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La Cour des comptes alerte sur StocaMine, la bombe à retardement alsacienne

La juridiction financière dénonce « l' attentisme » de l'Etat concernant ce centre de stockage souterrain qui abrite, depuis 15 ans, 44 000 tonnes de déchets industriels hautement toxiques.

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Publié le 16 juin 2014 à 13h57, modifié le 16 juin 2014 à 16h52

Temps de Lecture 4 min.

Mercure, arsenic, cyanure et amiante sont entreposés dans les cavités du centre de stockage StocaMine.

C'est un sévère rappel à l'ordre à l'Etat dans sa gestion du dossier StocaMine. Dans un référé publié lundi 16 juin, la Cour des comptes épingle les « graves conséquences » de l'« attentisme » des pouvoirs publics concernant ce centre de stockage unique en France, situé dans une ancienne mine de potasse du Haut-Rhin, dans lequel dorment 44 000 tonnes de déchets industriels ultimes non recyclables et hautement toxiques.

Les magistrats de la rue Cambon regrettent que, dans ce « sujet perçu comme très sensible par les ministres et leurs cabinets », « des missions » et deux concertations « se sont succédé sans déboucher sur une solution ». La question du traitement final des déchets enfouis dans ce centre fermé depuis 2003 à la suite d'un grave incendie, n'est toujours pas tranchée onze ans après : faut-il les remonter à la surface ou les confiner sous terre et la solution adoptée doit-elle concerner l'intégralité ou une partie seulement du rebut ?

La Cour des comptes chiffre le coût de cette « inaction des pouvoirs publics » à un minimum de 45 millions d'euros à la fin de 2012, à raison de huit ans d'attente avec des charges annuelles de 5,5 millions d'euros d'entretien de la mine et des structures, et de frais de personnels.

44 000 TONNES DE DÉCHETS DANGEREUX

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Situé dans le sous-sol de Wittelsheim, à 550 mètres de profondeur, StocaMine a ouvert ses portes en février 1999, sous la forme d'une filiale de l'entreprise publique Les Mines de potasse d'Alsace (MDPA). Ce centre, le premier du genre en France, était perçu comme une solution pour traiter les déchets ultimes et comme une occasion de reconversion dans un bassin potassique en perte de vitesse. En trois ans, 19 500 tonnes de déchets de classe 0, les plus dangereux (mercure, arsenic, cyanure, etc.), ont été entreposés dans les alvéoles au fond de la mine, ainsi que 24 500 tonnes de résidus d'incinération et d'amiante, de classe 1.

Mais, en septembre 2002, à la suite d'un incendie dans l'un des blocs de déchets, 74 mineurs sont intoxiqués, le PDG de l'époque est condamné à quatre mois de prison avec sursis, et StocaMine à 50 000 euros d'amende, qui ne s'en relèvera pas : le centre, qui n'a jamais été rentable, ferme ses portes en 2003. Depuis, les MDPA ont été liquidées, mais il reste la question des déchets, qui divise experts, élus et population locale. 

SIX ANS DE MISSIONS ET CONCERTATIONS

Un groupe d'anciens mineurs et d'industriels visite la mine Joseph-Else, où Stocamine entrepose des déchets toxiques.

Après une première mission lancée en 2008, une concertation publique sur les scénarios de fermeture de StocaMine a été lancée en 2010 sous l'égide d'un comité de pilotage (Copil) composé de treize experts. En s'appuyant sur des études menées par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), dix d'entre eux ont préconisé, dans un rapport de 2011, le retrait partiel des déchets contenant du mercure et le confinement des autres au fond.

C'est pourquoi en décembre 2012, la ministre de l'écologie de l'époque, Delphine Batho, a ordonné le retrait de 11 % des déchets, dont 56 % des éléments mercuriels, et le confinement du reste du site. Mais alors que les travaux avaient débuté, la ministre a relancé le débat, sous la pression des élus alsaciens et des ONG, en organisant une nouvelle procédure de concertation publique du 15 novembre au 15 février 2014. En jeu : cinq options de fermeture s'échelonnant de la sortie des 11 % de déchets – l'opération en cours – à l'extraction de la quasi-totalité du rebut. Selon les scénarios, le coût du déstockage varie de 84 à 150 millions d'euros, et sa durée de sept à onze ans.

DIFFICULTÉ DES TRAVAUX

« La nouvelle concertation ne doit pas, une nouvelle fois, retarder le traitement d'un dossier dans lequel les aspects environnementaux, techniques et sanitaires des différentes options n'ont pas changé depuis la fin de la précédente concertation », prévient, dans ses recommandations, la Cour des comptes. « Aucun aspect nouveau ne semble justifier une solution plus longue, plus risquée et plus coûteuse pour l'Etat que celle décidée à la fin de 2012 », conclut l'institution.

Sans compter, ajoutent encore les sages de la rue Cambon, que ces retards accroissent « la difficulté des travaux et les aléas techniques ». Il y a effectivement urgence : les galeries s'affaissent sous l'effet de la pression due au creusage. Et surtout, de l'eau s'infiltre dans la mine, à raison de 100 000 m3 par an. D'ici trois cents ans, l'eau noiera la mine, avant de parvenir chargée en éléments toxiques, d'ici mille ans, à la nappe phréatique d'Alsace, la plus vaste d'Europe.

Le déstockage maximal est défendu par de nombreux élus, anciens mineurs et associations locales au nom de la protection des habitants. Ils craignent la pollution de la nappe phréatique du fait de la remontée de substances toxiques. Mais, selon StocaMine, ainsi que l'Ineris, le confinement de l'essentiel des déchets garantira la potabilité de l'eau « à long terme » car il entraînera une « très forte » dilution des substances, jusqu'à des teneurs « très en dessous » des seuils règlementaires. Les ministres chargés du dossier, Ségolène Royal à l'écologie et Arnaud Montebourg à l'économie, devront arbitrer d'ici à la fin de l'année et sceller le sort de StocaMine.

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