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La tomate, la vraie

La bonne tomate arrivée à maturité au soleil procure cette sensation particulière de mordre dans la chair rouge, soudain douce et fondante, pas méchante pour un sou et si rafraîchissante.

Publié le 27 juin 2014 à 11h25, modifié le 02 février 2023 à 13h53 Temps de Lecture 3 min.

Cet automne, j'ai réussi à tenir jusqu'à la mi-novembre. C'était une année "en retard" et les tomates bio, bien achetées et bien gardées, m'ont permis de déguster une dernière salade après la Toussaint et avant six mois de disette. L'hiver, ce n'est qu'ersatz à l'étalage, élevé sous serre, hors sol, calibré, transporté et résistant à tout. Surtout au goût. Pas question d'y toucher. Six longs mois à attendre le début de l'été en compagnie de quelques barquettes de sauce tomate maison, espérant au congélo les tagliatelles d'un soir de février, ou d'autres épluchées en bocaux (les italiennes sont les meilleures), parce que l'osso-buco c'est bon toute l'année. Mais pour les tomates fraîches, macache bono !

Les chefs étoilés et tous les foodies ont le respect des produits de saison cousu à la langue. Pour le commun des bistrots et des clients, c'est une autre histoire. Pourquoi en effet se priver de fruits et légumes en vente toute l'année lorsqu'on est sommé d'en consommer cinq quotidiennement ? Et comment résister, pour le bistrotier de peu, à la tomate farineuse made in Holland, tranchée vite fait, et servie avec une giclée de vinaigrette industrielle pour 7-8 € en plein mois de janvier ? "Les clients en demandent", l'excuse du filou, avec une goutte de faux vinaigre balsamique en prime.

Il suffit pourtant d'en manger une pour constater qu'elle est insipide, sans jus mais pleine d'eau, le teint pâle et les graines transparentes. Ces tomates qui appartiennent toujours à la famille des solanacées sont le fruit d'années de recherche et de sélection selon trois critères : l'aspect, la résistance au transport et la durée de conservation en rayon. Les Pays-Bas en produisent plus de 800 000 tonnes (FranceAgriMer 2010) qui n'ont jamais vu la terre avant d'arriver dans nos grandes surfaces et nos assiettes. Les plants poussent à un mètre du sol dans des bacs en plastique remplis de fibre de noix de coco, irrigués au goutte-à-goutte, avec fertilisant et tout le nécessaire chimique pour lutter contre les maladies.

Avec le gène RIN (retardateur de maturation), c'est encore mieux. Hygrométrie, taux de CO2, température, tout est contrôlé par ordinateur. Des plants grimpant à 4-5 mètres de hauteur à raison de 30 000 à l'hectare sous plastique. L'affaire tourne été comme hiver. Et depuis la mode des tomates anciennes, les serres se sont mises au goût du jour : cœur-de-bœuf, green zebra, tomate ananas, cornue des Andes et d'ailleurs sont en rayon. L'agro-industrie a réussi à calibrer la green zebra et à rendre la cœur-de-bœuf aussi grosse que fade.

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CAHIER DES CHARGES

Autant de raisons pour attendre la fin du printemps et le retour de mes tomates bio qui sont de pleine terre comme l'exige le cahier des charges. La bonne tomate arrivée à maturité au soleil sur le balcon se mange crue avec quelques cristaux de sel sur la tranche, et elle dégouline le long des lèvres. Elle procure cette sensation particulière de mordre dans la chair rouge, soudain douce et fondante, pas méchante pour un sou et si rafraîchissante. Vous comprendrez que la salade de tomates n'est pas un truc qui se manigance à la sauvette sur le coin de la table.

Qu'elles soient de variétés anciennes mélangées ou de simples tomates rouges de jardin, plusieurs options se présentent : pelées ou simplement épépinées, en rondelles ou en quartiers. A mon goût, c'est épépinées parfois pelées lorsqu'elles sont bien mûres et que la peau vient facilement et en quartiers, l'épépinage interdisant par définition la rondelle. Sel et repos une dizaine de minutes pour rendre l'eau. Le temps d'éplucher et d'émincer les oignons blancs ou violets ou les cébettes, de hacher le persil et d'effeuiller le basilic. On jette l'eau, on ajoute oignon, sel, poivre et huile d'olive de première pression, une touche de vinaigre de Jerez. Bien mélanger, saupoudrer de persil et ajouter le basilic avant de servir. Les filets d'anchois, les olives ou les rondelles d'oeuf dur pour la couleur sont en option. Dernier truc rencontré récemment dans un bistrot : quelques croûtons de pain grillé qui, à mesure, vont s'imbiber du surplus de sauce et fondre dans la bouche. Bonne salade !

jpgene.cook@gmail.com

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