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Economie circulaire : nos poubelles valent de l'or, voici pourquoi

Le patron de Veolia, Antoine Frérot, explique pourquoi les entreprises ont intérêt à prendre part à cette nouvelle économie qui mise sur la réutilisation des déchets.
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Poubelles
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(c) FRANK MAY / PICTURE ALLIANCE / PICTURE-ALLIANCE/AFP

"Le prix des matières premières pour les industriels a été divisé par deux entre 1900 et 2000, mais il a été multiplié par trois entre 2000 et aujourd'hui", déclare, grave, Antoine Frérot, PDG de Veolia en introduction de la conférence à laquelle il participe sur l'économie circulaire, ce mardi 1er juillet. Et l'horizon ne semble pas sur le point de s'éclaircir. "On peut penser que ce prix, à cause de la rareté, va s'accroître", regrette le dirigeant. Face à ce problème décrié maintes fois, la solution, totale ou partielle, semble se trouver... dans nos ordures. Transformer les déchets en ressources pour les entreprises et non plus en coût pour la société, c'est le concept sur lequel repose l'économie circulaire, le nom que l'on donne au recyclage dans sa forme la plus noble, lorsqu'il est organisé et industrialisé de façon à créer un cercle vertueux. "La première mine du XXIème siècle se trouvera dans les poubelles des pays développés", résume Antoine Frérot.

En matière d'économie circulaire, deux scénarios se profilent pour les entreprises. Dans le premier, leurs rebuts peuvent être revendus à une entreprise tierce qui s'en servira alors de matières premières dans le cadre de sa production. C'est le processus mis en place par Siniat (ex Lafarge Plâtres), qui récolte les déchets de plâtre d'autres entreprises pour en faire du plâtre qu'elle vendra à son tour. Un second scénario consiste pour l'entreprise à recycler une partie de ses produits, et à les réintégrer dans sa propre production. C'est ce qu'entreprend Coca-Cola depuis peu en France, en collectant les bouteilles avant de les recycler pour en faire de nouvelles bouteilles. 

Plusieurs entreprises ont déjà mis en place des systèmes d'économie circulaire, comme le révèle l'étude publiée en juin par JWT Intelligence, et dont certains exemples sont présentés ci-dessous:

 

"Le tri est encore très coûteux"

Si l'économie circulaire est la solution miracle, pourquoi n'est-elle pas davantage développée? Antoine Frérot identifie deux facteurs qui ralentissent son extension.

Le prix, tout d'abord. "Le tri aujourd'hui est encore très coûteux, car encore trop manuel, même si chaque nouvelle usine créée est davantage automatisée, d'où l'importance qu'une première phase de tri soit faite à la source", estime le patron de la multinationale française. Autrement dit, il est de bon ton que les particuliers mettent la main à la pâte, ou en l'occurrence, à la poubelle. Preuve que cela fonctionne? Selon le dernier rapport d'activité de la fédération du verre, 100 % du verre collecté est recyclé (et plus de 7 bouteilles sur 10 sont collectées en France). Autrement dit, si toutes les bouteilles étaient soigneusement déposées dans les conteneurs prévus à cet effet, c'est l'ensemble du verre des bouteilles qui serait recyclé. Pour Antoine Frérot, une solution consiste à "mettre en place de plus en plus de consignes comme il en existe pour les piles" (qui sont largement recyclées), pour davantage de produits.

En attendant, alors que plus de 90% du papier, du carton et des métaux ferreux sont recyclés en France, d'autres matières premières sont plus gourmandes en dépenses lorsqu'il s'agit de leur donner une seconde vie. Ainsi, seulement 2% des eaux usées dans le monde sont recyclées. Au niveau hexagonal, le bilan n'est pas beaucoup plus brillant. "La relative abondance d'eau de bonne qualité en France n'a pas poussé à une recherche systématique de la réutilisation", déplore Jean Dunglas, Membre de l’Académie d’agriculture de France, dans son rapport La réutilisation des eaux usées publié en février 2014. "Toutefois, les difficultés d'approvisionnement d'un certain nombre de zones particulières, en particulier des îles, ont été à l'origine, dès 1981, d'une série d'installations de traitements à buts d'irrigation. Les plus souvent citées sont celles des îles de Porquerolles, de Noirmoutier, Ré et Oléron auxquelles il faut ajouter le Mont Saint-Michel, et les villes de Saint-Palais et Saint-Armel."

Cependant, l'épuration de l'eau est coûteuse, elle aussi. Alors qu'un mètre cube d'eau issue d'une nappe phréatique revient à 5 centimes d'euros, le traitement d'un mètre cube d'eau usée nécessite 9 fois plus de deniers (45 centimes). Et la même quantité d'eau de mer dessalée coûterait, elle, 15 fois plus (75 centimes). Dans leur quête de compétitivité, les entreprises ont donc malheureusement souvent intérêt à privilégier des solutions standards, en raison d'effets d'échelle notamment. "Quand la matière secondaire intervient, au début elle est produite en petites quantités", explique Antoine Frérot. "Au commencement elle est donc toujours plus chère que la matière vierge."

Un bénéfice de 700 milliards de dollars

La technologie représente un second frein à la généralisation de l'économie circulaire. A l'heure actuelle, toutes les matières premières ne peuvent pas être recyclées, ou bien, elles ne peuvent l'être qu'au prix d'investissements notables. L'usine de préformes inaugurée début juin par Coca-Cola Entreprise sur son site de Grigny a ainsi nécessité 16 millions d'euros d'investissement. Le gouvernement a peut-être un rôle à jouer dans l'histoire, en créant des incitations pour les entreprises et des objectifs à remplir à un horizon fixé. Le principe d'une loi-cadre sur l'économie circulaire avait été évoqué en juin 2013 par l'ex-ministre de l'Ecologie Delphine Batho, mais il n'a pas été repris par le gouvernement à l'issue des travaux de la conférence environnementale en septembre. 

Une déception pour les adeptes de l'économie circulaire. Le projet de loi énergétique qui a été dévoilé le 18 juin en conseil des ministres, inclut un volet recyclage. Il prévoit de réduire de 50% les quantités de déchets mis en décharge d'ici 2025 (contre 26,5 actuellement) et de recycler 55% des déchets non dangereux. Il favorise aussi l'énergie issue de la valorisation des déchets non recyclables (réseaux de chaleur). Les entreprises auraient tord de faire la sourde oreille à ces injonctions. En vertu de la stratégie du bâton qui sévit déjà dans certains secteurs. Ainsi, la réglementation imposera d’ici 2020 le recyclage ou la réutilisation de 70 % des déchets du BTP. Ou en suivant la stratégie de la carotte. Car selon un rapport de la fondation Ellen Mac Arthur, chaque année les bénéfices de l’économie circulaire pour les biens de grande consommation sont estimés à 700 milliards de dollars. "Depuis 5 ans, les poubelles ont réduit", se félicite Antoine Frérot, qui souligne que les tonnages ont baissé entre 5 et 10%. La première raison, selon lui, c'est la crise. La deuxième, l'effort consenti par les particuliers. Mais ce qu'il appelle une "démarche artisanale" ne saurait suffire. "Faire des déchets des uns les ressources des autres, doit se faire, pour lui, "à une échelle industrielle", notamment en réduisant les emballages.

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