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Les Suisses tentent de desserrer l'étau du fisc français

Le ministre des finances, Michel Sapin, se rend à Berne négocier un nouveau tour de vis fiscal. Outre la fraude, les fiscalistes suisses font face à trois problématiques majeures.

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Publié le 25 juin 2014 à 11h12, modifié le 26 juin 2014 à 13h37

Temps de Lecture 5 min.

En 2013, le Mouvement citoyens genevois a confirmé sa position de deuxième parti du canton de Genève.

Acheter de la vigne ou cacher ses avoirs dans un trust canadien, voilà le genre de conseils pour échapper au fisc français que l'on trouve dans la presse helvétique en ce moment. Et qui font écho aux tentatives de Bercy de ramener au bercail les contribuables égarés et d'atteindre ses objectifs de collecte.

Le ministre des finances Michel Sapin a fait le point, mercredi, dans un entretien au Temps, sur le processus de régularisation lancé en juin 2013 en France concernant les fraudeurs fiscaux : « Le nombre de dossiers déposés a dépassé les 25 000, le montant moyen des avoirs déclarés s'élève à 900 000 euros », soit environ 25 milliards d'euros non déclarés.

Le ministre français a aussi réfuté l'idée d'une « idée de solution globale de règlement du passé », comme l'auraient souhaité les banques helvètes.

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Michel Sapin a rencontré mardi 24 juin à Paris des représentants de banques implantées en Suisse (HSBC, Crédit suisse... mais aussi BNP Paribas ou Crédit agricole), avant d'aller signer ce mercredi à Berne un avenant à la coopération fiscale entre les deux pays.

L'enjeu principal est de niveler le terrain pour permettre les demandes d'informations groupées sur tout le territoire suisse, par exemple, et non banque par banque. Ce nouveau mode d'échange d'information devrait accélérer un processus généralement assez long, et ce alors que le passage à l'échange automatique d'informations ne devrait pas entrer en vigueur avant quelques années encore ; l'aile droite du Parlement et l'opinion publique suisses restent farouchement opposées à la fin du secret bancaire.

Mais les autorités françaises ne désarment pas (Michel Sapin a prévu la fin du secret bancaire à 2016) et la fin annoncée de nombreuses dispositions favorables aux Français établis en Suisse ou héritant de parents qui en sont résidents précipite, de l'autre côté des Alpes, les bénéficiaires du système actuel chez leurs avocats, fiscalistes ou notaires. Qui font face, outre la question de la fraude, à trois cas de figure principaux :

La confédération, qui prise les forfaits fiscaux et les généreuses recettes qui en découlent (l'équivalent de 544 millions d'euros en 2010), permet avec ce système aux riches étrangers établis en Suisse sans y exercer d'activité lucrative (5 500 personnes en 2010 dont environ 2 000 Français) d'être imposés sur la base d'un forfait fiscal, plus favorable que les régimes fiscaux suisses et évidemment français.

Depuis début 2013, la France a décidé de mettre fin à cette « tolérance » vieille de 40 ans. « Paris conteste leur statut de résidents fiscaux suisses et ­entend les imposer selon le droit français. Cette nouvelle doctrine est contestée par la Suisse et la question sera certainement tranchée par les tribunaux dans les mois à venir », explique ainsi Le Temps.

Mais, preuve que la question est également controversée chez les Suisses, le Parlement a récemment rejeté l'abolition du forfait fiscal (proposée par la gauche qui souhaite mettre tous les résidents au même régime), après avoir toutefois décidé de l'alourdir (ce système est fondé sur la dépense et non sur le revenu ; les étrangers sont désormais imposés sur la base de sept fois la valeur locative de leur logement au lieu de cinq).

L'information a fait peu de bruit mais, la semaine dernière, la France a dénoncé la convention sur les successions conclue avec la Suisse en 1953 et imposé (pour ses ressortissants) une taxation selon la résidence de l'héritier plutôt que du défunt. Concrètement, les résidents français héritiers de proches habitant en Suisse paieront les droits de succession français à partir de 2015. Jusqu'à 45 % pour les fortunes supérieures à 1,8 million d'euros.

Certains avocats et fiscalistes disent observer un mouvement précipité d'expatriations de futurs héritiers : « C'est un mouvement que je constate, assure le fiscaliste Philippe Kenel au Temps. Je fais beaucoup de localisations en Belgique pour cette raison. » Gare toutefois aux dispositifs de surveillance du droit français. Mieux vaut avoir quitté l'Hexagone au moins six mois avant le moment de la succession, estime Philippe Kenel.

Dans un entretien à la télévision publique suisse, Miche Sapin a expliqué qu'il y avait une « tradition » dans « certaines familles françaises » d'avoir un compte en Suisse, précisant : « Ils pourront le conserver, mais dans la transparence. » De nombreuses familles de confession juive, traumatisées par les déportations et spoliations de la seconde guerre mondiale, ont choisi après-guerre d'ouvrir un compte dans les banques de ce pays réputé pour sa neutralité.

La décision française ulcère aussi les Suisses qui ne comprennent pas que, par exemple, la fille d'un de leur ressortissant ayant fait fortune soit imposée sur ces avoirs (helvètes) lorsqu'elle en héritera, si elle a choisi d'habiter en France. Les 180 000 Suisses domiciliés en France ne devraient toutefois pas être doublement imposés car la France est dotée d'un dispositif en droit interne qui évite de fiscaliser les biens taxés à l'étranger, affirme Bercy (la Suisse taxe, elle, les héritages par rapport au domicile du défunt).

1. forfaits, une question controversée

2. héritages : retour à la double imposition pour les suisses

3. frontaliers et expatriés, le renvoi d'ascenseur

Les entreprises qui emploient des étrangers en Suisse, en particulier dans le domaine de la finance, font en sorte que leurs employés soient régis par le droit suisse en les embauchant dans une filiale suisse si elles-mêmes sont étrangères.

La France n'a ainsi plus de droit de regard sur leurs avoirs, mais la Suisse peut, elle, l'exiger. Selon plusieurs expatriés français résidant à Genève, le fisc helvète aurait envoyé des demandes d'informations détaillées sur la totalité du patrimoine détenu par ces derniers, en Suisse ou à l'étranger. Un zèle qui doit notamment à la pression exercée par plusieurs gouvernements : les Etats-Unis mais aussi la France, une sorte de crainte généralisée et/ou de renvoi d'ascenseur de la part des Suisses, selon les fiscalistes.

Les frontaliers ont, eux, un traitement différencié selon le canton où ils travaillent : ils sont imposés en France s'ils travaillent dans le canton de Vaud, en Suisse s'ils sont employés à Genève, par exemple. En moyenne, l'ensemble des rétrocessions représente 4,5 % de la masse salariale brut versée aux frontaliers travaillant dans les huit cantons concernés (Vaud, Bâle-Ville et Bâle-Campagne, Berne, Soleure, Valais, Neuchâtel et Jura).

Problème, plusieurs politiques suisses ont reproché à la France ses retards de paiement concernant la rétrocession d'impôts sur ses frontaliers. En 2013, Paris a attendu le mois de décembre, avec six mois de retard, pour régler son dû : 276 millions de francs suisses (226 millions d'euros).

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