BANQUES - C'est la plus grande sanction infligée par la justice américaine à une banque étrangère. Coupable d'avoir réalisé des transactions en dollars avec des pays sous embargo américain, BNP-Paribas va devoir passer à la caisse. La première banque française s'est vu interdire, pendant un an, d'effectuer des paiements en dollars pour le compte de négociants en pétrole et en gaz. Et il faudra payer 8,8 milliards de dollars au Trésor américain, soit 6,45 milliards d'euros.
Pharaonique, l'amende aurait pu être encore plus importante. Le montant de 16 milliards de dollars avait été évoqué ces dernières semaines, assorti d'une suspension de la licence bancaire américaine. Selon toute vraisemblance, c'est la décision d'un plaider-coupable qui a permis d'alléger l'addition. L'amende représente néanmoins plus d'une année de profit pour BNP-Paribas. En 2013, elle a gagné 4,83 milliards d'euros, tout en provisionnant 798 millions d'euros en prévision des sanctions.
Comment le reste sera-t-il réglé ? Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, tente d'ores et déjà de rassurer les marchés en se tournant vers l'avenir. "Cette difficulté que nous traversons ne devra pas pour autant impacter notre feuille de route", explique-t-il dans une lettre envoyée au personnel. "Quant à nos réserves de liquidités, malgré les nombreuses incertitudes et rumeurs de ces derniers mois, elles demeurent au-delà de 230 milliards d’euros. Comme vous pouvez vous-même le constater,la solidité de la banque n’est donc pas entamée".
Si vous êtes client de la BNP, rassurez-vous, vous devrez être épargnés. Les dépôts bancaires sont garantis à hauteur de 100.000 euros dans l'Union européenne et la banque n'a pas l'intention de se servir dans vos avoirs. Elle pourrait néanmoins augmenter ses tarifs afin de réduire partiellement l'impact de l'amende.
Mais cette décision semble également hautement improbable, compte tenu des désaffections en série qui pourraient en découler. Si BNP-Paribas augmentait ses frais, les clients seraient ainsi poussés à rejoindre d'autres banques. La concurrence limite donc la possibilité de faire payer les clients.
Concernant les taux de crédit, ces derniers sont également régis par la concurrence. Les banques ne décident pas unilatéralement de les faire bouger. Rien à craindre, donc, de ce côté là.
Les conseillers clientèles, directeurs d'agence et même les traders ne toucheront pas d'intéressement en 2014. Si la banque n'affiche pas de bénéfice, les augmentations risquent également d'être sérieusement revues à la baisse. Enfin, concernant le cas plus spécifique de traders, ces derniers pourraient voir leurs bonus considérablement rognés. Pas vraiment de bon augure pour conserver les salariés aux hautes rémunérations variables.
Pour éteindre l'incendie, le directeur général Jean-Laurent Bonnafé s'est fendu d'une lettre à l'attention de son personnel. "Il n’y aura pas de conséquence sur l’emploi ni sur la politique de rémunération des fonctions, métiers et géographies", assure le patron opérationnel de la banque.
En France, "compte-tenu des dispositifs spécifiques d’intéressement et de participation dans la rétribution des collaborateurs et de leur importance pour ceux dont la rémunération est la moins élevée, j’ai demandé à Yves Martrenchar d’étudier des dispositions pour reconnaître le fruit de leurs efforts au titre de l’exercice 2014, malgré les conséquences de la pénalité sur nos comptes".
Ils seront les premiers touchés par l'amende. Pour certains d'entre eux, les conséquences pourront être très importantes. L'Etat belge, notamment, détient 10,3% de BNP-Paribas depuis le rachat de Fortis en 2009. Selon Le Figaro, Bruxelles a reçu 192 millions d'euros de dividendes au titre de sa participation dans la banque en 2012 et 2013.
Le conseil d'administration devra toutefois jouer serré. S'il est possible de faire payer l'intégralité de l'amende aux actionnaires en les privant de divendende pendant 3 ans, le cours de Bourse pourrait être sérieusement dégradé. L'action a déjà perdu 20% de sa valeur depuis l'annonce des difficultés de BNP. La direction devra certainement composer.
Avec une amende de 6,5 milliards d'euros, l'Etat français pourrait s’asseoir sur environ 2,5 milliards d'euros de recettes fiscales. En effet, en déclarant un bénéfice nul sur l'année 2014, BNP s’abstiendrait d'une grande partie de son impôt sur les sociétés. Une sacrée tuile, alors que l'établissement est le 2ème plus gros contributeurs français du dispositif. Il a réglé 3 milliards d'euros en 2012, derrière Total et ses 13 milliards.
Or, les avis sont partagés sur la question. Selon l'article 23 de la loi de finances pour 2008, l'amende payée ne peut être déduite au moment de payer l'impôt. Néanmoins, cette règle n'a jamais été appliquée et, si c'était le cas, rajouterait un nouveau poids sur les épaules de la BNP.
Le gouvernement a dit déjà déclaré que les intérêts de la France et de BNP-Paribas étaient "les mêmes". Cela donnera certainement lieu à une négociation entre le ministère des Finances et la direction de la banque.
Une fois l'amende payée, BNP-Paribas aura pour priorité de reconstituer ses fonds propres afin d'affronter les prochains stress-tests de la zone euro. Cela impliquera notamment une prise de risque minimum et donc forcément moins de crédits accordés. En effet, si il n'y aura pas de variation sur les taux, les agences BNP pourraient réclamer plus de garanties aux emprunteurs.
Par conséquence, il y a un risque de frein sur l'économie française. Un effet de contagion peut même être envisagé si d'autres établissements européens subissent à leur tour les foudres de Washington. Crédit Suisse a déjà écopé d'une amende de 2 milliards d'euros. D'autres devraient suivre prochainement.