Ariane Ascaride au fil des films de Robert Guédiguian

Robert Guédiguian aime Ariane Ascaride… et le fait savoir dans (presque) tous ses films. En amoureuse, mère de famille ou épouse volage, passage en revue des rôles que Robert a fait endosser à Ariane, en attendant d'aller voir “Au fil d'Ariane”, qui sort tout juste en salles.

Par Caroline Besse

Publié le 18 juin 2014 à 07h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h15

Entre Robert Guédiguian et Ariane Ascaride, c'est plus de trente ans de vie commune et autant de cinéma et d'engagement politique : ils se sont rencontrés à la faculté d'Aix-en-Provence dans les années 70 alors qu'elle était militante au sein de l'Unef. En 1980, Robert Guédiguian – ancien militant communiste – fait jouer celle devenue sa femme dans son premier long métrage : Dernier Eté. Ariane Ascaride sera ensuite à l'affiche de tous ses films, à l'exception du Promeneur du Champ de mars, en 2005, qui détonne dans la filmographie de Guédiguian. Il racontait la fin de vie de François Mitterrand, incarné par Michel Bouquet : les lambris de l'Elysée, après plus d'une dizaine de films se déroulant à Marseille, principalement dans le quartier populaire de l'Estaque, sur fond de luttes ouvrières et de conflits sociaux. 

Autour de sa femme, toujours le même duo d'acteurs : Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan. Guédiguian l'observe passer des bras de l'un à l'autre, tour à tour amants, frères, maris, ex, toujours aimants. D'autres reviendront souvent dans ses films, comme Jacques Boudet, la jeune Julie-Marie Parmentier ou Pascale Roberts. En près de vingt histoires, le réalisateur filme, scrute, analyse, dissèque Ariane Ascaride à travers de multiples femmes : une infidèle, une amoureuse passionnée ou une mère-courage, et quasiment toujours une ouvrière engagée.  A l'occasion de la sortie du film Au fil d'Ariane, nous avons choisi cinq de ces femmes, cinq visages portés par Ariane Ascaride, à travers les yeux bleus acier de Robert Guédiguian.

 

La grande amoureuse dans Marius et Jeannette (1997)

C'est le rôle qui révéla définitivement Ariane Ascaride au grand public. Cette grande histoire d'amour, présentée au Festival de Cannes en 1997 dans la catégorie Un certain regard, l'a fait triompher aux César l'année suivante comme meilleure actrice. Marius, c'est Gérard Meylan, le gardien d'une cimenterie désaffectée, qui a prétendu être handicapé pour obtenir le job. Jeannette, c'est une mère célibataire – elle fut quittée, puis veuve – de deux grands enfants, Malek et Magali. C'est une caissière en colère, qui ne supporte plus les injonctions de son patron à se tenir droite, et « a perdu l'habitude d'avoir un homme à la maison ». Elle vit à Marseille, dans le quartier populaire de l'Estaque, où se déroulent la plupart des films de Robert Guédiguian. Elle vit quasiment en communauté avec ses voisins, attentionnés et aimants, qui retiennent leur souffle, plein d'espoir et de crainte face à son amour naissant – et fulgurant, presque chaste – avec cet homme en salopette rouge.  

 

La femme déchirée dans Marie-Jo et ses deux amours (2001)

Marie-Jo est ambulancière à Marseille. Elle adore les trajets au cours desquels elle accompagne des patients au son de France Gall : « Y a des silences qui disent beaucoup/Plus que tous les mots qu'on avoue ». Car Marie-Jo tait à son mari Daniel (Jean-Pierre Darroussin), père de sa fille Julie, son amour pour Marco (Gérard Meylan). Elle passe de l'un à l'autre, en silence, en souffrant. Jusqu'au jour où Daniel l'aperçoit quasi-nue sur la terrasse de Marco. Mais Marie-Jo est incapable de choisir. « On est tellement fort quand on aime quelqu'un, on est tellement faible d'en aimer deux », tente-t-elle de se faire pardonner auprès de sa fille (Julie-Marie Parmentier) implacablement en colère. Robert Guédiguian filme ici comme jamais la peau d'Ariane Ascaride, nue, bronzée, libre, et à la fois emprisonnée dans un corps aimanté par deux hommes. 

 

La mère de famille dans Rouge midi (1985)

C'est le deuxième film de Robert Guédiguian : Ariane Ascaride y incarne Maggiorina. Elle porte des robes aux manches longues et de très longs cheveux sagement attachés en tresse ou en chignon, comme la respectable jeune immigrée italienne qu'elle est, au milieu d'une famille patriarcale. Elle tombe rapidement sous le charme irrésistible de Jérôme (Gérard Meylan, déjà) avec qui elle se marie, avant d'avoir deux enfants. Mais elle souffre vite d'être confinée au foyer, et d'entendre de loin les grèves de 1936 qui grondent à Marseille…

 

La femme volage dans Dieu vomit les tièdes (1989)

« Tirelire », qui a « une fente à la place de la bouche dans laquelle on aimerait glisser une pièce », c'est l'anti-Maggiorina. Elle aime faire l'amour, avec plein d'hommes différents. « Comme le faisaient sa mère et sa grand-mère ». Elle est serveuse dans un restaurant, et toujours entourée de ses amis d'enfance avec qui, petite, elle avait fait le serment de ne jamais oublier qu'elle est « fils » de pauvres. Tirelire a les cheveux courts comme ses jupes, boit, rit, reste discuter avec ses amis, puis les enlace quand ils vont dans les toilettes pour hommes, et peut aussi se mettre dans des colères froides. 

 

La vengeresse dans Lady Jane (2008)

C'est un des rôles les plus sombres d'Ariane Ascaride, dans le premier film policier de Robert Guédiguian. C'est la première fois aussi qu'il tourne un film dans la bourgeoise Aix-en-Provence. Muriel, « Lady Jane », ancienne membre d'un gang qui distribuait des fourrures aux ouvriers de Marseille, est devenue tenancière d'une boutique de parfum, pas loin du Cours Mirabeau et ses fontaines ancestrales. Le jour où son fils est enlevé, elle rappelle ses anciens compagnons (Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan) pour se venger. Elle est constamment vêtue de noir, c'est un aigle solitaire.

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