurs titres de dette.

Laurence Boone avait ainsi déclaré en 2011 à Reuters qu'« augmenter l'appel de marge, c'est prendre le risque de déclencher [un risque de blocage] côté bancaire ». Une déclaration qui en dit long sur les inquiétudes de la banquière, plus soucieuse de l'activité de son industrie sur le marché du « repo » que de la sécurité de celui-ci.

Ne pas affaiblir le marché

Une chose est sûre, la conseillère du président n'affectionne pas particulièrement les mesures de régulation. Dans une note du 15 avril, elle accuse les règles d'encadrement européennes régissant les « asset backed securities » (ABS, titres de Bourse adossés à des emprunts, produits spéculatifs en cause dans la crise des crédits immobiliers américains) d'être trop sévères et de risquer d'affaiblir ce marché.

Le 14 mars, elle écrit encore : « Dans un monde parfait, la croissance européenne se redresserait lentement cette année (...) Mais il y a un certain nombre d'obstacles... », citant à ce titre une autre mesure de régulation, l'examen des actifs bancaires exigés par la Banque centrale européenne (BCE) pour vérifier que les banques sont solvables, un examen dont le mode d'emploi est, selon elle, trop complexe et dont l'intérêt est surévalué.

Laurence Boone regrette en revanche que le mécanisme de sauvetage des banques ne soit pas mis en place plus vite, en raison notamment de blocages de la part des gouvernements français et allemand.

Lire sa tribune (en édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés La zone euro est toujours en danger ! Une restructuration bancaire s'impose

Optimisme tout neuf

Car l'optimisme dont la conseillère fait preuve (« La reprise est là. Elle n'est pas encore très forte, mais elle est incontestable », assure-t-elle), est relativement neuf.

Ses dernières notes chez BofA témoignaient plutôt de craintes de reprise molle et d'un risque de déflation, c'est-à-dire d'une baisse des prix, ce qui n'est en général pas très bon signe. « Nos indicateurs avancés suggèrent que les tendances désinflationnistes pourraient être plus fortes que ce que les indicateurs classiques anticipent, en particulier en France et en Espagne », écrit-elle dans sa note du 28 février.

Dans la même note, l'analyste dit être inquiète de la dîme sur la croissance que prélèveraient de nouvelles mesures d'austérité : « Nous voulons croire que le gouvernement évitera de mettre en danger les graines de la croissance avec de nouvelles doses d'austérité. »

Cette position, en faveur de la croissance plutôt que de la rigueur budgétaire, se retouve davantage chez les économistes dits de gauche que dans le monde bancaire. Dans son cas, elle doit pour beaucoup à ses craintes de tendances déflationnistes, encore confirmées dans ses notes du 5 juin, quelques temps avant qu'elle n'accepte la proposition de l'Elysée.

Lire en édition abonnés : Article réservé à nos abonnés Faut-il avoir peur de la déflation ?
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