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Réforme de l'Etat : « Il faut passer la surmultipliée »

Thierry Mandon, le tout nouveau secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat et à la simplification, dévoile au « Monde » son programme pour relancer la modernisation de l'action publique.

Propos recueillis par 

Publié le 28 juin 2014 à 10h59, modifié le 04 juillet 2014 à 11h11

Temps de Lecture 6 min.

Thierry Mandon, le 15 janvier.

Dans un entretien au Monde, Thierry Mandon, le tout nouveau secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat et à la simplification, dévoile son programme pour relancer la modernisation de l'action publique.

Vous héritez d'un dossier, la réforme de l'Etat, qui est désormais directement rattaché à Matignon alors qu'il était traité jusqu'à présent par Marylise Lebranchu (ministre de la décentralisation et de la fonction publique). Est-ce un désaveu à l'égard de celle-ci ?

Thierry Mandon : La réforme de l'Etat relève forcément du premier ministre. Le seul qui ait l'autorité sur l'ensemble des ministères et qui ait la capacité politique de créer de l'action interministérielle, c'est le chef du gouvernement. Cela s'est passé ainsi dans tous les pays qui ont conduit des réformes d'ampleur : Canada, Finlande, Suède, etc.

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Je bénéficie de son soutien politique absolu et de sa confiance. Je le vois autant que de besoin, et l'intégration entre mes équipes et son cabinet est étroite. C'est la seule voie possible pour réussir la transformation de l'Etat, le premier ministre doit la piloter.

Avez-vous un plan d'action ?

Il faut d'abord sortir de la paralysie engendrée par les coups de rabot chaque année, sans nier les contraintes budgétaires et repartir d'une vision plus lisible et désirable de l'Etat de demain. Aujourd'hui, elle ne l'est pas. D'ici au début de l'année 2015, nous allons passer en revue les missions de l'Etat, ses niveaux d'intervention, examiner la batterie d'indicateurs d'efficacité de la dépense publique, se pencher sur le numérique, qui doit permettre d'apporter plus rapidement des services aux usagers et de modifier les modes d'intervention de l'Etat, etc. Des groupes de travail vont être mis en place pour tracer le chemin et élaborer les réformes que l'on doit engager. Les agents et les usagers participeront à la réflexion.

Dommage que l'on n'ait pas commencé en mai 2012...

Dès le début, le président de la République avait en tête la réforme de l'Etat, mais il a considéré qu'il fallait agir au préalable sur trois questions. Premièrement, la dette : c'est par une volonté durable de baisser les dépenses publiques que l'on trouvera les forces de réformer l'Etat. Le sevrage de notre pays, intoxiqué à la dette, oblige à repenser les services publics, non pas pour diminuer leur nombre, mais pour s'interroger sur leur efficience.

Deuxième réforme préalable : la compétitivité des entreprises. Jusqu'à présent, l'action de l'Etat a été orientée sur le contrôle, la réglementation, etc. Elle doit davantage encourager l'initiative, le développement, la création de valeur et se concentrer sur les facteurs de compétitivité de long terme (éducation, recherche, grandes infrastructures). Troisième pré-requis indispensable : la réforme des collectivités locales, qui nous oblige à revoir l'organisation de services déconcentrés de l'Etat. Il fallait ces trois blocs de réformes pour qu'on se pose les bonnes questions sur la transformation de l'Etat.

La politique de modernisation de l'action publique (MAP), lancée par le gouvernement Ayrault, a donné lieu à plusieurs grands-messes dont on discerne mal les résultats...

Ce n'est pas vrai. La MAP a remis au cœur de l'Etat les enjeux liés à l'innovation, notamment avec Etalab (service chargé d'ouvrir les données publiques au plus grand nombre), qui a permis de mieux diffuser, de façon trop modeste encore, la culture du numérique au sein de l'administration. C'est aussi grâce à la MAP qu'a été lancée la simplification de la vie des entreprises ; elle commence à donner ses premiers résultats.

Mais c'est vrai qu'il faut passer la surmultipliée pour tenir compte des transformations silencieuses dans la société dont l'Etat est resté trop éloigné : la révolution numérique, qui a diffusé la culture de la rapidité et de la personnalisation des réponses alors que l'Etat est resté vertical, monolithique, global ; la métropolisation, qui renforce l'exigence de service public dans les zones qui décrochent ; l'élévation du niveau des compétences qui remet en cause les relations hiérarchiques dans notre administration.

Qu'est-ce qui va changer dans la vie des particuliers ?

Dans les jours à venir, nous allons lancer un programme d'identification des démarches qui polluent la vie des Français. Notre objectif est de montrer aux citoyens que l'Etat change de braquet et qu'il met en œuvre des réponses rapides. Elles se bâtiront pour beaucoup avec les outils numériques et la mobilisation des entreprises du Net. Le recensement va démarrer dans la première quinzaine de juillet. Ensuite, nous procéderons par « paquet de 100 difficultés », en traitant chacun d'eux en trois mois.

Comment vous êtes-vous réparti le travail avec le ministre de l'intérieur, BernardCazeneuve ? A lui la refonte des services déconcentrés de l'Etat et à vous, celle des administrations centrales ?

Bernard Cazeneuve et moi-même avons décidé de travailler ensemble, nous avons des rendez-vous hebdomadaires. Nous sommes convaincus que l'Etat déconcentré de demain ne peut pas être repensé sans tenir compte de ce qui va se passer au niveau national et réciproquement.

Nous sommes aussi en relation étroite avec André Vallini [secrétaire d'Etat chargé de la réforme territoriale] afin que la réorganisation de l'administration locale de l'Etat s'articule avec la réforme des collectivités territoriales. Face à la montée en puissance des régions et des intercommunalités, le futur Etat déconcentré s'appuiera sur des services forts à l'échelon départemental, pour garantir l'égal accès aux services publics et leur qualité.

Vous avez une idée des missions qui vont être abandonnées ?

J'ai des idées, mais je ne vais pas dire d'emblée : « Faisons ceci ou cela. » Pour réussir, la réforme doit être collaborative et associer salariés, usagers et partenaires sociaux à sa définition.

François Hollande avait déclaré, en début d'année, lors de ses vœux aux corps constitués, que « l'Etat est jugé trop lourd, trop lent, trop cher ». C'est aussi votre opinion ?

Oui. Il faut vraiment que les administrations centrales comprennent que cette réforme est prioritaire et qu'elles ne la considèrent pas comme accessoire par rapport à leurs missions.

Vous avez déclaré que la direction générale des finances publiques constitue « le plus grand lobby de France ». Vouliez-vous signifier par là que c'est une force de résistance au changement ?

Ils sont quand même très bien organisés. C'est un hommage qui leur est rendu.

Un hommage ou autre chose ?

Qui contestera qu'il y ait urgence à diversifier les profils de la haute fonction publique ?

A combien se monteront les économies budgétaires induites par la réforme de l'Etat ?

Si l'on s'y prend bien, on peut aller au-delà des objectifs que le gouvernement s'est fixé – 18 milliards d'euros sur trois ans pour l'Etat. Et cela, sans aucune diminution de qualité des services, au contraire. Mais il faut sonner la mobilisation générale en mettant en place, auprès du chef du gouvernement, un comité stratégique, composé des principaux ministères. C'est la seule solution si on veut sortir des coups de rabot budgétaires.

Que pensez-vous des récentes préconisations de la Cour des comptes sur l'augmentation du temps de travail des fonctionnaires, le gel des embauches dans les ministères prioritaires et la poursuite des réductions d'effectifs dans les autres ?

Je ne pense pas qu'il faille s'y prendre ainsi, même si le premier président de la Cour des comptes a raison de dire qu'il y a un problème d'efficacité de la dépense publique dans certains secteurs. La réforme de l'Etat par grands agrégats mathématiques qui s'impose à tous, partout, de la même façon conduit à une impasse.

Lire aussi : La réforme de l’Etat, l’Arlésienne du quinquennat

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