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Les intox des sarkozystes sur Claire Thépaut

L'une des deux magistrates qui enquêtent sur l'affaire des écoutes est la cible des attaques tous azimuts du camp Sarkozy. Dont une bonne part d'intox.

Par , et

Publié le 02 juillet 2014 à 14h35, modifié le 03 juillet 2014 à 11h00

Temps de Lecture 5 min.

Haro sur Claire Thépaut. L'une des deux juges chargées du dossier des écoutes, qui a valu à Nicolas Sarkozy une mise en examen à la suite de sa garde à vue, est dans le collimateur des fidèles de l'ex-chef de l'Etat, qui n'ont de cesse de dénoncer une « cabale » et un « acharnement des juges » contre Nicolas Sarkozy, avec des arguments parfois douteux.

Florilège :

Faux

Plusieurs médias ont diffusé cette information, reprise en boucle depuis, notamment par les défenseurs de M. Sarkozy, qui ne manquent jamais de rappeler la fameuse affaire du « mur des cons ». Mais personne n'avait, semble-t-il, vérifié.

Or, c'est totalement faux. Contacté par Le Monde.fr, le Syndicat de la magistrature indique que Mme Thépaut n'a jamais été ni présidente ni membre du bureau. On peut retrouver des traces de son engagement syndical au travers de quelques pétitions, mais rien n'indique un passé de militante antisarkozyste.

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Quant à son appartenance à un syndicat, doit-on rappeler qu'elle est totalement légale, et constitue même une des libertés constitutionnelles ? 

Faux

Seconde accusation, entendue dans la bouche de nombreux sarkozystes : Mme Thépaut aurait publié sur le site Mediapart une tribune « à charge » contre Nicolas Sarkozy. Là encore, c'est tout simplement faux.

Mme Thépaut a en réalité répondu à des questions lors d'un reportage du site d'information au tribunal de Bobigny, où elle travaillait.  Le reportage est lisible ici en intégralité.

Et voici l'intégralité des propos de Mme Thepaut dans le reportage, qualifiés de violemment hostiles à Nicolas Sarkozy par les sarkozystes. On a vu critiques plus directes et plus acerbes.

Ce qui est certain, c'est que nous aspirons tous à retrouver du calme, de la sérénité et de la confiance (...) Puisque la Seine-Saint-Denis est devenue le symbole de la délinquance urbaine, raison de plus pour que l'on nous accorde du respect et des moyens. Etre taxés de juges rouges quand on ne fait qu'appliquer les textes de loi, ce n'est pas normal, lance la magistrate. Certains ont voulu nous opposer aux policiers, alors qu'ils sont performants et qu'ils travaillent dans des conditions difficiles. Eh bien il faut maintenant que la justice retrouve son rang face au ministère de l'intérieur, et que la séparation des pouvoirs soit enfin respectée. (...) Je ressens une certaine défiance du parquet vis-à-vis des juges d'instruction, à qui l'on confie de moins en moins de dossiers ces dernières années, même dans les affaires criminelles » (...) « Nous étions 16 juges d'instruction en 2007, et nous ne sommes plus que 12 aujourd'hui. Même les policiers s'en plaignent : il serait plus simple pour eux d'avoir le juge d'instruction comme seul interlocuteur, avec un cadre procédural simple, celui de la commission rogatoire, plutôt que d'avoir affaire à plusieurs magistrats du parquet. »

Plus généralement, quelques journalistes, notamment Jean-Jérôme Bertolus, d'i-Télé, ont affirmé qu'elle était une « ennemie personnelle » de Nicolas Sarkozy, sans l'appuyer sur un quelconque fait.

INTOX

Amalgame, quand tu nous tiens... Une version tronquée d'un texte attribué à Claire Thépaut circule sur les réseaux. Or il n'est pas d'elle. Voici ce faux :

Faux texte attribué à Claire Thepaut, qui émane en réalité du syndicat de la magistrature.

Il s'agit d'une lettre ouverte publiée par le Syndicat de la magistrature, à l'intention de Nicolas Sarkozy, et donc signée de son secrétaire général, Mathieu Bonduelle. Voici la version originale. 

Hors sujet

Les sarkozystes n'hésitent pas à parler de « conflit d'intérêts » concernant une magistrate membre d'un syndicat. Ce qui semble pour le moins incongru : comme l'immense majorité des fonctionnaires, les juges ont le droit de se syndiquer. Si les magistrats de l'ordre judiciaire ne sont pas soumis à la loi du 13 juillet 1983, qui définit la liberté syndicale des fonctionnaires, leur statut est régi par l'ordonnance du 22 décembre 1958. Or, celle-ci, dans son article 27-1, mentionne non seulement l'existence de « syndicats et organisations professionnels représentatifs de magistrats », mais leur confie en outre un droit de regard sur les nominations au Conseil supérieur de la magistrature.

A part les militaires, n'importe quel fonctionnaire a le droit d'appartenir à un syndicat, et on ne peut le lui reprocher. Et heureusement, car à ce compte, que dire des syndicats de policiers ou d'inspecteurs des impôts ?

Comme le rappelle Franck Johannès, spécialiste justice du Monde, parmi les ténors de l'UMP, on trouve des magistrats, anciens ou encore actifs, comme Georges Fenech ou Jean-Paul Garraud, qui ont eux-mêmes fondé des syndicats de juges... de droite.

Monté en épingle

Autre accusation, venue cette fois de Nadine Morano : « Après sa tribune sur Mediapart contre Sarkozy, la juge Claire Thépaut a bénéficié d'une promotion : impartiale ? », s'interroge l'ancienne ministre sur Twitter, avec photo à l'appui d'une liste de juges « promus » fin 2012, dont Mme Thépaut.

Mais là encore, on est, sinon dans le faux, du moins dans l'exagération la plus complète : d'une part, on l'a vu, il n'y a pas eu de « tribune ». Ensuite, Mme Morano s'est gardée de fournir l'intégralité du décret dont elle produit des extraits.

Et pour cause : il suffit de le lire pour constater qu'il contient... Des centaines de noms. Il s'agit en réalité d'une série de nominations et de mutations de magistrats, dont Mme Thépaut, parmi des centaines d'autres. En outre, précisons que ce genre de nomination est soumis à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Faire de ces nominations une promotion suspecte est donc quelque peu hâtif.

Amnésie 

De manière plus générale, les défenseurs de M. Sarkozy et les tenants du complot des juges oublient systématiquement de rappeler quelques points de droit :

– Claire Thépaut n'est pas seule chargée de ce dossier, elle travaille avec la juge Patricia Simon ;

– elle n'a pas ordonné les écoutes téléphoniques, puisqu'il s'agit d'une autre affaire et d'autres magistrats instructeurs. Ce sont les juges qui travaillaient sur le supposé financement libyen de l'élection de 2007 qui ont ordonné ces écoutes. Et c'est par ces écoutes qu'a été révélé un trafic d'influence présumé, confié, donc, aux juges Thépaut et Simon. 

1. Non, elle n'est pas ex-patronne du syndicat de la magistrature

2. Non, elle n'a pas publié de tribune contre Sarkozy

3. Non, elle n'a pas écrit ce texte qui circule

4. Oui, un juge a le droit d'être syndiqué

5. Non, elle n'a pas bénéficié de promotions suspectes

6. Non, la juge Thépaut ne travaille pas seule

7. Non, les juges ne sont pas tous « rouges » et antisarkozystes

Lieu commun

Autre affirmation générique et péremptoire : le fameux laxisme des juges, qui se doublerait d'une volonté de nuire à Nicolas Sarkozy.

On peut rappeler que le Syndicat de la magistrature (SM), si souvent mis en cause, est en réalité minoritaire. C'est l'Union syndicale des magistrats (USM), qu'on classe plutôt à droite, qui est majoritaire. En 2010, le SM avait obtenu 32,1 % des suffrages, contre 58,9 % pour l'USM et 9 % pour FO-Magistrats.

Et surtout, on peut rappeler que l'affaire des écoutes révèle l'existence d'une sorte de réseau d'amitiés sarkozystes au sein de l'appareil judiciaire, ce qui tend à démontrer que tous les juges ne sont pas de gauche...

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