BNP Paribas et le Soudan, les liaisons dangereuses

La banque française aurait, en 1997, contourné l'embargo américain sur le Soudan, qui abritait alors le chef d'al-Qaida, ennemi public numéro un.

De notre correspondant à Genève,

La banque BNP Paribas devra s'acquitter d'une amende de 8,9 milliards de dollars pour avoir violé des embargos américains contre le Soudan, entre autres.
La banque BNP Paribas devra s'acquitter d'une amende de 8,9 milliards de dollars pour avoir violé des embargos américains contre le Soudan, entre autres. © LOIC VENANCE / AFP

Temps de lecture : 2 min

À peine les sanctions américaines sont-elles tombées sur BNP Paribas que la Suisse s'y met à son tour pour accabler la banque tricolore, qui emploie 1 700 employés dans la Confédération, dont 1 200 à Genève. "La banque s'est ainsi exposée à des risques juridiques et de réputation excessivement élevés et a de ce fait enfreint, selon le droit suisse de la surveillance, l'exigence de disposer d'une organisation adéquate", déplore l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, la Finma.

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En clair, la Suisse reproche à BNP Paribas d'avoir sali la réputation immaculée de sa place financière. Les sanctions sont toutefois surtout symboliques : la Finma décide d'un renforcement des fonds propres de la banque "pour les risques opérationnels" ainsi que d'une "interdiction de deux ans d'effectuer toute opération avec des sociétés et personnes concernées par des sanctions américaines ou européennes".

Le pape noir du terrorisme

En revanche, l'administration helvétique ne pardonne pas à l'établissement français d'avoir à deux reprises servi de plaque tournante pour contourner les embargos américains décrétés contre le Soudan en 1997 et en 2002. En une de son édition du mercredi 2 juillet, le quotidien genevois Le Temps rappelle qu'en 1997 "l'État africain abritait alors un certain Oussama Ben Laden". À cette époque, l'homme fort du pays était Hassan al-Tourabi.

Surnommé "le pape noir du terrorisme", il organisait à Khartoum des conférences populaires islamiques réunissant le Who's Who du djihad, du Jamaat-e-Islami pakistanais, au Front islamique du salut (FIS) algérien en passant par le Hezbollah libanais et de Djihad islamique de l'Égyptien Ayman al-Zaouahiri. Et surtout, le Soudan, qui a abrité un temps Ilich Ramírez Sánchez, dit Carlos, jusqu'à son arrestation en 1994, accueille le milliardaire saoudien Oussama Ben Laden, installé depuis 1992. Le pays lui a même permis d'acquérir 400 000 hectares de terres.

Des employés commencent à se syndiquer

À partir de 1997, "pratiquement toutes les banques soudanaises d'importance avaient leur compte en dollars ouvert auprès de l'antenne genevoise de BNP Paribas", révèlent les documents de la justice américaine (il s'agit en fait de Paribas, qui a été rachetée par la BNP en 1999). De quoi très sérieusement affaiblir l'embargo américain contre le Soudan, décrété par l'administration Clinton. BNP Paribas (Suisse) avait même créé un bureau spécial, baptisé GC8, pour gérer ce business clandestin avec les banques et les sociétés soudanaises...

Khartoum serait ainsi devenue pendant des années une "source majeure d'activité" pour BNP Paribas à Genève. La Finma constate que l'établissement français "a effectué des transactions pour des clients soudanais via des comptes ouverts auprès de banques tierces aux États-Unis". "Les transactions étaient alors menées via ces banques correspondantes contactées entre-temps par BNP Suisse. Ainsi, le fait que ces transactions impliquaient des clients soudanais restait inconnu pour la banque américaine." Faut-il s'attendre à des dégraissages massifs à Genève ? Signe avant-coureur, certains employés de BNP Paribas (Suisse) ont commencé à se syndiquer...

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Commentaires (23)

  • Wismerhill

    Voilà ce que rapporte la presse US indépendante :

    «La plus grande banque de la France a accepté de plaider coupable (selon des documents de la justice) en acceptant l’amende de presque 9 Mds US $, conséquence de ses transactions interdites impliquant le Soudan, l’Iran et Cuba pour la période 2004 à 2012. La compagnie sera temporairement interdite d’effectuer certaines transactions en US $. Le Président français François Hollande a refusé d’annuler un contrat de vente de deux bateaux de guerre de type Mistral porte-hélicoptère à la Russie face à la critique des États-Unis. »

    Comme l'a signalé Poutine il s'agit de la part de nos "amis" américians de chantage, mais ce qui est pire c’est que c’est la démonstration du gouffre dans lequel les États-Unis tombent quand il ne parviennent pas à leurs fins sur la scène internationale, même avec leurs soi-disant alliés, ce qui est pratiquement toujours le cas sous Obama.

    Mais comme le plus grand adversaire des sanctions russes en Europe est, de loin, l’Allemagne (en dépit ce que Merkel raconte chaque jour), et comme la Russie contrariera certainement les États-Unis dans les mois à venir, on se demande quelle action criminelle et judiciaire les États-Unis monteront contre la Deutsche Bank dans les mois à venir : d’abord du chantage, ensuite une “punition” pour oser s’engager aux côtés de la superpuissance subitement la plus détestée de l’Amérique ? Et cela amène une interrogation encore plus intéressante : avec la politique étrangère américaine partie pour poursuivre dans ses voies désastreuses, la meilleure façon de profiter de l’incompétence de John Kerry and Co. N’est-elle pas de court-circuiter une poignée de banques européennes ? Car ce qui est arrivé à BNP se reproduira certainement ailleurs en Europe...

    La France et l'Europe auraient dû dénoncer ce chantage en menaçant d'arrêter les transactions internationales en $. Les journalistes européens auraient aussi dénoncer ce chantage abjecte entre "amis"...

  • SCBACA

    à enregistrer un énorme sinistre financier. On se rappelle de l ex crédit lyonnais et de la SG avec J Kerviel. Au moins pour le Crédit Lyonnais il y avait la volonté de faire une grande banque permettant de soutenir l économie française... Pour les deux autres c est spéculation pure et simple... Ces deux la auraient du rester bcp plus humbles !

  • Delvix

    La BNP n'est que la première à avoir été pointée du doigt, mais la SocGen et le CA doivent se faire du souci aussi, il est impensable que ces banques n'aient pas aussi eu à faire avec le Soudan. Ca continuera tant que la France livre les Mistral à la Russie, c'est du chantage pur et simple.

    @ Comique : tout-à-fait d'accord.

    La question suivante, c'est si à terme le monde va cesser de faire ses transactions en USD. Environ 20% du commerce mondial se règle actuellement en Renminbi. Il y a 10 ans, la part était d'environ... 0%.