Cent ans de guerres interrompues

Le "siècle de sang". Ces cent dernières années ont vu naître des centaines de conflits armés. Un livre présente les vingt plus importants.

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Des soldats français à Gao, au Mali, une intervention directement héritée de la guerre menée en Libye en 2011.
Des soldats français à Gao, au Mali, une intervention directement héritée de la guerre menée en Libye en 2011. © JOEL SAGET / AFP

Temps de lecture : 4 min

À l'heure où l'Irak tombe de Charybde en Scylla, voici un livre que nos lecteurs seraient bien avisés de consulter rapidement. Écrit par une poignée de journalistes, de chercheurs et de militaires sous la conduite d'Emmanuel Hecht (de L'Express) et de Pierre Servent, colonel de réserve et consultant sur les affaires de défense, il aborde les cent dernières années sous l'angle guerrier. Et il y a de quoi faire ! En cette année 2014 marquée par force commémorations, les auteurs traitent en autant d'articles vingt guerres ayant "changé le monde".

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Parmi les milliers de conflits armés qui ont agité la planète durant cette période, ils abordent bien sûr les deux guerres mondiales, les guerres civiles russe et espagnole, de grandes guerres asiatiques (Indochine, Corée, Vietnam), ou encore le Liban, l'Afghanistan et de multiples guerres israélo-arabes.

Ils auraient aussi pu s'intéresser à d'autres conflits tout aussi importants, en Afrique (Grands Lacs, guerres de la décolonisation portugaise, par exemple), ou l'essentielle guerre sino-vietnamienne (1979), ou bien encore les guerres de Tchétchénie des années 1990. Cette remarque n'enlevant rien à des choix pertinents.

"Les Américains ont gagné la guerre, mais ils ont perdu la paix"

Le titre de la contribution de Dominique Lagarde sur la guerre d'Irak de 2003, Une victoire défaite, n'est pas seulement bien trouvé. Il est aussi très juste... En ces journées marquées par une offensive majeure de l'EIIL (État islamique en Irak et au Levant), conduite en violation incessante des lois de la guerre et des conventions de Genève, il est nécessaire de comprendre comment est née cette situation géopolitique inédite.

L'auteur rappelle l'extraordinaire campagne d'intoxication médiatico-politique à laquelle se sont livrés les néoconservateurs de l'entourage du président George W. Bush, conduits par Paul Wofowitz, pour assurer contre toute vérité que le dictateur Saddam Hussein disposait d'armes "de destruction massive". Il aurait poursuivi la quête de l'arme nucléaire, ce qui était faux, tout en disposant d'armes chimiques et bactériologiques, ce qui n'était pas moins inexact. L'invasion de l'Irak, en mars-avril, se conclut rapidement par un apparent succès militaire américain, ce que Dominique Lagarde traduit par une formule à nos yeux contestable : "Les Américains ont gagné la guerre, mais ils ont perdu la paix."

En Irak, une guerre inutile

En réalité, les États-Unis ont perdu cette guerre inutile, comme la situation actuelle le démontre amplement. L'auteur rappelle à cet égard que les arabisants du département d'État américain avaient tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises, expliquant que "la mise en place d'une démocratie serait difficile dans cette mosaïque de tribus et de communautés qu'est l'Irak". Quel serait aujourd'hui le sort de l'Irak si Saddam Hussein n'avait pas été évincé ? Nul ne le sait, mais plusieurs éléments ne font aucun doute.

En démobilisant l'armée du tyran, les Américains ont brisé l'une des seules structures efficaces de l'État irakien. La dislocation du parti Baas et le licenciement de tous ses cadres ont eu les mêmes effets. Quant aux fractures entre chiites, sunnites et Kurdes, elles sont devenues irrémédiables et produisent aujourd'hui des effets inattendus puisque, comme le souligne Dominique Lagarde, "ce sont les mollahs iraniens qui sont les principaux bénéficiaires de la victoire américaine". À tout le moins, on peut se féliciter de l'attitude de Jacques Chirac, qui avait opté à bon escient pour une non-intervention aux côtés des États-Unis. Une attitude beaucoup plus judicieuse que celle adoptée par son successeur à l'égard de la Libye.

La Libye, première guerre "zéro mort"

La guerre de Libye de 2011 possède bien des particularités, dont la première est de ne pas dire son nom. Politiques et militaires français préfèrent se cacher derrière l'opération Harmattan, alors même que ce conflit de grande envergure - engagé avec les États-Unis et le Royaume-Uni sous la conduite de l'Otan - pour soutenir la rébellion contre le colonel Muammar Khadafi est bien une guerre. Il s'agit même d'une guerre historique sur un point au moins : c'est la première guerre "zéro mort" de l'histoire militaire de la France. Zéro mort côté "ami", puisque les victimes libyennes des frappes occidentales ont été nombreuses...

Il suffit d'observer le chaos dans lequel se trouvent la Libye et toute la région sahélienne aujourd'hui pour mesurer à quel point les conséquences de ce conflit n'ont pas été anticipées : la guerre au Mali, pour ne prendre que cet exemple, est fille de la guerre de Libye, qui a notamment entraîné la débandade des troupes touareg du dictateur libyen. Le rédacteur de la notice sur cette guerre, Vincent Hugeux, note à juste titre que la Libye, "État failli de naissance et livré d'emblée à l'arbitraire des phalanges rivales, ne s'est affranchie de son tyran que pour plonger dans une sanglante pagaille, au risque d'instaurer durablement un foyer d'instabilité en lisière d'une aire sahélienne anémiée par le travail de sape des djihadistes et des trafiquants de tout poil". Bien vu !

On notera par ailleurs que l'ouvrage est illustré de très belles cartes, oeuvres du graphiste Patrick Mérienne.

Emmanuel Hecht et Pierre Servent (dir.), Le Siècle de sang, 1914-2014. Les vingt guerres qui ont changé le monde, éditions L'Express-Perrin, 398 pages, 22 euros.

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Commentaires (10)

  • Le capitaine

    Sans doute un lapsus... Mais on pourrait dire que la guerre a un bel et florissant avenir... Si comme certains le rêvent, les États Nation venaient à disparaitre, on reviendrait au temps des mercenaire, payés par leur Capitaine, comme durant la Guerre de Cent Ans... Oh zut j'oubliais Black Water...
    A propos de guerre de Cent Ans, demain 18 juin, c'est le 585° anniversaire de la plus brillante victoire de Jeanne d'Arc... Le 18 juin 1429, entre Patay et Lignerolles.
    Le destin de la France tenait entre les mains d'une jeune fille de 17 ans... La campagne de la Loire, cinq batailles, cinq victoires et trois blessures dont deux auraient pu lui être fatales.

  • michel25

    Le DJIAD a été lancé il y à déjà 1400 ans...
    il se poursuit dans quelles régions du monde... ?
    et avec quelle violence... ?
    1000 ans ou plus... ?
    et je fais de l'"aide aux devoirs " dans des quartiers très difficiles...

  • Norman14

    Notez que le sabre n'a pas totalement disparu chez certains...