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Santé : l'Etat élargit l'usage d'un médicament pour motif économique

Un amendement au budget de la Sécurité sociale permet le recours à l'Avastin pour traiter la DMLA. Une première.

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Par Catherine Ducruet

Publié le 2 juil. 2014 à 01:01

C'est une première : le gouvernement français, via un amendement au budget rectificatif de la Sécurité sociale qui devait être examiné hier soir ou ce matin, officialise, l'utilisation d'un médicament dans une indication autre que celle de son autorisation de mise sur le marché (AMM). Et ce, en dépit de l'opposition de l'industriel qui le fabrique. L'Avastin du groupe suisse Roche, utilisé en cancérologie, va désormais bénéficier d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU) à visée économique et non de santé publique.

Habituellement, la RTU est attribuée à un produit dont le rapport bénéfice-risque est présumé favorable pour « besoin médical non couvert ». Ici ce n'est pas le cas puisqu'il existe des traitements de la maladie concernée, la DMLA (Dégénérescence maculaire liée à l'âge) une pathologie oculaire répandue. Le Lucentis de Novartis, l'Eylea de Bayer et le Macugen de Pfizer ont été développés spécifiquement dans ce but. Sauf que l'Avastin est aussi efficace tout en étant 20 à 30 fois moins cher. D'où la décision du gouvernement français d'avaliser la pratique d'un certain nombre d'ophtalmologistes, qui en dehors de tout cadre officiel, puisaient dans les stocks de leurs confrères cancérologues pour traiter leurs patients souffrant de DMLA.

Pourquoi donc le groupe Roche s'oppose-t-il à une telle utilisation de son produit ? Officiellement, parce qu'il n'a pas mené d'études cliniques dans cette indication et que, sous sa présentation actuelle, il ne peut garantir l'innocuité du produit pour une administration intra-oculaire. Les patients courraient un risque, notamment infectieux, du fait d'un conditionnement inadapté. Enfin, les molécules ne sont pas identiques même si leur mécanisme d'action est le même : il s'agit d'empêcher la croissance des vaisseaux sanguins rétiniens, qui caractérise l'évolution de DMLA vers la cécité.

Manque à gagner

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Mais la position de Roche aurait aussi d'autres motifs. L'Avastin et le Lucentis ont tous deux été développés par la biotech américaine Genentech : l'Avastin pour Roche en cancérologie puis le Lucentis dont les molécules sont plus petites, spécifiquement pour l'ophtalmologie et pour Novartis. Roche ayant racheté la totalité de Genentech qui percevait des royalties de Novartis sur le Lucentis, c'est maintenant lui qui les empoche. Ce qui pourrait expliquer son manque d'enthousiasme à voir son propre produit concurrencer celui beaucoup plus lucratif de Novartis.

Après les Etats-Unis où l'Avastin est largement prescrit hors AMM, c'était au tour des autorités de santé italiennes de s'attaquer au problème il y a quelque mois. Outre, une amende pour entente infligée aux deux laboratoires suisses, le Conseil supérieur de la santé italien a émis, il y a un mois un avis favorable à l'utilisation de l'Avastin en ophtalmologie, moyennant certaines précautions, notamment de reconditionnement, et a donné son feu vert au remboursement du produit.

La France, pourrait adopter un dispositif similaire via les pharmacies hospitalières, Roche ne disposant pas de l'outil industriel pour conditionner les doses adaptées. En tous cas, cette décision ne devrait pas manquer de faire jurisprudence, en cette période de recherche d'économies tous azimuts.

Catherine Ducruet Pierre de Gasquet

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