Le président américain Barack Obama s'exprime depuis les jardins de la Maison Blanche sur la situation en Irak, le 13 juin 2014

La réserve de Barack Obama face à la "djihadisation" de l'Irak poursuit et accélère un repli déjà décidé par son prédécesseur, George W. Bush.

afp.com/Nicholas Kamm

Comment interpréter la réserve de Barack Obama face à la désintégration qui est en train de ravager l'Irak? Il serait injuste de le charger de toutes les fautes, ce que ne manquent pas de faire ses adversaires républicains, proprement déchaînés, en rappelant qu'il a décrété le retrait radical des troupes américaines, alors que rien ne laissait entrevoir l'Irak comme un pays pacifié.

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A y regarder de plus près, il n'a fait que poursuivre et accélérer un repli déjà décidé, à l'horizon 2011, par son prédécesseur, George W. Bush; le débat porte plutôt sur le fait qu'il a choisi de ne pas laisser sur place une force significative susceptible de contrer les offensives terroristes. On peut également s'interroger sur la viabilité des négociations entretenues avec l'Iran dans le but de contenir ses prétentions nucléaires, sachant que Téhéran apporte un soutien vraiment décisif au régime de Bachar al-Assad en Syrie - de même qu'il vole au secours des chiites irakiens.

En sus de la "djihadisation" de l'Irak, il faut maintenant mesurer le poids d'une implication iranienne intensifiée dans le Croissant fertile, ce qui, entre autres effets, produit un impact immédiat sur Israël (sans parler des pays du Golfe). Alors que Jérusalem comptait les coups en Syrie, le contexte irakien modifie la donne régionale à perte de vue.

S'il faut s'interroger sur l'attitude de Barack Obama, ce n'est pas en contemplant le désastre engendré par le passé récent, mais en scrutant l'horizon enfumé du Moyen-Orient. Sous cet angle de vue, le président américain, malgré une certaine intuition, n'a pas exprimé la moindre vision et poursuit une ligne qui ne manque pas de stupéfier tant les acteurs de la région que ses propres alliés européens.

"L'armée américaine ne fait pas de piqûres d'épingle"

Tout en mesurant l'absurdité qu'il y a à condamner l'intervention américaine en Irak, en 2003, et à en souhaiter une autre aujourd'hui, on reste sidéré par le défaut de stratégie. Au fond, comme le résume brillamment l'expert américain Adam Garfinkle (1), "l'intention est de faire passer notre passivité pour autre chose que ce qu'elle est et de la faire paraître à la fois avisée et prudente...

Nous ne voulons pas en faire trop peu, parce que cela comporte des risques, mais nous ne voulons pas non plus en faire trop, parce que cela comporte aussi des risques". C'est ainsi qu'Obama annonce l'envoi de 300 hommes en tout et pour tout en Irak ; et qu'il fait savoir que l'Amérique dispose au total de 30 000 hommes... dans les différentes bases environnantes ou embarqués sur des navires. On sait sa préférence pour les frappes effectuées par les drones, le "leadership from behind", les opérations spéciales (donc secrètes), les activités de renseignement démesurées de la NSA.

On sait aussi combien l'opinion américaine est hostile à tout engagement militaire sur des champs lointains. Le résultat aboutit à une contradiction frappante : les Etats-Unis disposent encore de la plus grande force militaire de l'Histoire, d'une ampleur et d'une efficacité inégalables, et leur politique extérieure semble vouloir démontrer que la force et la diplomatie sont opposées au lieu d'être complémentaires - contrairement à toutes les doctrines d'action.

Au sujet de la Syrie, Obama avait défini une "ligne rouge" et fièrement déclaré : "L'armée américaine ne fait pas de piqûres d'épingle"; or lorsqu'il s'est agi de déclencher une action militaire significative, comme cela a bien failli se produire à la fin du mois d'août 2013, en accord avec la France, il a reculé et lié sa décision au vote du Congrès. L'Irak représente l'étape suivante... Obama, souligne Garfinkle, est "hostile au risque d'une manière générale et, en particulier, dans une région où il manque d'expérience et, en son for intérieur, d'assurance". Ce qui ne l'empêche pas, au coup par coup, de s'investir activement dans la communication soigneuse de son image - "la twitterisation de la politique étrangère en quelque sorte".

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